Vue sur la ville de Salé près de Rabat et sur le port de l’autre côté du fleuve Bouregreg au Maroc  (Photo : Paul Brown / Alamy Stock)

Vue sur la ville de Salé près de Rabat et sur le port de l’autre côté du fleuve Bouregreg au Maroc (Photo : Paul Brown / Alamy Stock)

Comment les dirigeants peuvent-ils accroître l’investissement privé dans la région Moyen-Orient, Afrique du Nord, Afghanistan et Pakistan ?

le 20 novembre 2018

Alors que des millions de jeunes entrent dans la population active chaque année, que les ressources budgétaires sont fortement restreintes et que les risques économiques s’accentuent, les pays de la région Moyen-Orient, Afrique du Nord, Afghanistan et Pakistan (MOANAP) se trouvent à un tournant. Il est indispensable de renforcer le secteur privé pour relever ce défi. Toutefois, la condition pour y parvenir, à savoir accroître l’investissement privé dans la région, est depuis longtemps hors de portée.

 

Les pays de la région MOANAP, qui se heurtent à des obstacles grandissants à l’échelle mondiale, doivent d’urgence débloquer l’investissement privé. Il faudra des investissements plus nombreux et de meilleure qualité dans l’éducation et les infrastructures et des réformes des pouvoirs publics pour améliorer l’accès aux services financiers ainsi que l’efficacité et la gouvernance du secteur public

-Jihad Azour, directeur du département Moyen-Orient et Asie centrale du FMI

 À LIRE ÉGALEMENT :

Dans le passé, l’investissement du secteur privé a effectivement été faible dans la région MOANAP par rapport à la plupart des autres pays émergents et pays en développement. Cette tendance s’est aggravée ces dernières années. Pour la moitié des pays de la région, le ratio investissement privé/PIB a diminué depuis le Printemps arabe de 2011, par comparaison avec la période qui a précédé la crise financière mondiale de 2008–09. Ce recul a eu un impact prononcé sur la santé économique de la région. Il s’est traduit par une perte annuelle de 1,5 point de pourcentage de croissance en moyenne pour les pays exportateurs de pétrole et de près de 1 point de pourcentage en moyenne pour les pays importateurs de pétrole.

Alors que des risques croissants assombrissent les perspectives de l’économie mondiale et que l’innovation technologique permanente promet de modifier la nature même du travail, les pays de la région ont de toute urgence besoin de réformes audacieuses s’ils veulent parvenir à une croissance inclusive aujourd’hui et pour les générations futures. Les dernières Perspectives économiques régionales : Moyen-Orient et Asie centrale du FMI se penchent sur cet enjeu majeur et constatent que, en axant leurs efforts sur plusieurs priorités, les pays de la région MOANAP pourront attirer des investissements dans la région et jeter les bases d’un avenir plus prospère.

Quels sont les facteurs qui freinent l’investissement privé dans la région ?

Les dirigeants de la région n’ont pas d’emprise sur certains facteurs qui stimulent l’investissement privé, par exemple la croissance sur les marchés d’exportation et l’évolution des cours du pétrole. En revanche, les choix qui s’offrent aux pouvoirs publics peuvent influer directement sur d’autres facteurs qui, d’après le rapport, ont un impact considérable sur l’investissement privé, parmi lesquels l’éducation, les infrastructures, la gouvernance et l’accès aux services financiers — autant de domaines dans lesquels les pays de la région MOANAP pourraient progresser.

À titre d’exemple, le taux de scolarisation dans les pays importateurs de pétrole de la région est très légèrement supérieur à 50 % pour les établissements d’enseignement secondaire, soit un niveau nettement en deçà de la moyenne des pays émergents et pays en développement, qui dépasse 75 %. Si les pays importateurs de pétrole de la région MOANAP portaient les taux de scolarisation à ce niveau, cela pourrait rehausser l’investissement privé de plus de 1 point de pourcentage du PIB. Investir dans le capital humain en multipliant les possibilités d’enseignement permettra aussi aux pays de relever les futurs défis, d’autant plus que le développement rapide des technologies devient encore plus étroitement lié aux emplois de demain.

Il est par ailleurs essentiel d’améliorer les infrastructures. Ainsi, garantir un accès universel à l’électricité est susceptible d’accroître l’investissement d’encore ¾ de point de pourcentage. Le rapport examine aussi comment créer la marge de manœuvre pour les dépenses publiques nécessaires au financement de ces investissements cruciaux.

Les pays importateurs de pétrole accusent aussi un retard sur les pays comparables selon plusieurs indicateurs de gouvernance, de la corruption à l’état de droit. Une amélioration de l’état de droit, jusqu’à atteindre la moyenne des pays émergents et pays en développement, pourrait augmenter l’investissement privé de deux tiers de point de pourcentage du PIB. Parallèlement, porter le niveau de développement financier des pays importateurs de pétrole de la région MOANAP à celui des pays européens émergents pourrait accroître l’investissement privé de ½ point de pourcentage du PIB.

Cela n’est pas seulement un enjeu pour les pays importateurs de pétrole de la région. Les pays exportateurs de pétrole plus riches se classent derrière les pays avancés comparables selon divers indicateurs de gouvernance et de développement financier. Un développement financier plus poussé, qui se situerait au niveau du pays avancé moyen, pourrait en particulier générer un surcroît d’investissement privé de près de 2 points de pourcentage du PIB.

Il faut agir sans tarder

Une intervention des pouvoirs publics afin de stimuler l’investissement privé est plus indispensable que jamais pour la région MOANAP. Les autorités doivent privilégier des réformes qui aideront les pays de la région à rattraper leur retard sur les pays comparables en matière d’éducation, d’infrastructures, de développement financier et de gouvernance. Ces réformes permettront de neutraliser les obstacles dus à des facteurs internationaux sur lesquels les dirigeants n’ont pas d’emprise. C’est le cap qu’il faut suivre pour renforcer la résilience de l’économie et tracer la voie d’une croissance plus soutenue et plus inclusive pour l’avenir.