Acheteurs et vendeurs portant des masques de protection dans un marché de plein air en Égypte pendant la pandémie de coronavirus. (photo: Aleksej Sarifulin iStock by Getty Images)

Acheteurs et vendeurs portant des masques de protection dans un marché de plein air en Égypte pendant la pandémie de coronavirus. (photo: Aleksej Sarifulin iStock by Getty Images)

Comment le Moyen-Orient et l’Asie centrale peuvent limiter les séquelles économiques de la COVID-19

le 19 novembre 2020

La crise économique résultant de la pandémie de COVID-19 a provoqué un choc dont l’ampleur et la profondeur sont sans précédent dans l’histoire récente et dont les dégâts pourraient durablement pénaliser les pays du Moyen-Orient et d’Asie centrale.

Dans leur rapport qui vient d'être publié, Perspectives économiques régionales : Moyen-Orient et Asie centrale, les services du FMI examinent cette éventualité ainsi que les mesures que les pays pourraient prendre pour prévenir les séquelles économiques de cette crise et accroître leur résilience.

Normalement, les séquelles économiques d’une crise résultent d',un affaiblissement de la production ou de la demande sur la durée. La gravité de ces séquelles dépend de la situation d'un pays à l’aube de la crise et de sa riposte à cette dernière. La crise financière mondiale, par exemple, a laissé des séquelles considérables dans la région. En effet, à la fin 2019, un tiers des pays de la région n’avaient pas retrouvé leur tendance de production d’avant la crise, et ceux qui y sont parvenus ont dû attendre plus de cinq ans.

Pourquoi le risque de séquelles existe-t-il ?

Compte tenu de la nature inédite des problèmes actuels et des vulnérabilités budgétaires et extérieures qui étaient déjà prononcées avant la pandémie, les pays du Moyen-Orient et d’Asie centrale sont confrontés à une perspective effrayante : les effets de cette crise pourraient durer encore plus longtemps que ceux de la crise financière mondiale. Nous prévoyons que d’ici cinq ans, le PIB des pays de la région pourrait être de 12 % inférieur au niveau de PIB qui suivrait la tendance antérieure à la crise, contre 9 % pour les pays émergents et les pays en développement. En outre, les pays de la région pourraient mettre plus de dix ans à renouer avec la tendance d'avant la crise.

Les séquelles pourraient se manifester dans plusieurs domaines importants. Premièrement, le maintien des mesures d’endiguement entraîne des perturbations et des pertes graves pour les secteurs des services, en particulier les voyages et le tourisme. D’ailleurs, pour les pays qui dépendent du tourisme tels que la Géorgie, la Jordanie, le Liban et le Maroc, nous prévoyons que la croissance du PIB et de l’emploi ralentira de 5 points de pourcentage en 2020 ; les effets de cette baisse pourraient persister pendant 5 ans.

Deuxièmement, plus endettées et moins rentables, les entreprises de la région ont abordé cette crise en moins bonne position que lors des crises antérieures. Les données pour le premier semestre 2020 indiquent que les revenus des entreprises ont chuté de 7 %, et beaucoup de secteurs, comme l’énergie, l’industrie manufacturière et les services, ont même enregistré une baisse à deux chiffres. Il faudra probablement attendre des années pour remédier aux dommages causés aux entreprises de la région, ce qui amplifie les risques de défaillance à moyen terme.

Troisièmement, la baisse des envois de fonds au cours du premier semestre 2020 est estimée à 23 % en moyenne. La diminution persistante des envois de fonds affaiblira la demande privée et aggravera la pauvreté et les inégalités. Dans les pays fragiles et touchés par des conflits comme le Yémen et le Soudan, ainsi que dans les autres pays tributaires des envois de fonds, comme l'Égypte, le Pakistan et l’Ouzbékistan, 1,3 millions de personnes au total pourraient basculer dans l’extrême pauvreté en 2020.

Enfin, ces pays affichaient déjà des taux de chômage élevés avant la pandémie de COVID-19 et leur capacité restreinte à télétravailler conjuguées à un niveau élevé d’informalité n’ont fait qu’amplifier les effets du confinement sur le marché du travail. Il ressort des données sur les chocs antérieurs que les ralentissements dans la région ont généralement des effets durables sur le marché du travail, et que les longues périodes de chômage peuvent compromettre les perspectives d’emploi des membres de la population active sur le long terme.

Affronter les difficultés à l’horizon

Tous ces facteurs semblent indiquer que la région du Moyen-Orient et d’Asie centrale s’engage sur une voie difficile. La bonne nouvelle est que ces séquelles généralisées peuvent encore être prévenues si les autorités prennent rapidement des mesures décisives.

Il sera essentiel de promouvoir la reprise économique et d’éviter de créer des secteurs « zombies » qui reposent sur les aides publiques. Il conviendra donc de soutenir les entreprises viables, et de faciliter par ailleurs la reconversion professionnelle ainsi que la réaffectation de la main-d’œuvre et du capital provenant des secteurs en déclin permanent.

Des mesures telles que le soutien temporaire aux salaires, les bonifications d’intérêts et le report d'impôt seront essentielles pour que les entreprises disposent de liquidités suffisantes. En cas de tensions sur la solvabilité, il convient de mettre en place des régimes d'insolvabilité solides pour une résolution rapide afin de nuire le moins possible à la stabilité financière.

Tout au long de ce processus, il faudra avant tout se soucier des populations plus vulnérables et chercher à les protéger. Les dépenses de santé, d'éducation et de protection sociale doivent être préservées, et il convient d'explorer des solutions numériques innovantes pour améliorer le ciblage et la couverture des programmes. Pour les pays dont les marges de manœuvre budgétaires et les dispositifs de sécurité sociale sont faibles, les pouvoirs publics pourraient envisager des transferts monétaires inconditionnels provisoires, en attendant de pouvoir mieux cibler les bénéficiaires. Il sera crucial de doter les travailleurs des secteurs les plus touchés de compétences requises dans d’autres domaines pour éviter un chômage prolongé. Pour les travailleurs expatriés, les pays devraient favoriser une plus grande mobilité intérieure, soutenir le maintien de l’emploi, et élargir les programmes aussi bien de mise en relation employeurs-candidats que de recherche d’emploi. Les pays devraient aussi améliorer leurs plateformes numériques, ce qui rendra le marché du travail plus résilient et permettra aux pays d’exploiter les bienfaits de l’économie numérique.

La COVID-19 laissera une empreinte indélébile sur 2020 et les années à venir : son coût humain et économique est incalculable. Toutefois, grâce à des mesures efficaces et à une action déterminée, les pays du Moyen-Orient et d'Asie centrale peuvent éviter de perdre une décennie et émerger de la pandémie avec la perspective d'un avenir prospère, inclusif et plus résilient.