Groupe intergouvernemental des vingt-quatre pour les questions monétaires internationales et le développement

le 5 avril 2021

  1. L’économie mondiale semble se remettre de la crise de la COVID-19. La trajectoire vers une reprise généralisée et inclusive est néanmoins marquée par l’incertitude entourant la disponibilité de vaccins sûrs et abordables et leur accès par tous, ainsi que la vigueur du soutien financier extérieur aux pays en développement. La pandémie a mis à dure épreuve les systèmes de santé et durement frappé les économies de ces derniers, dont la marge de réaction est restreinte. Des millions de personnes ont basculé dans l’extrême pauvreté et l’insécurité alimentaire a nettement augmenté, en particulier dans les pays les plus pauvres et les pays fragiles ou touchés par un conflit. Nos priorités les plus urgentes sont de maîtriser la pandémie, et il sera à cet effet fondamental d’accélérer la vaccination et de rebâtir nos économies pour éviter de perdre une décennie de développement et de faire reculer considérablement le bien-être des individus.
  1. À ce tournant décisif, la coopération internationale est essentielle pour assurer une meilleure reprise dans tous les pays et promouvoir une convergence rapide des revenus par habitant entre les pays avancés et les pays en développement. Nous continuons à réagir en prenant des mesures exceptionnelles, aussi longtemps qu’il le faudra et autant que les circonstances nationales le permettront, afin de soutenir l’activité économique pour protéger les emplois et les revenus, fournir une protection sociale, en particulier aux populations vulnérables, renforcer les systèmes sanitaires, accélérer le passage au numérique et préserver la résilience financière. Les pays avancés ont lancé de vastes plans de relance qui ont amorti les répercussions mondiales de la pandémie, et nous les encourageons à ne pas mettre fin à leur soutien prématurément. L’aide internationale en faveur des pays en développement, en revanche, n’a pas permis de couvrir les nouveaux besoins de financement de ces pays, estimés à 2 500 milliards de dollars. Nous appelons les institutions financières internationales, en particulier le FMI et la Banque mondiale, en coordination avec la communauté internationale, à mettre à la disposition de l’ensemble des pays en développement, dans toute la mesure du possible, les liquidités et le soutien budgétaire nécessaires. Des financements concessionnels et des transferts positifs nets doivent être des composantes essentielles de la riposte financière mondiale afin d’éviter que les perspectives de développement des pays à faible revenu et des petits pays vulnérables en pâtissent durablement. Il est fondamental que toutes les grandes économies œuvrent de concert et exploitent tous les outils à leur disposition pour favoriser un climat propice à un développement des échanges et accroître la confiance des investisseurs afin de stimuler la croissance des investissements dans l’ensemble des pays.
  1. Des vaccins abordables doivent être partout disponibles, rapidement et équitablement, car pour l’heure, il s’agit du bien public le plus essentiel. Il est fondamental de maîtriser la pandémie et d’assurer une reprise mondiale généralisée. Nous appelons les pays avancés à accroître les financements du dispositif COVAX afin d’aider davantage de pays à faible revenu et à revenu intermédiaire à avoir un accès équitable et rapide à des vaccins abordables et à progresser vers une libéralisation des brevets des vaccins contre la COVID-19 pour stimuler la production mondiale. Nous nous félicitons du programme de l’Union africaine d’achat de vaccins pour compléter ceux déjà acquis dans le cadre du dispositif COVAX. Les banques multilatérales de développement doivent également jouer un rôle important dans le financement et la fourniture de vaccins et soutenir les efforts visant à donner aux pays en développement les moyens de produire des vaccins. Nous appelons les banques multilatérales de développement à renforcer la coopération internationale et à adopter uniformément les critères COVAX ou la liste des outils d’urgence contre la COVID‑19 établie par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). À l’heure actuelle, l’insuffisante de l’offre restreint l’accès aux vaccins des pays en développement, dans la mesure où les pays avancés ont acheté l’essentiel des doses. Nous appelons l’Organisation mondiale du commerce et les banques multilatérales de développement à chercher des solutions pour augmenter la production de vaccins, notamment en examinant les règles relatives à la propriété intellectuelle en vue d’accroître la fabrication de vaccins et d’autres produits médicaux afin de combattre efficacement la pandémie de COVID-19.
  1. Nous réaffirmons qu’il est important de disposer d’un solide filet mondial de sécurité financière ayant en son centre un FMI doté de ressources suffisantes et reposant sur un système de quotes-parts. Nous nous félicitons du soutien accru du conseil d’administration du FMI pour une nouvelle grosse allocation de droits de tirage spéciaux (DTS) qui permettrait de faire face aux besoins globaux de liquidités à long terme. Elle doit s’accompagner d’engagements des États membres qui jouissent d’une solide position extérieure à mettre volontairement leurs DTS, y compris dans le cadre de la nouvelle allocation, à disposition des pays qui manquent de liquidités en ces temps exceptionnels. Les mécanismes de recyclage qui renforcent la capacité de prêt du FMI permettront à ce dernier d’accroître les limites d’accès aux ressources pour les emprunteurs ainsi que l’aide aux pays à revenu faible ou intermédiaire. Le FMI devrait prendre des mesures afin de moderniser les DTS et d’accroître leur impact, et étudier une méthode plus juste et équitable d’allouer les DTS aux pays en fonction de la demande. Nous engageons le FMI à assurer une utilisation transparente et responsable des DTS. En outre, nous engageons le FMI à achever en temps voulu la 16e révision générale des quotes-parts d’ici fin 2023, et nous attendons avec intérêt une augmentation des quotes-parts, une diminution du recours aux ressources empruntées et la mise en œuvre des réformes de la gouvernance tant attendues pour accroître les quotes-parts relatives des pays émergents et des pays en développement tout en protégeant les parts des pays les plus pauvres.
  1. Nous notons avec satisfaction que le FMI a aidé rapidement ses pays membres depuis le début de la pandémie. Il est important que le FMI fasse preuve de souplesse et adapte ses mécanismes de prêt à l’évolution des besoins des pays à revenu faible ou intermédiaire pendant leur reprise. Nous attirons l’attention sur le rôle des instruments de financement de précaution qui aident les pays admissibles à faire face aux risques extérieurs extrêmes. Puisque le FMI révisera cette année ses politiques en matière de limites d’accès et de commissions additionnelles, nous engageons le FMI à corriger le caractère régressif et procyclique de la politique des commissions additionnelles et à envisager de prendre des mesures spécifiques, par exemple de suspendre les commissions additionnelles pour l’instant afin d’aider les pays à se redresser sur le plan économique. Nous encourageons le FMI à examiner plus avant une réduction importante permanente des commissions additionnelles, ou leur suppression. Nous l’encourageons en outre, non seulement à obtenir de nouvelles ressources auprès des bailleurs de fonds, mais aussi à étudier des moyens de financement non traditionnels et prévisibles afin d’accroître les ressources du fonds fiduciaire pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance et les ressources du FMI consacrées au développement des capacités qui est de plus en plus demandé par les pays. Nous engageons le FMI à trouver les moyens d’augmenter ses ressources budgétaires internes de façon à disposer des moyens financiers et humains nécessaires pour s’acquitter de son mandat. Nous attendons avec intérêt le prochain examen de la vision institutionnelle du FMI sur les flux de capitaux, qui devrait avoir pour objectif d’aider les pays à bénéficier des flux de capitaux tout en gérant les risques de manière à garantir la stabilité.
  1. Il est primordial d’aider les pays en développement à gérer leur vulnérabilité accrue en matière d’endettement afin d’éviter une crise de la dette qui freinerait le développement et de permettre à ces pays d’accélérer leur croissance et de rétablir la viabilité de leur dette. L’initiative de suspension du service de la dette (ISSD) du G20 a permis de donner un répit à court terme à de nombreux pays à faible revenu, dont plus de la moitié sont en situation de surendettement ou présentent un risque élevé de l’être. Dans certains pays, il peut être nécessaire de procéder à un traitement de la dette afin de placer celle-ci sur une trajectoire viable. À cet égard, nous saluons la mise en place par le G20 d’un cadre commun pour les traitements de dette au-delà de l’échéance de l’ISSD. Nous espérons ainsi que, dans le cadre de ce dispositif et avec la participation de créanciers privés, les traitements de la dette souveraine seront équitables, efficaces et rapides. Nous encourageons le FMI et le Groupe de la Banque mondiale à appuyer la mise en œuvre de ce cadre commun conformément à leur mandat, à fournir un soutien financier exceptionnel aux pays souhaitant procéder à un traitement de leur dette afin de renforcer leur capacité à entreprendre cette démarche et à améliorer les structures de gestion de la dette, notamment en ce qui concerne la transparence des pays débiteurs et créanciers et les normes relatives à la communication des données. Il convient d’évaluer de manière réaliste la viabilité de la dette pour déterminer l’ampleur de la restructuration nécessaire. Nous encourageons les banques multilatérales de développement à soutenir les pays à revenu faible ou intermédiaire qui ont besoin d’un allégement de leur dette, notamment en recourant à des instruments novateurs pour réduire la charge de la dette et en procédant à des transferts nets positifs d’un montant élevé. Une mise en œuvre effective du cadre commun de façon à modérer les réactions des marchés et des agences de notation pourrait encourager les pays admissibles à demander un traitement de leur dette en temps voulu, lorsque cela est nécessaire. Nous invitons de nouveau les acteurs multilatéraux à redoubler d’efforts pour améliorer l’architecture de la résolution des dettes souveraines et accélérer ainsi les traitements de la dette.
  1. De fortes contraintes budgétaires et une vulnérabilité accrue en matière d’endettement mettent en péril notre capacité à endiguer la pandémie et à investir dans la reconstruction de nos économies d’une manière inclusive, résiliente et durable. Le Groupe de la Banque mondiale et d’autres banques multilatérales de développement devraient s’appuyer sur la solidité de leurs bilans pour accroître leur aide financière en faveur des pays à faible revenu ou à revenu intermédiaire. Nous saluons à cet égard le programme de prêts de l’Association internationale de développement (IDA) (Groupe de la Banque mondiale). Nous espérons que la vingtième reconstitution des ressources de l’IDA (IDA20) sera menée à bien d’ici à la fin de 2021. Le Groupe de la Banque mondiale devrait accroître son soutien financier aux pays à revenu intermédiaire et envisager de renoncer aux frais d’ouverture et d’engagement pour aider les pays à se remettre à flot. Nous prions instamment ce dernier d’étudier les possibilités d’étirer ses bilans dans toute la mesure du possible afin de renforcer sa capacité de prêt à moyen terme, y compris en faisant preuve de plus de souplesse dans l’application des limites de prêt par pays. Les actionnaires devraient assurer un suivi des contraintes qui pèsent sur la capacité de prêt des banques multilatérales de développement et y remédier en temps utile.
  1. Les pays en développement devront examiner toutes les sources de financement possibles pour reconstituer des réserves budgétaires à mesure que leur économie se rétablira et assurer une utilisation efficace de leurs ressources. Les pays devraient réfléchir aux moyens de faire en sorte que les impôts contribuent à la hausse des recettes, à la lutte contre les inégalités, à l’amélioration des résultats en matière de santé et à la promotion d’une reprise durable. Nous exhortons le FMI et le Groupe de la Banque mondiale à accroître encore leur appui au renforcement des capacités dans l’optique d’augmenter les ressources intérieures des pays et de leur permettre de mieux gérer leur dette et leurs dépenses publiques. Nous les invitons également à aider davantage les petits pays, les pays fragiles, ceux en proie à un conflit, ainsi que ceux qui accueillent des réfugiés et connaissent des flux migratoires élevés, à faire face aux difficultés qu’ils connaissent. Nous engageons le Groupe de la Banque mondiale et les autres banques multilatérales de développement à réfléchir à des solutions innovantes et efficaces, notamment à des instruments d’atténuation des risques, afin de mobiliser davantage de financements privés en faveur de sources d’énergie durable, d’autres investissements d’infrastructure et d’initiatives visant à soutenir les petites et moyennes entreprises.
  1. Nous appelons de nos vœux une réforme des règles et pratiques fiscales internationales dans le cadre d’une coopération multilatérale, afin d’éviter une nouvelle érosion de nos assiettes de l’impôt. En ce qui concerne la fiscalité de l’économie numérique, nous attendons avec intérêt une solution multilatérale juste et équitable qui réponde aux préoccupations des pays en développement et aux enjeux fiscaux du passage au numérique. Nous recherchons une solution qui permet aux pays en développement de dégager des recettes élevées et durables en leur permettant d’imposer une juste part des bénéfices des multinationales à l’ère du numérique. Cette solution doit être simple à mettre en œuvre et à respecter. En outre, nous prions instamment le FMI et le Groupe de la Banque mondiale d’approfondir leurs travaux sur la mesure, le suivi et la maîtrise des flux financiers illicites.
  1. Nous nous félicitons du renforcement du soutien international en faveur d’une reprise inclusive et durable. Le financement de la lutte contre le changement climatique par la communauté internationale est un moyen essentiel et équitable d’aider les pays en développement à mettre en œuvre leurs contributions déterminées au niveau national dans l’optique de la réalisation des objectifs climatiques. Conformément à l’accord sur le climat de 2009, les pays avancés devraient respecter leur engagement consistant à verser 100 milliards de dollars par an d’ici à 2020, et ce le plus rapidement possible. Il est indispensable d’augmenter les montants actuellement insuffisants des ressources concessionnelles et du financement des mesures d’adaptation. Il est essentiel que les banques multilatérales de développement et les fonds liés au climat fournissent un financement et une assistance technique adéquats pour soutenir les investissements durables, en particulier dans le domaine des infrastructures et de l’énergie, et pour mobiliser davantage de financements privés.
  1. Les institutions de Bretton Woods jouent un rôle important en aidant les pays en développement à mieux se reconstruire et à contribuer à la réalisation des objectifs climatiques mondiaux. Alors qu’elles renforcent leur action en faveur de la lutte contre le changement climatique dans le cadre de leurs programmes, nous les prions d’adapter leur aide aux diverses situations des pays en développement. Nous demandons au Groupe de la Banque mondiale et aux autres banques multilatérales de développement d’aider les pays débiteurs à emprunter la voie d’une reprise plus durable, en tenant compte de leur structure économique actuelle. Cette démarche devrait aboutir à une intégration harmonieuse des objectifs climatiques dans la réalisation des objectifs de développement durable. À cet égard, les banques multilatérales de développement devraient également renforcer leurs travaux sur les méthodes visant à accroître la productivité, à diversifier les économies et à favoriser une croissance inclusive et créatrice d’emplois. Nous engageons ces banques et le FMI à mieux définir les éléments de leur stratégie d’assistance, dans le cadre de leurs compétences spécialisées et conformément à leur mandat, afin d’aider les pays en développement, dans des circonstances diverses, à passer à des économies plus inclusives et durables.