I. Introduction
Au cours des récentes années, l'expansion rapide des mouvements
internationaux de capitaux privés — investissements et
prêts — a été l'une des manifestations les
plus spectaculaires de la mondialisation. Ces flux de capitaux ont apporté
des avantages économiques importants, mais leurs renversements
soudains ont en même temps exposé les pays à des crises
de confiance périodiques.
Les coûts économiques et sociaux de ces crises peuvent être
considérables. Les institutions financières internationales
et leurs membres se trouvent donc confrontés à un double
défi : éviter les crises dans la mesure du possible,
et, le cas échéant, aider à les résoudre.
L'«engagement constructif» des débiteurs, des créanciers
et des institutions financières internationales en périodes
de stabilité peut grandement contribuer à atteindre ces
deux objectifs. Il importe à cette fin d'établir et de maintenir
des voies de communication et de coopération entre tous ces intervenants,
tant au sein de chaque pays qu'à l'échelle du système
financier international.
Le Fonds monétaire international encourage les pays à faire
leur possible pour réduire leur vulnérabilité aux
crises — par exemple, en maîtrisant la dette publique,
en luttant contre l'inflation, en évitant les régimes de
change non viables, en gérant leur dette d'une manière responsable
et en renforçant leur système financier national.
À cette fin, le FMI intensifie la surveillance régulière
des politiques de ses membres, collabore avec la Banque mondiale à
l'évaluation des systèmes financiers nationaux et offre
également des lignes de crédit aux pays qui adoptent des
mesures de prévention des crises, mais dont la vulnérabilité
persiste. De concert avec les autres institutions officielles, le FMI
encourage également les pays à adhérer à des
normes et à des codes internationaux de bonnes pratiques dans un
large éventail de domaines.
Malgré tout, il y aura encore des crises et il ne sera pas possible
— ni souhaitable — pour les institutions officielles
de répondre entièrement aux besoins financiers des pays,
d'où l'importance d'associer les créanciers privés
à leur résolution en trouvant des solutions de coopération
aux problèmes de paiements. Si l'approche volontaire ne donne pas
de résultats, les créanciers devront peut-être accepter
que leurs demandes immédiates de remboursement ne soient pas entièrement
satisfaites, et absorber une partie des pertes.
La communauté internationale a cherché à associer
les créanciers du secteur privé à la résolution
des crises financières dans un certain nombre de pays au cours
des dernières années. Les modalités précises
de cette association variaient d'un cas à l'autre, en fonction
notamment de la nature des crises et des caractéristiques des créanciers.
D'importantes questions se posent désormais : Est-il possible
de clarifier les «règles du jeu» ? Comment faciliter
ce processus et le rendre plus efficace? On constate aujourd'hui que ces
questions sont au cœur des efforts déployés par la communauté
internationale pour réformer l'architecture du système financier
international.
II. Évolution des flux internationaux
de capitaux
Les flux internationaux de capitaux privés constituent depuis
longtemps un moteur puissant de la croissance économique mondiale.
La possibilité de transférer des capitaux d'un pays à
l'autre permet aux emprunteurs de financer des investissements rentables
sans avoir à dépendre des ressources parfois ténues
de l'épargne intérieure. Elle offre en même temps
aux investisseurs et aux prêteurs la possibilité d'obtenir
un taux de rendement supérieur à celui réalisable
sur le marché intérieur de leur pays. À l'échelle
mondiale, les mouvements internationaux de capitaux favorisent l'efficacité
et la croissance économiques en permettant d'acheminer les fonds
là où ils sont les plus rentables et les plus productifs.
Les flux transfrontaliers de capitaux étaient déjà
intenses dans les décennies qui ont précédé
la Première Guerre mondiale. Les investisseurs de Londres ou de
Paris finançaient depuis les chemins de fer en Amérique
ou en Australie jusqu'à la mise en valeur du guano au Pérou.
Ces mouvements ont repris après la fin de la guerre pour s'interrompre
encore une fois au cours des années 30, avec la Grande Dépression,
les restrictions du commerce et des flux de capitaux qui l'ont accompagnée
et, finalement, la Seconde Guerre mondiale.
Pendant la guerre, les architectes du FMI et de la Banque mondiale avaient
craint la disparition définitive du marché international
des capitaux. Les flux transfrontaliers vers les pays industrialisés
ont cependant bel et bien repris au cours des années 50 et
60, pour connaître par la suite une croissance exponentielle et
s'étendre à ce qu'on appelle aujourd'hui les économies
de marché émergentes. Du début au milieu des années 80,
les flux de capitaux à destination des économies émergentes
ont traversé une longue période de dépression provoquée
par la difficulté des pays les plus lourdement endettés —
notamment ceux d'Amérique latine — à assurer le
service de leurs dettes.
L'Amérique latine a ainsi perdu une décennie de croissance
économique, et cette crise devait menacer de faillite les banques
commerciales des pays industrialisés, en particulier aux États-Unis.
La communauté internationale allait consacrer des efforts considérables
à la résolution de la crise de la dette. Elle y est finalement
parvenue et les flux de capitaux ont repris leur croissance accélérée
à la fin de la décennie. En 1997, les flux bruts de capitaux
privés vers les marchés émergents atteignaient jusqu'à
environ 290 milliards de dollars.
À mesure que les flux internationaux de capitaux s'intensifiaient
par rapport à la taille des économies nationales, la menace
d'un renversement se manifestait avec d'autant plus d'acuité. La
nécessité de conserver la confiance des investisseurs constitue
une bonne incitation — les bonnes politiques sont récompensées
et les mauvaises imposent un lourd tribut — mais au cours de
ces dernières années, la volatilité des flux a pris
des proportions que les perspectives économiques des pays ne permettaient
plus d'expliquer ni de raisonnablement justifier.
Les économies sont ainsi devenues de plus en plus vulnérables
aux crises de confiance, comme celles qui frappent les banques prises
d'assaut par leurs clients. Il arrive que les investisseurs réagissent
tardivement, mais à l'excès, à l'évolution
de la situation économique. Cette réaction peut être
multipliée lorsque la nervosité s'installe et que d'autres
leur emboîtent le pas. Pour reprendre la célèbre phrase
de Charles MacKay dans Extraordinary Popular Delusions and The Madness
of Crowds, «Comme on l'a bien dit, les hommes sont dominés
par leur instinct grégaire; ils s'emportent en masse, mais ce n'est
que un par un qu'ils reviennent à la raison».
Comme les économies d'Asie du sud-est l'ont appris à leurs
dépens en 1997 et 1998, le renversement soudain de flux de capitaux
considérables, et la pénurie de devises que ce mouvement
suppose, peuvent être extrêmement douloureux au plan économique.
Ils peuvent causer une chute prononcée de la valeur de la monnaie
nationale sur les marchés des changes, et partant un renchérissement
des importations et du coût du service de la dette libellée
en devises. Ils risquent en même temps d'exiger un ajustement très
important du solde des transactions courantes, pour fournir les devises
nécessaires au financement des sorties de capitaux, et d'entraîner
de ce fait une contraction brutale de l'activité économique
pour réduire la facture des importations. La situation ne se rétablit
que graduellement, sous l'effet d'une compétitivité accrue
favorisée par la chute du taux de change. À titre d'exemple,
entre 1996 et 1998, la Thaïlande a dû consacrer 29 milliards
de dollars, soit 20 % de sa production nationale annuelle, pour passer
d'un déficit du solde des opérations courantes à
un excédent. En 1997, la valeur du baht avait chuté de 45 %,
et le revenu national avait reculé de 10 % en 1998.
III. Pourquoi associer le secteur
privé à la résolution des crises ?
Les limites des ressources officielles
Le FMI a été créé en 1944, en partie pour
aider les pays à régler leurs problèmes de balance
des paiements en leur offrant une aide financière temporaire. On
souhaitait ainsi empêcher les pays de recourir inutilement à
des politiques dommageables pour eux-mêmes et pour les autres, comme
la dévaluation excessive de la monnaie ou l'imposition de barrières
commerciales. Toutefois, maintenant que les problèmes de balance
des paiements prennent parfois la forme de sorties soudaines et importantes
de capitaux, les sommes requises pour aider les pays à traverser
les crises peuvent être beaucoup plus lourdes. C'est là une
des raisons pour lesquelles on cherche aujourd'hui à associer le
secteur privé à la résolution des crises.
Lorsque les flux de capitaux étaient limités, aux cours
des années qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale, la somme des
devises qu'un pays devait attirer pour maintenir un niveau raisonnable
d'activité économique correspondait essentiellement à
son déficit extérieur courant, c'est-à-dire à
la somme nécessaire à l'achat des produits importés,
déduction faite de ses recettes d'exportation. D'où l'idée
traditionnelle selon laquelle pour savoir si un pays disposait de réserves
de devises suffisantes, il suffisait de calculer le nombre de mois d'importations
qu'elles lui permettaient de payer. Pour les économies de marché
émergentes, le déficit du solde des transactions courantes
représentait rarement plus de 5 % du revenu national.
Toutefois, maintenant que les flux de capitaux dépassent de loin
les sommes simplement nécessaires aux échanges commerciaux,
un pays aux prises avec une crise de confiance risque — si l'on
pousse le raisonnement à l'extrême — d'avoir besoin
de suffisamment de devises pour pouvoir rembourser immédiatement
la totalité de sa dette extérieure. Or, celle-ci est généralement
sans commune mesure avec le déficit du solde de ses transactions
courantes, s'établissant en moyenne à plus de 30 %
du revenu national des économies de marché émergentes.
Du reste, les besoins peuvent être encore plus lourds si les investisseurs
nationaux décident eux aussi de récupérer leur mise,
à l'exemple de ce qu'on a observé lors des crises récentes
survenues en Indonésie, en Russie et au Brésil.
Les besoins en aide à l'appui de la balance des paiements pouvant
être plus importants, les montants mis à la disposition par
le FMI ont eux aussi augmenté, mais beaucoup moins rapidement.
Le FMI est une coopérative de crédit à laquelle ses
membres contribuent en proportion de leur importance dans l'économie
mondiale. L'aide que les pays en difficultés peuvent obtenir correspond
à un multiple de leur quote-part, sous réserve de la conclusion
d'un accord portant sur les mesures d'ajustement et de réforme
économiques à mettre en œuvre pour s'attaquer aux sources
du problème de balance des paiements.
Le FMI dispose de lignes de crédit substantielles auprès
d'un certain nombre de pays industrialisés et de pays à
marché émergent : les Accords généraux
d'emprunt et les Nouveaux accords d'emprunt. Toutefois, le gros de ses
ressources provient des quotes-parts versées par les pays membres
qui ont une solide balance des paiements. Depuis 1970, le total des quotes-parts
mesuré en dollars et corrigé de l'inflation a augmenté
de 170 %. Or, pendant la même période, selon certaines
évaluations, les économies de marché émergentes
ont connu une croissance de 250 %, celle du commerce mondial a été
de 440 % et la progression des flux de capitaux privés a été
de près de 850 %. Le FMI met actuellement à disposition
près de 200 milliards de dollars, somme qui n'équivaut
même pas au dixième du total de la dette extérieure
des pays à revenu faible ou moyen à la fin de 1997.
Avec ces limitations, le FMI dispose donc actuellement d'une marge de
manœuvre plus étroite que celle d'une banque centrale aux prises
avec une crise de confiance du système bancaire national. Celle-ci
peut offrir aux déposants une garantie absolue de remboursement
car elle peut injecter dans le système bancaire toute la monnaie
nationale qu'elle juge nécessaire (à moins d'être
soumise à un régime de caisse d'émission ou d'avoir
adopté la monnaie d'un autre pays comme dans le cas de la «dollarisation»).
Le FMI ne pouvant donc pas jouer de la même manière ce rôle
de prêteur en dernier ressort, on comprend pourquoi les pays sont
parfois amenés à engager de profondes négociations
avec leurs créanciers pour maintenir leur accès aux sources
de financement et pourquoi, dans des circonstances extrêmes, il
peut être nécessaire de limiter les exigences de remboursement
de la dette d'un pays en graves difficultés. C'est ce que l'on
entend par «associer le secteur privé» à la résolution
des crises.
L'aléa moral
Même si le FMI disposait de ressources illimitées, il ne
serait pas nécessairement souhaitable— ni même
politiquement acceptable — de fournir à un pays toutes
les devises dont il aurait besoin en cas de panique des investisseurs.
Cela s'explique par la notion d'«aléa moral» —
c'est-à-dire le risque de laxisme des autorités et le risque
subjectif des investisseurs qui pourraient prêter de façon
imprudente sachant que la communauté internationale serait prête
à leur porter secours. Les détracteurs des mesures mises
en place par le FMI pour venir en aide au Mexique en 1995 lui reprochent
d'avoir, tout comme d'autres institutions internationales, encouragé
des investissements mal avisés en Asie du sud-est en assurant aux
détenteurs de titres publics mexicains libellés en dollars
qu'ils seraient remboursés.
Toutefois, les faits ne viennent pas étayer cette analyse. Les
sommes investies en Asie ne l'ont pas été dans des actifs
susceptibles de bénéficier d'une opération de sauvetage
du FMI. Les détenteurs de dette publique ont été
les principaux bénéficiaires de l'opération de sauvetage
mexicaine, or les avoirs en titres publics asiatiques n'ont connu qu'une
modeste croissance. De la même manière, on aurait pu s'attendre
à une augmentation des prêts aux banques asiatiques, en partant
de l'hypothèse que celles-ci allaient vraisemblablement être
protégées en cas de crise, mais il n'en a rien été.
Cela ne signifie cependant pas que l'aléa moral soit négligeable.
Les investisseurs ont clairement été encouragés à
placer leur argent en Russie en croyant à tort que ce pays était
«trop grand» et «trop nucléaire» pour tomber.
Si l'aléa moral n'est pas pris en considération, la fréquence
et la gravité des crises risquent d'augmenter.
IV. Expérience récente
en matière de participation du secteur privé
Le problème de l'action collective
Dans la plupart des cas, le FMI peut aider les pays à régler
leurs problèmes de balance des paiements sans exercer de pression
auprès de leurs créanciers privés. Une aide financière
modeste et l'adoption conjointe d'un programme d'ajustement et de réforme
économique convaincant suffiront normalement à rétablir
la confiance des investisseurs et des créanciers privés,
et donc à redonner au pays l'accès aux marchés de
capitaux privés étrangers. Les programmes récemment
convenus avec le Mexique, la Bulgarie et les États baltes constituent
de bons exemples de ce rôle «catalytique». Dans de tels
cas, le secteur privé contribue volontairement à la résolution
de la crise, tout simplement en défendant ses propres intérêts.
Toutefois, qu'en est-il d'un pays qui a un besoin en devises considérable
et de courte durée (dépassant ce que le FMI et les autres
bailleurs de fonds officiels sont disposés à lui prêter)
et qu'il a peu de chances de satisfaire rapidement auprès du secteur
privé ? Dans pareil cas, il pourrait être nécessaire
de demander aux créanciers privés de limiter leurs demandes
de remboursement. Cependant, il est très difficile de déterminer
quand cette solution s'impose. Au Brésil et en Corée, par
exemple, les programmes économiques appuyés par le FMI n'ont
pas réussi, au départ, à rétablir la confiance
des créanciers. Les banques qui avaient prêté à
ces pays n'étaient pas rassurées et continuaient à
exiger un remboursement. Les responsables du contrôle bancaire et
les banques centrales des pays industrialisés ont finalement réussi
à les convaincre de patienter et de reconduire leurs prêts.
Les créanciers privés devront également limiter
leurs demandes de remboursement si le fardeau de la dette d'un pays devient
véritablement insoutenable et qu'on a affaire non plus à
une crise de liquidités à court terme, mais à une
crise de solvabilité. Dans de tels cas, il faudra tôt ou
tard procéder à une restructuration de la dette du pays.
Comme dans les faillites à l'échelle d'un pays, les créanciers
jugent souvent qu'il est dans leur intérêt collectif de contribuer
à la résolution d'une crise financière en limitant
leurs demandes de remboursement. Le secteur officiel peut être amené
à intervenir pour promouvoir ou exiger cette modération
et ainsi éviter le «problème de l'action collective»,
c'est-à-dire la tentation des créanciers de se désengager
rapidement chacun de leur côté ou de chercher à bloquer
les projets de restructuration de la dette pour ainsi se tirer d'affaire
aux dépens des autres. Certaines institutions privées parfois
qualifiées de «fonds vautours» se spécialisent
précisément dans ce genre de tactique de blocage. Le problème
de l'action collective peut être exacerbé lorsqu'un créancier
est très mal informé des actions et des intentions véritables
des autres créanciers.
Selon Steven Schwarcz, de la Duke Law School, le film Vieilles canailles
(Waking Ned Devine) tourné en 1998, illustre parfaitement
le problème de l'action collective. Dans ce film, un homme sans
héritiers (Ned Devine) gagne 6,7 millions de livres à
la loterie nationale irlandaise mais meurt subitement sous le choc. Les
52 autres habitants du village où il vivait décident qu'un
des leurs se fera passer pour le gagnant pour empocher le prix et le partager
ensuite avec les autres. Pour toucher sa part de 130 000 livres,
chacun doit se porter garant de l'identité du faux Ned Devine auprès
des inspecteurs de la loterie. Malheureusement, une des villageoises réclame
une part plus grande du butin et menace de vendre la mèche en cas
de refus.
La tentation de certains créanciers de jouer la carte de l'abstentionnisme
est une autre dimension du problème de l'action collective. Un
accord de restructuration améliore les chances qu'a un pays d'assurer
le service de la portion de sa dette qui n'est pas restructurée;
les créanciers ont donc avantage à refuser d'être
parties à l'accord, pour ainsi avoir plus de chances d'être
remboursés.
Ainsi, comment donc peut-on, en pratique, dissuader les créanciers
peu coopératifs ou les convaincre de réduire leurs exigences?
La démarche adoptée varie selon les cas, en fonction d'une
foule de facteurs dont les plus importants comprennent le type de dette
et la nature des créanciers.
La dette envers les banques
Lorsque la dette prend la forme de prêts bancaires, la collaboration
se trouve généralement facilitée du fait du nombre
relativement petit de créanciers. Par exemple, au début
de 1999, on a réussi assez facilement à convaincre les banques
de maintenir les lignes de crédit au Brésil. Dans
un premier temps l'annonce d'un programme appuyé par le FMI n'avait
pas permis de stopper les sorties de capitaux, mais les créanciers
se sont montrés coopératifs puisqu'ils souhaitaient préserver
leurs relations à long terme avec le Brésil. Toutefois,
il n'en va pas ainsi dans tous les cas.
Le cas de la Corée, à la fin de 1997, a demandé
une approche plus musclée. Les réserves officielles du pays
étaient presque épuisées après le remboursement
des prêts extérieurs des banques coréennes. Le pays
se trouvait donc au bord du défaut de paiement. Les autorités
du groupe des 10 pays les plus industrialisés ont dû
exercer des pressions morales sur leurs banques commerciales pour les
convaincre de refinancer leurs créances auprès des banques
coréennes, au lieu d'en réclamer le remboursement. La manœuvre
a réussi, mais le G-10 ne s'est résolu à envisager
une telle approche qu'en raison du dangereux effet de contagion qu'aurait
pu avoir, sur la stabilité du système financier mondial,
une cessation de paiement de la Corée. On peut se demander si un
pays moins important au plan systémique aurait pu bénéficier
d'un tel traitement. Du reste, cette technique, si elle était couramment
employée, pourrait être dangereuse puisque les banques contraintes
de maintenir les lignes de crédit d'un pays particulier pourraient
être tentées de rééquilibrer leur portefeuille
de prêts en exigeant le remboursement d'autres dettes. La seule
crainte de pressions morales imminentes pourrait également les
pousser à exiger le remboursement anticipé de certaines
dettes.
Les obligations souveraines
Durant ces dernières années, hormis leur rapide taux de
croissance global, les flux internationaux des capitaux ont été
surtout marqués par l'importance accrue des émissions obligataires
par rapport aux prêts bancaires. Selon certaines estimations, depuis
1980 le taux brut d'émission des économies de marché
émergentes a connu une croissance annuelle moyenne de 25 %,
soit quatre fois le taux du crédit bancaire consortial. Les créanciers
privés sont ainsi devenus de plus en plus nombreux et anonymes,
et leurs actions plus difficiles à coordonner. Ils risquent moins,
par ailleurs, d'entretenir des liens commerciaux durables avec les pays
auxquels ils prêtent. Cela dit, l'expérience récente
démontre que la restructuration des créances obligataires
est moins difficile qu'on ne l'avait imaginé.
Dans le sillage de la cessation de paiement de la Russie, en 1998, et
malgré la conclusion d'un accord sur la mise en œuvre d'un programme
avec le FMI, l'Ukraine s'est retrouvée incapable d'obtenir
des fonds auprès d'investisseurs privés alors même
qu'elle devait faire face à des échéances extrêmement
concentrées. Plusieurs de ses créances obligataires exigibles
en 1998 et en 1999 ont été rééchelonnées
au cas par cas, avant qu'un accord ne soit finalement conclu, au début
de 2000, pour la restructuration complète des obligations souveraines.
Trois des séries d'obligations restructurées étaient
détenues par un nombre limité de porteurs, ce qui a facilité
l'établissement d'un dialogue constructif. L'un des investisseurs
avait fait savoir qu'il envisageait d'entamer des poursuites pour obtenir
le plein remboursement de ses créances, mais les autres ont jugé
que l'offre d'échange qu'on leur proposait était acceptable.
Finalement, l'échange a été conclu sans recours en
justice.
Le Pakistan a lui aussi conclu un accord complet de restructuration
de sa dette extérieure au début de 2000. Cette mesure faisait
suite à une crise aiguë de liquidités survenue à
la fin de 1998, lorsque l'arrivée à échéance
de plusieurs dettes à court terme a coïncidé avec une
réduction des entrées de capitaux étrangers à
cause des essais nucléaires pakistanais. Les dettes restructurées
comprenaient les dépôts détenus par les institutions
financières pakistanaises, les obligations émises par les
autorités et les prêts bancaires à l'État et
aux entreprises publiques. Les obligations pakistanaises étaient
détenues par un grand nombre d'institutions financières
et de particuliers du Moyen-Orient. Les autorités ont réussi
à contacter les détenteurs de 40 % de la valeur de
ces obligations et à conclure avec eux un échange acceptable.
Tant pour l'Ukraine que pour le Pakistan, les craintes de voir les efforts
de restructuration frustrés par des recours en justice se sont
révélées exagérément pessimistes. À
cela plusieurs raisons : de nombreux contacts avaient été
établis à titre officieux entre débiteurs et créanciers;
il existait une réelle menace de défaut de paiement en cas
d'échec des négociations; il était clair que les
pays connaissaient de graves problèmes de balance des paiements
et des pénuries de réserves; il était clairement
établi que le FMI insistait sur des réformes en profondeur
de la politique économique. Ajoutons à cela, éventuellement,
l'existence, dans nombre des contrats obligataires, de clauses permettant
de limiter la marge de manœuvre des créanciers s'opposant à
un accord, et qui ont peut-être également aidé à
éviter les poursuites. On a eu recours à de telles clauses
en Ukraine, mais non au Pakistan.
Lorsque l'Équateur s'est trouvé en difficulté,
en 1999, les perspectives de restructuration étaient beaucoup
moins bonnes. En septembre 1999, ce pays devenait le premier à
faire défaut sur ses obligations Brady, créées précisément
pour la restructuration des prêts bancaires non remboursés
des années 80. Les tentatives de normalisation des rapports
entre les autorités équatoriennes et leurs créanciers
avaient pendant longtemps été bloquées par l'instabilité
politique du pays. Cependant, en mai 2000, les autorités ont annoncé
leur intention de restructurer la totalité de leurs créances
de 6,65 milliards de dollars sous forme d'obligations Brady et d'autres
obligations internationales, en précisant qu'il n'y aurait pas
d'entente spéciale avec des groupes particuliers de créanciers.
L'offre d'échanger ces obligations par de nouvelles obligations
de 30 et de 12 ans a été faite le 27 juillet; il fallait
au moins réunir 85 % des obligations. Cette annonce allait
provoquer une hausse de la valeur de la dette de l'Équateur sur
le marché secondaire, signe que l'offre était jugée
relativement intéressante. Finalement, 98 % des porteurs acceptèrent
l'offre d'échange. Dans ce cas, les poursuites ont peut-être
été évitées en partie grâce au recours
innovateur aux «accords de sortie» (exit consents) qui
permettent à une majorité simple de porteurs de modifier
les termes du contrat obligataire original non directement liés
au remboursement. Dans ce cas de figure, les créanciers dissidents
n'ont plus autant intérêt à conserver leurs obligations.
Tout cela ne signifie pas que la menace de litiges perturbateurs disparaît.
Le Pérou a récemment dû conclure un accord
avec un «fonds vautour», Elliott Associates, qui avait réussi
à obtenir en juin 2000 auprès d'un tribunal de Bruxelles
l'ordre de bloquer le paiement par ce pays des intérêts sur
ses obligations Brady, ce qui l'aurait ainsi poussé dans une coûteuse
situation de défaut de paiement. Les fondements juridiques de l'action
de Elliott Associates sont discutables, mais le résultat obtenu
pourrait encourager d'autres créanciers à résister
à de futurs efforts de restructuration.
V. Propositions pour l'avenir
Les règles du jeu
Les créanciers privés ont maintes fois prétendu
que les efforts officiels déployés pour les associer à
la résolution des crises feraient plus de tort que de bien. Comme
l'indiquait en septembre 1999 la Emerging Market Traders Association :
«Si l'idée de la répartition des charges avec le secteur
privé est acceptable en principe, la renégociation forcée
des contrats obligataires aura un effet dissuasif chez les investisseurs
et privera finalement les pays à marché émergent
d'un accès crucial aux marchés obligataires».
Pourtant, en pratique, les choses se sont passées autrement. Les
flux bruts de capitaux privés vers les marchés émergents
se sont rétablis — malgré certaines hésitations —
depuis le creux qui a suivi la crise de fin 1998. Beaucoup d'investisseurs
privés semblent aujourd'hui admettre la nécessité
d'encourager ou (dans les cas extrêmes) d'exiger leur participation.
On déplore plutôt l'absence de règles du jeu claires
déterminant les circonstances de cette participation et la forme
qu'elle devrait prendre.
Cette préoccupation est encore exacerbée par le sentiment,
chez les investisseurs privés, qu'on exige d'eux des concessions
que, selon eux, les créanciers publics du Club de Paris refuseraient
pour eux-mêmes. Certains créanciers privés pensent
également que le FMI a encouragé activement les pays à
cesser leurs paiements et qu'il était prêt, en contradiction
avec sa politique officielle, à accorder des prêts à
des pays en situation d'arriérés vis-à-vis de leurs
créanciers privés, même lorsqu'ils n'engagent pas
de négociations de bonne foi.
Les actionnaires du FMI ont débattu de la question de savoir s'il
était réaliste et souhaitable d'avoir des règles
du jeu claires. Certains ont soutenu que la participation du secteur privé
devrait être obligatoire à partir d'un seuil prédéterminé
d'utilisation des ressources du FMI — par exemple, 300 %
de la quote-part. Ceux qui plaident en faveur de règles claires
soutiennent qu'elles aideraient et encourageraient les investisseurs et
les prêteurs à mieux gérer le risque.
D'autres ont soutenu par contre que l'adoption de règles limiterait
les options offertes à la communauté officielle dans la
résolution des crises futures. Les pays en crise sont très
disparates et il n'existe pas de recette simple ni automatique. Des règles
rigides, qui obligeraient les créanciers à absorber les
pertes dans des conditions particulières, pourraient également
les rendre moins disposés à reporter les prêts ou
à en accorder de nouveaux. Un système trop rigide pourrait
conduire à une cessation de paiements désordonnée,
limitant l'accès du pays aux capitaux à plus long terme
et menaçant également l'accès d'autres pays aux sources
de financement.
Il existe entre ces deux extrêmes une solution médiane qui
consiste à établir un cadre assorti d'objectifs clairs,
pour ensuite adapter les mesures aux circonstances particulières
à chaque cas. En vertu de ce système, lorsqu'un programme
d'ajustement économique et l'aide financière du FMI ne suffiraient
pas à rétablir l'accès du pays aux sources privées
de financement, le pays devrait consulter ses créanciers afin d'obtenir
des concessions, en attendant que les corrections mises en place commencent
à faire effet. Dans les cas extrêmes où les créanciers
se refusent à accorder volontairement de telles concessions, il
pourrait devenir nécessaire de les contraindre à modérer
leurs demandes afin de redonner à la dette du pays un profil viable.
L'engagement constructif
Il est généralement admis que de meilleurs liens de communication
entre pays débiteurs, créanciers privés et institutions
financières internationales peuvent contribuer à éviter
les crises ou à gérer et résoudre plus facilement
celles qui se manifestent. Cet «engagement constructif» s'impose
tant au niveau du système financier international dans son ensemble
qu'au niveau des pays concernés.
Afin de promouvoir cet engagement constructif à l'échelle
du système, le FMI a mis sur pied un Groupe consultatif sur les
marchés de capitaux qui permettra aux représentants des
principales institutions financières privées et aux membres
de la direction et des services du FMI d'entretenir un dialogue suivi
sur des questions d'intérêt commun. Les membres de ce groupe,
dont la première rencontre a eu lieu en septembre 2000, seront
notamment appelés à se pencher sur les aspects de l'évolution
des mouvements de capitaux et des marchés financiers qui sont importants
au plan systémique, ainsi que sur les répercussions des
actions d'ordre général entreprises par le FMI et la communauté
internationale. Toutefois, ce groupe n'aura pas pour mandat d'examiner
les questions opérationnelles ayant trait à un pays ou groupe
de pays particulier, et ne fournira pas aux membres du secteur privé
un accès privilégié à des informations à
diffusion restreinte. Le dialogue établi au sein de ce groupe devrait
contribuer à clarifier, pour le secteur privé, comment le
secteur officiel entend sa participation, même si elle ne peut faire
l'objet de règles officielles.
Il n'existe pas de recette universelle d'engagement constructif au niveau
des pays. Toutefois, le Mexique est souvent cité comme un exemple
de pratiques optimales. Les autorités mexicaines tiennent régulièrement
des conférences téléphoniques avec leurs créanciers
et leurs investisseurs, et ces contacts s'intensifient à l'approche
d'une importante émission d'obligations sur les marchés
internationaux. Elles se rendent fréquemment dans les grands centres
financiers pour discuter des événements survenus et des
perspectives d'avenir. De telles actions peuvent contribuer à abaisser
le coût des emprunts en réduisant la prime de risque exigée
par les investisseurs. Elles réduisent également les risques
de réaction démesurée et de comportement moutonnier
des investisseurs. Par ailleurs, en cas de crise, il deviendra plus facile
de coordonner une réaction volontaire des créanciers du
pays.
Toutefois, cette approche se heurte à divers obstacles, et notamment :
le manque de préparation et d'expérience en relations publiques
de certains emprunteurs; la réticence à révéler
des informations de nature délicate; la préférence
de certains investisseurs pour les contacts individuels avec les représentants
de chaque pays; le désir de certains porteurs d'obligations de
préserver leur anonymat. Ces facteurs expliquent également
pourquoi beaucoup d'intervenants montrent peu d'enthousiasme pour les
comités permanents de débiteurs et de créanciers.
Les clauses d'action collective
L'engagement constructif du pays débiteur et de ses créanciers
devrait faciliter les négociations en cas de crise. Cependant,
il serait naïf de présumer qu'une meilleure communication
suffira à éliminer le problème de l'action collective,
en particulier si certains porteurs d'obligations sont peu soucieux de
maintenir des rapports à long terme avec les pays émetteurs.
Un des moyens de faciliter la restructuration dans de telles circonstances
consiste à inclure dans les contrats obligataires des clauses qui
dissuadent les créanciers dissidents de faire obstacle à
un accord. Ces outils comprennent :
- les clauses d'action majoritaire en vertu desquelles les conditions
de restructuration recevant l'aval d'une majorité de porteurs
ont force obligatoire pour la minorité dissidente;
- les clauses de partage qui font en sorte que les fonds récupérés
par un porteur dans le cadre d'une procédure judiciaire doivent
être partagés avec les autres, au prorata du nombre d'obligations
détenues;
- les clauses de représentation collective qui facilitent
le rassemblement d'une majorité en permettant aux obligataires
de se faire représenter aux réunions par des mandataires.
Les obligations internationales de type britannique contiennent régulièrement
ce type de clauses, mais seulement le quart environ des obligations internationales
et des obligations Brady émises par les pays à marché
émergent appartiennent à cette catégorie. La majorité
relèvent de contrats de droit new-yorkais qui n'offrent pas autant
de marge de renégociation et en vertu desquels tous les porteurs
doivent convenir des modifications des conditions de paiement.
La présence de clauses d'action collective a peut-être quelque
peu contribué à faciliter la restructuration récente
des obligations de l'Ukraine et du Pakistan, encore que les participants
des marchés financiers ne sont en général pas convaincus
qu'elles contribuent beaucoup plus à améliorer les perspectives
de restructuration de la dette. Les principaux pays industrialisés
ont exhorté les économies de marché émergentes
à adopter de telles clauses, et le Royaume-Uni, l'Allemagne et
le Canada ont même prêché par l'exemple en les incluant
dans leurs propres contrats obligataires. Il est néanmoins compréhensible
que beaucoup d'économies de marché émergentes hésitent
toujours à franchir ce pas, de crainte d'une réaction négative
des investisseurs. À première vue, le recours sans précédent
à des «accords de sortie » dans le cadre de la restructuration
de la dette de l'Équateur pourrait rendre apparemment moins nécessaires
les clauses d'action collective, mais il reste que ces accords peuvent
procurer un mécanisme plus prévisible de modération
des créanciers pouvant plaire aux investisseurs et au secteur officiel.
D'aucuns pensent que les clauses d'action collective, en facilitant la
restructuration, peuvent encourager les pays à manquer à
leurs obligations. Cela risque à son tour de rendre les emprunts
plus coûteux pour les économies de marché émergentes,
en les faisant apparaître plus risqués. L'expérience
est contrastée. Il semblerait que les clauses d'action collective
n'influent pas sur le coût des emprunts des pays jouissant d'une
bonne cote de crédit, mais qu'elles les rendent effectivement plus
coûteux pour les pays dont le crédit est moins bon. D'aucuns
n'y voient rien de mauvais puisque les pays seront ainsi encouragés
à adopter des politiques propres à améliorer leur
cote de crédit.
Les clauses d'action collective peuvent certainement faciliter la restructuration
des créances obligataires, mais elles n'empêchent en rien
les porteurs de se ruer vers la sortie de crainte que des fonds vautours
ou d'autres créanciers dissidents minoritaires ne réussissent
à opérer un blocage.
La reconnaissance officielle de suspensions de paiement
Lorsqu'une entreprise se trouve en difficultés, ses créanciers
ont intérêt à saisir ses avoirs le plus rapidement
possible. Pour cette raison, la plupart des pays ont adopté des
lois qui protègent temporairement les entreprises en difficultés
contre les actions de leurs créanciers — par exemple,
le Chapitre 11 de la Loi sur les faillites aux États-Unis. Cependant,
les pays en difficultés ne peuvent pas compter sur ce genre de
protection à l'échelle internationale.
La mise en place d'une telle protection n'est pas pour demain, mais certains
soutiennent que dans le cas d'un pays en difficultés, un accord
de suspension provisoire du service de sa dette sanctionné par
la communauté internationale pourrait servir l'intérêt
public. Dans un certain sens, le FMI accorde déjà un appui
moral à cette solution en acceptant de prêter à des
pays qui ont déjà des arriérés de paiements
auprès de leurs créanciers privés, à condition
qu'ils négocient de bonne foi un accord avec eux.
Cependant, cet appui moral ne procure pas aux pays une protection juridique
contre leurs créanciers. Certains ont suggéré qu'on
pourrait y parvenir en modifiant l'article VIII.2.b des Statuts du
FMI. Cet article donne déjà au FMI le pouvoir de sanctionner
le contrôle des opérations en capital (en prohibant certains
paiements internationaux) et le contrôle des changes (en limitant
la disponibilité des devises pour faire ces paiements). Un amendement
serait nécessaire pour préciser que la compétence
du FMI s'étendrait aux contrôles imposés à
l'appui d'une suspension temporaire des paiements.
Les points de vue sur cette question divergent radicalement parmi les
actionnaires du FMI, et les obstacles pratiques à l'adoption d'un
tel changement sont considérables. L'expérience passée
porte à croire que des interrogations persisteraient quant au sens
et à l'efficacité de la compétence juridique du FMI
en cette matière. La ratification poserait également un
problème. Un tel changement exigerait en effet l'appui de plus
de la moitié des actionnaires du FMI détenant au moins 85 %
du total des voix. L'amendement devrait ensuite être sanctionné
par le droit national régissant les contrats, soit par voie législative,
soit par le biais d'une interprétation juridique établissant
un précédent dans les tribunaux nationaux. Selon toute vraisemblance,
plusieurs pays répugneraient à limiter ainsi la liberté
de leurs citoyens de faire appel aux tribunaux pour obtenir le paiement
de leurs créances.
Tous ces obstacles mis à part, les répercussions que pourraient
avoir ces suspensions de paiement sur le comportement des prêteurs
et des investisseurs restent incertaines. La menace d'une suspension forcée
pourrait encourager les créanciers à coopérer volontairement,
mais elle pourrait également les inciter à se ruer sur la
sortie encore plus tôt qu'ils ne le feraient normalement. Elle risquerait
également d'encourager les créanciers d'un pays à
vendre des avoirs ou à exiger des remboursements anticipés
dans d'autres pays, contribuant ainsi à propager l'instabilité
et les problèmes de balance des paiements. S'agissant des mouvements
futurs de capitaux, les suspensions temporaires de paiements risqueraient
d'encourager les investisseurs à programmer une sortie précoce
(en imposant des échéances de remboursement plus courtes)
et à exiger des garanties sous forme de recettes d'exportation
ou d'autres actifs. À terme, loin de la faciliter, ces mesures
pourraient compliquer la résolution des crises.
VI. Conclusion
On ne parviendra jamais à faire entièrement disparaître
les crises financières, mais il est tout à fait possible
d'en réduire la fréquence et la gravité. La prévention
des crises est une priorité. À cette fin, le FMI s'efforce
de resserrer sa surveillance régulière des politiques nationales
et de mettre l'accent sur les facteurs qui risquent d'accroître
la vulnérabilité des pays aux crises : politiques macroéconomiques
et systèmes financiers déficients, régimes de change
inadaptés, etc. Il offre également aux pays une assistance
financière pour leur permettre d'adopter des politiques qui les
rendront moins vulnérables aux crises.
Cependant, aucune mesure de prévention n'est infaillible. Il importe
donc de chercher à faciliter la gestion des crises et à
en limiter les coûts sociaux et économiques. Il est désormais
généralement admis que l'association du secteur privé
à la résolution des crises peut jouer un rôle important
en ce sens. Cependant, plusieurs questions importantes se posent toujours
à ce propos au sein de la communauté internationale, et
notamment celles de savoir comment faciliter la participation du
secteur privé et la rendre plus efficace et comment préciser
les «règles du jeu» sans renoncer aux avantages d'une
démarche plus souple.
|