Résumé

Réformes de la gouvernance économique pour soutenir une croissance inclusive au Moyen-Orient, en Afrique du Nord et en Asie centrale

Les pays de la région Moyen-Orient, Afrique du Nord, Afghanistan, Pakistan, Caucase et Asie centrale (région MOAC) ont continué d’améliorer leur gouvernance économique.  Cependant, des enquêtes montrent que les citoyens et les entreprises continuent de considérer la mauvaise gouvernance et la corruption comme de sérieux problèmes dans la région.  Les indicateurs de gouvernance corroborent globalement ces vues.

Il est essentiel d’améliorer la gouvernance et de combattre la corruption pour faire face aux répercussions de la pandémie de COVID-19 et bâtir un avenir meilleur, avec une reprise durable et inclusive. Par exemple, un renforcement de la lutte de la corruption dans la région MOAC va de pair avec une augmentation des recettes intérieures, une hausse de l’efficience des investissements publics et une amélioration des indicateurs d’éducation.

Si les priorités varient selon les pays, les réformes de la gouvernance pourraient viser à :  

  • Renforcer la transparence et la responsabilisation. Il s'agirait notamment de faciliter l’accès à l’information : informations sur les budgets et les banques centrales ; processus ouverts et transparents de passation des marchés publics, avec publication des contrats et des bénéficiaires effectifs des entités adjudicataires ; contrôles internes et surveillance externe rigoureux des finances publiques, avec audits indépendants ; plus grande responsabilisation des entreprises publiques et renforcement des régimes de déclaration de patrimoine.
  • Simplifier les règles et bien les appliquer. Les opérations des institutions budgétaires et les réglementations connexes de la gestion des finances publiques pourraient être simplifiées : leur efficience serait ainsi accrue.  Une simplification des réglementations des entreprises, une meilleure application des règles et un renforcement du dispositif de contrôle du secteur financier contribueraient à réduire les formalités administratives, ainsi que la vulnérabilité à la corruption, et à améliorer le climat des affaires. 
  • Renforcer les dispositifs de lutte contre la corruption en adoptant des lois et réglementations, en s’inspirant des conventions et meilleures pratiques internationales, en mettant en place des institutions qui les appliquent de manière efficace, en renforçant les dispositifs de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, ainsi qu’en facilitant le partage d’informations aux niveaux national et international.  

Il est essentiel de compter sur la volonté des dirigeants à un haut niveau et sur la mobilisation des parties prenantes au sein de chaque pays, en particulier les entreprises, les syndicats et les organisations de la société civile, pour mener à terme des réformes ambitieuses et durables. Le passage au numérique peut transformer les services offerts par les pouvoirs publics et leurs interactions avec les entreprises et les particuliers : la transparence, l'efficience, la responsabilisation et la confiance de la population en seraient accrues. 

Le FMI aide les pays de la région MOAC, sous la forme de conseils et d'activités de développement des capacités, à continuer d’améliorer leur gouvernance, en particulier dans les domaines de la gouvernance budgétaire, du contrôle des banques centrales et du secteur financier, de la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, ainsi que des statistiques. En approuvant son cadre d’action renforcé en matière de gouvernance en 2018, le FMI a aussi élargi sa surveillance aux aspects transnationaux de la corruption, y compris le versement de pots-de-vin à des responsables étrangers et la dissimulation de produits de la corruption. 

Rôle du FMI en matière de gouvernance — Bilan de l’application de la note d’orientation — Réflexions préliminaires

14 juin 2017

Résumé analytique

En réponse à la demande du CMFI, ce rapport constitue la première étape d’une réévaluation de la façon dont le FMI traite des questions de gouvernance, en application des directives contenues dans une Note d’orientation de 1997. Le document dresse un bilan de l’application de ces directives depuis la dernière évaluation réalisée en 2004, en mettant l’accent sur le traitement des questions relatives à la corruption.

La première partie du document vise à donner quelques éclaircissements sur les définitions : tandis que le terme de « gouvernance » désigne les institutions, mécanismes et pratiques par lesquels s’exerce le pouvoir gouvernemental, la « corruption » est un concept plus spécifique qui désigne l’abus « d’une fonction publique à des fins personnelles ». Un pays peut très bien avoir une gouvernance médiocre (par exemple des institutions inefficaces), même en l’absence d’une forte corruption.

Il est de plus en plus reconnu — aussi bien au sein du FMI qu’à l’extérieur de l’institution — qu’une corruption systémique peut nuire de maintes façons à la capacité d’un État à assurer une croissance durable et inclusive. Premièrement, la corruption affaiblit les résultats budgétaires, car elle entrave le recouvrement des recettes et crée en même temps des distorsions dans les dépenses. Deuxièmement, les coûts et les incertitudes qu’elle engendre peuvent nuire à l’investissement, tant intérieur qu’extérieur. Troisièmement, en créant des distorsions dans les dépenses (en négligeant par exemple les dépenses de santé et d’éducation), la corruption peut exacerber les inégalités. Enfin, lorsqu’elle devient suffisamment systémique, la corruption peut porter atteinte à la confiance dans l’État et provoquer des dissensions et des conflits sociaux, dont les conséquences humanitaires et économiques peuvent être catastrophiques.

Pour être efficace, une stratégie de lutte contre la corruption, quelle qu’elle soit, doit agir sur plusieurs fronts. Depuis l’adoption de la Note d’orientation, le FMI a pris un certain nombre d’initiatives qui — même si elles ne ciblent pas spécifiquement la corruption —jouent un rôle important pour y remédier, plus particulièrement :

  • La promotion des réformes de la réglementation économique. Lorsque les responsables politiques sont les « gardiens de l’accès » aux réglementations, aux permis, et aux contrats, la corruption peut proliférer. En conséquence, une réforme économique adaptée et une rationalisation des réglementations — telles que celles prônées par le FMI dans ses programmes, ses activités de surveillance et son assistance technique —servent non seulement à améliorer l’efficacité économique mais aussi à lutter contre la corruption.
  • Le renforcement de la transparence et de la responsabilisation budgétaires. Dans le droit fil des directives de la Note d’orientation, le FMI a déployé des efforts considérables pour promouvoir la transparence budgétaire, au moyen par exemple, de son Code de transparence des finances publiques. Il a également soutenu les efforts d’amélioration de la transparence dans les industries extractives, où la perception de la corruption est particulièrement préoccupante.
  • Le Programme de surveillance du secteur financier et l’Initiative sur les normes et les codes. Ces activités servent à mieux cadrer les discussions de politique générale avec les autorités dans des domaines essentiels relatifs à la corruption, notamment la gouvernance et l’indépendance du secteur financier, et l’efficacité de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

Le document vise à évaluer la mesure dans laquelle la corruption a effectivement été traitée dans le cadre à la fois des activités de surveillance et des programmes appuyés par le FMI, en tenant compte de la norme énoncée dans la Note d’orientation — selon laquelle les questions de corruption doivent être traitées lorsqu’elles sont réputées avoir un impact considérable sur le plan macroéconomique à court et moyen terme.

Afin de dresser ce bilan, il a été procédé à une étude qualitative des rapports des services du FMI sur un échantillon de 40 pays au cours de la période 2005–2016. Pour déterminer si la corruption et ses conséquences macroéconomiques ont été traitées de façon satisfaisante, il a fallu établir un « critère de référence » pour chaque pays, en conjuguant : a) des indicateurs déterminés par des tierces parties (autrement dit, externes au FMI), permettant de mesurer la perception et le niveau de la corruption, et b) une étude de rapports fiables sur la corruption dans les pays concernés, rédigés par des tierces parties.

Ce bilan a permis de tirer les principaux enseignements suivants :

D’une façon générale, ce bilan constate des progrès considérables dans l’application de la Note d’orientation. L’ampleur et la minutie avec lesquelles est traitée la corruption dans un grand nombre de rapports des services du FMI et les contributions apportées par le FMI à la littérature sur la corruption témoignent d’une prise de conscience profonde que la corruption peut avoir de graves conséquences macroéconomiques qui doivent être prises en compte dans l’action du FMI. À titre d’exemple, dans la moitié des pays où la corruption a été évaluée la plus forte, le bilan a montré que le FMI a déployé une action généralement soutenue et intensive. Dans le cas des pays qui ont mis en place des programmes supportés par le Fonds, l’engagement a été encore plus pointu, plus approfondi, et plus fouillé.

Cet état des lieux constate toutefois que l’action du FMI peut encore être renforcée.

Le FMI n’a pas traité de la corruption de façon totalement homogène, et même dans les cas où la corruption a été jugée systémique, l’analyse de ses conséquences macroéconomiques n’a pas été fouillée. Pour des pays dans des situations similaires, le FMI a abordé les questions de corruption de façon plus approfondie dans le cadre de ses programmes de financement que dans le cadre de sa surveillance bilatérale, ce qui s’explique en partie par le fait que ses interventions sont plus soutenues quand le pays bénéficie d’un programme. Toutefois, l’ampleur de l’action du FMI a été extrêmement variable, aussi bien au niveau de ses activités de surveillance qu’au niveau de ses programmes de financement, même dans les cas de pays globalement confrontés à des problèmes comparables de corruption. En outre, les questions de corruption sont souvent évoquées en termes voilés. Cette approche est parfois appropriée dans certaines circonstances compte tenu des sensibilités politiques, mais peut néanmoins nuire à la clarté avec laquelle l’analyse des services du FMI a été communiquée et les conseils de politique générale ont été prodigués.

L’évaluation suggère que pour traiter de la corruption de façon plus systématique — et équilibrée —, il conviendrait que des orientations plus poussées soient données par le Conseil d’administration dans un certain nombre de domaines, dont les détails seraient discutés dans un document à venir :

  • É valuation de l’ampleur de la corruption. Conformément aux orientations fournies par le Conseil d’administration, il importera de compléter le recours aux indicateurs de tierces parties par un jugement porté par les services du FMI. Pour éclairer ce jugement, un travail analytique plus poussé sera indispensable pour déterminer les caractéristiques structurelles d’un pays qui constituent le meilleur moyen de prédire l’impact d’une forte corruption.
  • É valuation de l’impact macroéconomique. Une question fondamentale soulevée par ce bilan est celle de la pertinence de l’horizon temporel généralement considéré comme adéquat pour évaluer l’impact macroéconomique (en général, trois à cinq ans), car l’impact de la corruption sur une économie peut souvent être à plus long terme. Cette question de l’horizon temporel adéquat pour évaluer l’impact macroéconomique se retrouve dans plusieurs autres domaines couverts par les travaux du FMI (tels que l’impact des inégalités de revenus ou des politiques de renforcement du capital humain).
  • Conseils de politique générale . Le bilan met aussi en évidence la nécessité d’inclure dans l’élaboration de stratégies efficaces de lutte contre la corruption, un travail analytique approfondi pour donner aux équipes en charge de chaque pays des orientations concrètes sur les bons conseils de politique générale à prodiguer, dans les cas où la corruption est suffisamment problématique pour justifier une action du FMI en la matière.
  • Collaboration avec d’autres institutions . En parallèle à ce travail analytique, il conviendra de resserrer la collaboration avec d’autres institutions dotées d’un savoir-faire dans ce domaine —notamment la Banque mondiale —, à mesure que le FMI mettra en place des lignes d’action pour à la fois diagnostiquer l’ampleur de la corruption et élaborer des stratégies de lutte contre la corruption.

Conclusions et enseignements

1. Le présent chapitre résume les principales observations des sections précédentes et dégage des enseignements qui pourraient s'avérer utiles lors de futures interventions du FMI en matière de lutte contre la corruption . Afin de situer ces enseignements dans leur contexte, il convient de mettre en exergue certains des défis que le FMI rencontre dans ce domaine, défis qui devront être pris en compte lors de l'élaboration des directives et principes pour guider de futures initiatives.

  • Premièrement, il est difficile d'évaluer l'étendue et la nature de la corruption, étant donné que les activités illicites sont généralement dissimulées. Il faudrait déterminer avec discernement les sources d'information à prendre en compte et le degré de fiabilité de chacune pour guider l'analyse et les recommandations de politique générale. À titre d'exemple, les services du FMI pourraient recevoir des informations anecdotiques et d'ordre général, et donc difficiles à suivre.
  • Le deuxième défi consiste à comprendre les canaux de transmission entre la corruption et les résultats macroéconomiques, qui sont susceptibles de dépendre tant de la nature et de l'étendue de la corruption que du contexte au sens large, notamment les effets à court et à moyen terme d'autres facteurs sur les résultats macroéconomiques. Certaines autorités sont réticentes à coopérer avec le FMI en matière de corruption, considérant ceci comme une question essentiellement politique plutôt qu'économique. Elles pourraient aussi hésiter à rendre public le contenu de leurs échanges avec les services du FMI (voir l'annexe IV et le Document complémentaire, Note de référence VI).
  • L'autre défi tient au fait que la corruption étant souvent cachée, les effets des politiques de lutte contre la corruption et d'amélioration de la gouvernance sont difficiles à quantifier et se manifestent davantage à moyen ou à long terme.
  • Enfin, il est difficile de définir les priorités. Même si la corruption peut représenter un problème grave dans un pays, elle est souvent en concurrence avec d'autres problèmes de politique économique qui relèvent de la compétence du FMI. Étant donné qu'il dispose de ressources limitées, le FMI accorde généralement la priorité — que ce soit dans le contexte de la surveillance ou de l'utilisation de ses ressources — aux domaines où l'effet macroéconomique de son action est le plus immédiat et prévisible. Par ailleurs, lorsque la lutte contre la corruption est érigée en priorité, le degré d'implication du FMI dépendra de celui d'autres organisations, dont la Banque mondiale.

Bien que bon nombre de ces défis persisteront, le FMI peut aider ses services à les surmonter en adoptant un cadre d’action et des directives opérationnelles claires. Ce rapport soulève les questions à soumettre aux délibérations du Conseil d’administration. Sur la base de ces délibérations, un autre document sera préparé pour identifier les modifications qui devraient être apportées aux politiques et pratiques du Fonds dans ce domaine.

2. De façon générale, l'examen note des progrès considérables dans la mise en œuvre de la Note d'orientation en ce qui a trait à l'appui du FMI à la lutte contre la corruption. L'étendue et la profondeur du traitement de la corruption dans de nombreux rapports pays et les contributions du FMI aux ouvrages dédiés à la corruption prouvent une pleine conscience du fait que la corruption peut avoir de sérieuses répercussions macroéconomiques touchant à l'engagement du FMI. Cet engagement est plus profond, et ce à juste titre, dans les pays présentant des niveaux de corruption plus élevés. Pour les pays se trouvant dans le quartile supérieur, l'examen note que l'action du FMI est énergique et s'inscrit dans la durée. Dans les cas où ces pays ont mis en place des programmes appuyés par le FMI, cela a apporté plus de spécificité, de profondeur et de granularité au rôle joué par le FMI. Le fait que le FMI soit prêt à suspendre ses financements a permis d’accomplir des progrès lorsque des problèmes de corruption se sont posés ou n'étaient pas convenablement réglés dans le cadre des programmes.

3. Cet examen constate toutefois que l’action du FMI peut être encore renforcée, comme nous l’expliquons ci-dessous. Tel que souligné plus haut, cet examen se voulait surtout un état des lieux pour déterminer les domaines où des orientations supplémentaires pourraient s’avérer nécessaires. Si le Conseil d'administration souhaite donner suite à quel qu’enseignement fourni que ce soit, il peut demander que lui soit présenté un document qui donne plus de détails sur des principes ou directives opérationnelles concernant l’implication du FMI en matière de gouvernance et de lutte contre la corruption.

A. Évaluer l'étendue de la corruption

4. Il semble important que le FMI mette au point sa propre méthode cohérente d'évaluation de l'étendue de la corruption dans un pays. Dans un premier temps, les discussions des services du FMI avec les autorités seraient utiles comme fondement de l'évaluation. Cela pourrait être complété par l'utilisation : a) d'indicateurs tiers ; et b) de l’analyse d’un ensemble de caractéristiques structurelles ayant des effets importants avérés sur le niveau de corruption dans un pays. Cet ensemble pourrait englober, par exemple, la robustesse de la gestion des finances publiques dans le pays membre, la portée — et la transparence — de sa réglementation économique, l'efficience de son administration fiscale, et l'efficacité de son système judiciaire. Le recensement de ces caractéristiques pourrait constituer l'un des principaux éléments d'un éventuel document complémentaire destiné au Conseil, auquel contribueraient les départements fonctionnels et géographiques ayant l'expertise pertinente.

5. L'une des questions clés porte sur l’identification — et la détermination du rôle approprié — des indicateurs tiers. Comme mentionné plus haut, on peut s'attendre à ce que ces indicateurs jouent un rôle important, mais pas exclusif, dans l'évaluation de l’étendue de la corruption. L'existence de similarités entre des pays dans un indicateur de corruption pourrait ne pas refléter avec exactitude des différences plus ou moins importantes entre des activités de corruption exigeant des solutions distinctes. La situation économique et les institutions gouvernementales varient d'un pays à l'autre, impliquant l'existence de canaux de transmission et d'effets macroéconomiques différents. Compte tenu de cela, les services du FMI pourraient davantage se servir des indicateurs, non seulement pour donner des aperçus indépendants, mais également pour intégrer ces indicateurs dans leur propre analyse, notamment en suivant les indicateurs au fil du temps et en faisant des comparaisons entre pairs. Il faudrait aussi réfléchir à la possibilité d'utiliser un ensemble d'indicateurs tiers, car la corruption peut prendre diverses formes et ne saurait être évaluée à l'aide d'un seul indicateur [1]. Dans la pratique, les indicateurs varient considérablement du point de vue de leur méthodologie et de leur orientation ; les résultats qu'ils produisent pour un pays donné ne coïncident pas toujours. (Pour plus de détails, voir le Document complémentaire, Note de référence III.)

6. Parallèlement, des orientations à l'intention des services du FMI sont en cours d'élaboration sur l'utilisation d'indicateurs tiers . C'est une réponse aux questions récemment posées par certains administrateurs au sujet de la qualité de plusieurs de ces indicateurs et du manque d'orientations systématiques concernant leur utilisation dans les documents du Conseil d’administration. Un document du Conseil d’administration à paraître traitera de la transparence dans l'utilisation des indicateurs (par exemple, être clair sur leurs caractéristiques, leurs lacunes méthodologiques et les incertitudes liées à leur mesure), du bien-fondé des tests de robustesse (comme l'utilisation de multiples indicateurs ou la comparaison avec d'autres intrants) et de l'importance de présenter le point de vue des autorités et d'autres parties prenantes, dans la mesure où leur interprétation est différente.

B. Évaluer les effets macroéconomiques — Comprendre l'horizon temporel

7. Des orientations supplémentaires seront nécessaires quant à la méthode à employer pour évaluer les effets macroéconomiques de la corruption (annexe IV et Document complémentaire, Note de référence VI). Il ressort de l'examen que les documents des services du FMI abordent rarement le degré ou la nature des retombées macroéconomiques. Sans doute, cette évaluation est faite de manière implicite lorsque les services du FMI déterminent le moment approprié pour s'engager dans la lutte contre la corruption. Cependant, le lien déductif des indicateurs de corruption aux effets macroéconomiques n'est pas toujours évident ou utile. En supposant que l'analyse générale faite lors des discussions sur les répercussions macroéconomiques de la corruption soit acceptée, il semblerait évident que, tant dans le contexte de la surveillance que dans celui de l'utilisation des ressources du FMI, une analyse des effets macroéconomiques de la corruption soit plus probable à mesure que le niveau de corruption constaté augmente.

8. L'élaboration d'orientations sur la manière d'évaluer les effets macroéconomiques de la corruption exigera une discussion sur l'horizon temporel à prendre en compte. Certes, l'examen montre que les services du FMI ont respecté les normes édictées dans la Note d'orientation (également reprises dans la Décision sur la surveillance intégrée et les Directives afférentes à la conditionnalité), mais il convient de réfléchir de nouveau à la question de savoir si un horizon de courte ou de moyenne durée suffit pour évaluer les effets de la corruption et trouver le moyen d'y remédier. Pour certains pays où la corruption sévit gravement, ses effets macroéconomiques peuvent facilement être dissociés du rôle d'autres facteurs qui influent sur les résultats économiques. Dans d'autres cas, notamment pour les pays enregistrant une croissance économique rapide, cela peut être plus difficile, surtout sur une courte période. Les retombées de la corruption ne peuvent se faire sentir dans leur intégralité qu'à long terme et les mesures correctives pourraient aussi tarder à porter leurs fruits.

9. La nécessité de prévoir une période plus longue pour évaluer des effets économiques ne s'applique pas qu'à la corruption. Il s'agit d'une question de pertinence des politiques macroéconomiques et macrostructurelles en général, notamment les inégalités, la parité hommes-femmes et le changement climatique, qui a d'ailleurs été soulevée dans ces contextes. Par conséquent, une coordination pourrait être nécessaire pour ériger toute nouvelle orientation dans ce domaine en politique générale.

C. Donner des conseils dans le contexte de la surveillance

10. Outre les problèmes susmentionnés, relatifs à l'évaluation du problème de la corruption, il existe également des difficultés liées à la formulation de conseils dans le contexte de la surveillance une fois qu'un problème est diagnostiqué. L'expérience montre que l'engagement du FMI dans la lutte contre la corruption n'est pas le même dans les contextes de la surveillance et des programmes. L'analyse et les conseils relatifs à la corruption dans les programmes tendent à être plus précis, approfondis et détaillés que dans le contexte de la surveillance, où les conseils visant à renforcer les dispositifs et à résoudre les problèmes de corruption sont souvent de nature générale. Pour les pays soumis uniquement à la surveillance pendant une longue période, le FMI a nettement intensifié son action anticorruption dès le lancement d'un programme, tandis qu'il l'a souvent réduite une fois le programme achevé. Dans les cas où la lutte contre la corruption s'inscrit dans le cadre de la surveillance, une fois encore, elle reçoit une attention épisodique qui peut donner l'impression que la mauvaise gouvernance est un événement ponctuel et non une pratique bien ancrée, même lorsque d'autres informations, provenant notamment de sources externes et d'indicateurs tiers, portent à croire que le problème est plus endémique.

11. Comme souligné plus tôt, on doit s'attendre dans une certaine mesure à une différence de traitement entre les cas de surveillance et d'utilisation des ressources du FMI. Cela tient probablement en partie au fait que des mesures de lutte contre la corruption sont plus cruciales lorsque les résultats macroéconomiques se sont détériorés à tel point qu’un programme appuyé par le FMI s'impose. De surcroît, les ressources que les services du FMI consacrent aux programmes, dont la fourniture d'une assistance technique ciblée, sont généralement plus considérables que celles dédiées à la surveillance, ce qui permet de s'attaquer plus sérieusement à un éventail de questions de politique générale, y compris la corruption. Or, il ressort du retour d’information des services du FMI que des orientations supplémentaires sont nécessaires pour formuler les conseils relatifs à la surveillance (annexe IV et Document complémentaire, Note de référence VI). Les services du FMI ont émis le souhait de recevoir des orientations sur la manière d'adapter les conseils à la lutte contre la corruption pour que celle-ci produise de meilleurs résultats. De telles orientations pourraient faciliter la diffusion des éléments centraux des politiques visant à lutter contre la corruption, ainsi que des caractéristiques générales des stratégies anticorruption couronnées de succès. Outre les questions liées à la conception des politiques, les orientations pourraient également porter sur la manière de les mettre en œuvre. La stratégie globale de lutte contre la corruption serait sans doute éclairée par le choix des caractéristiques de l'économie de l'État membre sur lesquelles l'on s'appuie pour déterminer si la corruption est systémique. Ainsi, tout comme la faiblesse des systèmes de gestion des finances publiques est pertinente lors de l'évaluation du niveau de corruption, le renforcement de ces systèmes constituerait un ingrédient essentiel de toute stratégie anticorruption efficace.

D. Recours à la conditionnalité des programmes

12. Lorsqu'il y a eu recours à la conditionnalité, elle semblait généralement bien justifiée et rationalisée. À cet égard, le FMI semble avoir assimilé les enseignements tirés de l'évaluation ex post de 2008 sur le Kenya. Celle-ci a révélé que le programme avait été surchargé de mesures de gouvernance ayant un lien ténu avec l’aspect critique du programme. D'autres examens et évaluations ex post ont livré des enseignements similaires, soulignant l'importance d'une conditionnalité rationalisée, pertinente du point de vue macroéconomique et adaptée à la capacité de mise en œuvre (annexe VI). Si cet enseignement s'applique à la conditionnalité en général, les questions de corruption posent un problème particulier étant donné qu'il s'agit d'un sujet délicat et que des parties intéressées pourraient s'opposer au changement. Les chefs de mission ont exprimé le souhait d'avoir des orientations plus claires sur l'élaboration de conseils et de la conditionnalité dans ce domaine (annexe IV et Document complémentaire, Note de référence VI).

13. Lorsque l’appropriation des programmes par les pays a été très bonne, la lutte contre la corruption a enregistré des progrès louables, même lorsque la conditionnalité du FMI en matière de corruption était limitée. À titre d'exemple, depuis 2004, la Géorgie a considérablement réduit la corruption dans la vie quotidienne, alors que la corruption n'est devenue une priorité des programmes appuyés par le FMI qu'après 2007. Lorsque la corruption est ancrée dans l'économie politique et la résistance au changement est tenace, les progrès peuvent être lents, en dépit d'une conditionnalité rigoureuse (par exemple, l'Afghanistan, la RDC, l'Irak, l'Ukraine, le Zimbabwe). Dans ces cas, le FMI a essayé de renforcer progressivement les pratiques institutionnelles, en commençant généralement par la gouvernance budgétaire. L'examen conjoint du Département Afrique et du Département des finances publiques a constaté que, dans certains cas, la suspension potentielle ou réelle de l'aide financière du FMI était suffisante pour inciter les autorités à s'intéresser aux causes profondes du manque d'intégrité financière et à y remédier (par exemple, le Malawi en 2013 et le Mozambique en 2016).

14. Comme c'est le cas dans le contexte de la surveillance, des orientations supplémentaires sur la manière de surmonter des problèmes particuliers de corruption seraient utiles pour le cadrage des conseils dans le contexte des programmes appuyés par le FMI. Ces orientations pourraient également traiter de la définition d'objectifs réalistes et de la chronologie des réformes, surtout étant donné la durée limitée des programmes appuyés par le FMI. Elles pourraient en outre évaluer les mérites respectifs des objectifs axés sur le processus et sur les résultats, et aborder la question de la documentation des objectifs et des résultats de la conditionnalité des programmes.

E. Transparence de l'action du FMI

15. L'utilisation d'un langage indirect a peut-être permis de ménager les sensibilités, mais un recours excessif à un tel langage risque d'obscurcir les analyses et les recommandations des services du FMI. Dans certains cas, l'équipe chargée de l'état des lieux a mené une étude parallèle de sources externes, notamment des rapports d'autres organisations internationales, d'universités, d'organisations de la société civile et des médias, qui a décelé une participation sous-jacente, voire implicite du FMI à la lutte contre la corruption [2]. Toutefois, cela n'a pas toujours été possible et ne devrait pas, de toutes les façons, être nécessaire à l'interprétation des rapports du FMI. Parfois, « l'interprétation » des rapports des services du FMI semble difficile à moins que l'on soit « initié » et habitué au langage et au ton des rapports. Force est de reconnaître que l'utilisation d'un langage codé pourrait, en partie, être comprise comme le respect de la mise en garde faite par la Note d'orientation, à savoir s'abstenir d'actes portant préjudice à une quelconque procédure juridique nationale afférente — et s'abstenir de commenter des affaires en cours. Par ailleurs, un langage codé pourrait avoir été utilisé de façon stratégique dans certains cas pour faire progresser l'adhésion des autorités à des sujets sensibles et, ainsi, favoriser l'adoption des conseils du FMI. Néanmoins, les rapports des services du FMI disposent de beaucoup plus de marge de manœuvre pour traiter des questions de corruption de façon directe et claire, en particulier lorsqu'il s'agit d'expliquer le diagnostic des difficultés liées à la corruption qui est réalisé par le FMI. Cependant, comme souligné plus haut, les solutions peuvent être, le cas échéant, présentées comme contribuant à améliorer la transparence et la gouvernance au sens plus large. Il est intéressant de noter que les références explicites au terme « corruption » ont varié au fil du temps, quand bien même le doute subsiste si cela traduit un changement d'attitude à l'égard du langage direct ou une évolution globale de l'engagement du FMI (voir l'annexe V) [3].

F. Impartialité de l'action du FMI

16. L'état des lieux soulève des questions quant à l'impartialité de l'approche anticorruption du FMI, au sens de l'application d'un traitement similaire à des pays de situation analogue . Le principe d'uniformité de traitement ne signifie pas que tous les membres doivent être traités de la même manière, mais plutôt que toute décision prise par le FMI de traiter différemment des États membres doit reposer sur des critères pertinents à la lumière du but de la démarche entreprise par le FMI. Un degré d'engagement différent du FMI entre des pays présentant des niveaux équivalents de corruption peut être justifié à un moment où l'un de ces pays suscite des préoccupations plus prioritaires que d'autres (par exemple, une crise monétaire imminente). On peut également s'attendre à des degrés d'implication différents entre les situations de surveillance et les programmes, étant donné que l'action du FMI redouble d'intensité dans ce dernier contexte. Ceci dit, l'examen précise que le plus souvent, la variation du traitement des questions de corruption entre des pays présentant des niveaux élevés de corruption n'était pas clairement expliquée en référence à la situation qui prévaut dans chaque pays. Les traitements distincts peuvent s’expliquer en grande partie par les difficultés, auxquelles les services du FMI font face lorsqu'ils essaient d'évaluer la nature et l'étendue de la corruption, de comprendre ses canaux de transmission et de définir les priorités d'action (voir le paragraphe 71). L'uniformité de traitement serait davantage renforcée par la formulation d'orientations supplémentaires dans bon nombre des domaines évoqués plus haut, à savoir, comment mesurer la corruption ; comment évaluer ses effets macroéconomiques ; le type de conseils à fournir, etc.

17. Le dispositif mis en place en 2016, à la suite des conclusions de la Revue triennale de la surveillance au sujet de l'impartialité de la surveillance exercée par le FMI, peut aussi répondre aux préoccupations relatives à la surveillance. Il énonce les principes d'une surveillance équitable, axée sur les « intrants ». Ces principes régissent l'affectation des ressources, qui doit tenir compte des facteurs de risque systémiques ou pris séparément, et insistent sur le fait que les conseils de politique générale doivent découler d'une analyse judicieuse, objective et adaptée à la situation du pays [4]. L'application constante de ces principes d'impartialité, notamment aux problèmes de corruption et de gouvernance, devrait favoriser un traitement plus équitable de ces questions.

G. Collaboration avec d’autres institutions

18. La coopération avec d'autres institutions, en particulier la Banque mondiale, est essentielle car elle permet d'échanger des informations sur la situation des pays et d'élaborer des stratégies en vue d'enrayer les risques de corruption . La contribution de chaque institution se ferait dans les domaines où elle est la plus qualifiée (voir le Document complémentaire, Note de référence II). L'examen de 2004 a constaté que la coopération entre institutions produit ses meilleurs résultats dans un contexte de programme et tel est toujours le cas. Pourtant, les documents-pays contiennent assez peu d'informations claires sur la nature de cette coopération, sauf lorsque le programme anticorruption est approfondi. Dans ce dernier cas, les documents du Conseil évoquent une action concertée avec la Banque mondiale et des banques régionales de développement. En général, il est possible d'intensifier la coopération avec d'autres organisations internationales.



[1] Les indicateurs conçus pour fournir une mesure générale pourraient être inadéquats pour appréhender les problèmes de corruption dans un secteur donné, par exemple, et pourraient être complétés par des données sectorielles ou administratives.

[2] Il convient toutefois de noter que, l'équipe s'étant concentrée sur la corruption, la référence à certains concepts généraux de gouvernance — dont le renforcement de la transparence ou l'amélioration de l'efficience — pourraient avoir fait l'objet d'une interprétation erronée pour permettre de parler de la corruption de façon indirecte.

[3] Il convient de signaler que le travail complémentaire portant sur les tendances générales de l'utilisation explicite du terme « corruption » ne faisait pas partie de l'étude qualitative principale des rapports des services du FMI.

[4] Voir FMI, 2016a. Un mécanisme a également été créé pour rendre compte et évaluer les préoccupations des autorités nationales et veiller à ce que les enseignements ou les changements de politique découlant des évaluations de l'impartialité soient diffusés aux services du FMI en vue d'orienter les activités futures.