Les pays d’Afrique subsaharienne qui ont investi dans les infrastructures     en récoltent les fruits, mais une augmentation de l’investissement privé     s’impose pour stimuler la croissance (iStock by Getty Images/RapidEye).

Les pays d’Afrique subsaharienne qui ont investi dans les infrastructures en récoltent les fruits, mais une augmentation de l’investissement privé s’impose pour stimuler la croissance (iStock by Getty Images/RapidEye).

Afrique subsaharienne : asseoir la reprise économique

le 11 mai 2018

L’Afrique subsaharienne connaît une légère accélération de sa croissance, qui passe de 2,8 % en 2017 à 3,4 % en 2018, selon la dernière édition des Perspectives économiques régionales pour l’Afrique subsaharienne publiées par le FMI.

Cette accélération est due en grande partie à l’amélioration des politiques appliquées dans certains pays et à une conjoncture extérieure plus favorable, caractérisée par une croissance mondiale plus forte et par une hausse des cours des produits de base. Ces facteurs ont entraîné d’importantes entrées de capitaux. Ainsi, les émissions d’obligations d’État par des pays préémergents (Côte d’Ivoire, Kenya, Sénégal et Nigéria) ont atteint des niveaux records.

Les résultats et perspectives économiques sont très différents d’un pays à l’autre. Les pays exportateurs de pétrole sont encore aux prises avec les séquelles de la plus forte chute des prix réels du pétrole depuis 1970, et leur croissance est bien en deçà des tendances antérieures. Plusieurs autres pays, dont des pays riches ou pauvres en ressources naturelles et des pays fragiles, maintiennent un taux de croissance de 6 % ou plus, alors que d’autres sont en proie à des conflits internes qui se traduisent par un grand nombre de réfugiés et de personnes déplacées. L’économie de l’Afrique du Sud et du Nigéria, les deux poids lourds de la région, tourne en dessous de la normale, ce qui pèse fortement sur la croissance régionale.

Le niveau de la dette publique a augmenté dans la région : sur les 35 pays à faible revenu de la région, 15 sont aujourd’hui surendettés ou présentent un risque élevé de le devenir. Les paiements d’intérêts ont également augmenté, absorbant une part croissante des recettes : dans la région, les paiements d’intérêts médians ont doublé entre 2014 et 2017, passant de 5 % à 10 % des recettes.

La multiplication des prêts improductifs et le ralentissement généralisé de la croissance du crédit au secteur privé sont également préoccupants. Le nombre de ces prêts a tout particulièrement augmenté dans les pays riches en ressources naturelles, où la morosité économique s’est traduite par une dégradation de la qualité du crédit et où les arriérés de l’État continuent d’affecter le secteur bancaire.

À politiques inchangées, la croissance moyenne de la région ne devrait pas dépasser 4 % à moyen terme, un niveau largement inférieur aux prévisions d’il y a cinq ans et insuffisant pour que les pays réalisent leurs objectifs de développement durable.

Perspectives de redressement

Les dirigeants doivent profiter de la conjoncture extérieure favorable pour transformer la reprise actuelle en une croissance durable et robuste, en prenant des mesures pour réduire la dette et relever le potentiel de croissance à moyen terme.

Une politique budgétaire prudente, donnant la priorité à l’augmentation des recettes fiscales, s’impose pour prévenir l’accumulation excessive de la dette publique et dégager des marges pour des dépenses essentielles dans les infrastructures et en matière sociale.

Malgré des avancées considérables dans la mobilisation des recettes au cours des 20 dernières années, l’Afrique subsaharienne présente le ratio recettes-PIB le plus faible, avec un niveau médian de 18 % en 2016, soit cinq points de pourcentage de moins que les autres pays émergents ou en développement. La plupart des pays de la région pourraient lever des recettes beaucoup plus importantes. Selon le rapport, les pays d’Afrique subsaharienne pourraient en moyenne accroître leurs recettes fiscales à hauteur de 3 à 5 % du PIB (graphique 3), soit un montant largement supérieur à l’aide internationale que la région reçoit chaque année.

Il serait possible d’accroître encore la mobilisation de recettes en renforçant les régimes de TVA et d’impôt sur le revenu, en rationalisant les exonérations et en élargissant la matière imposable. Dans la région, l’expérience montre que ces réformes donnent les meilleurs résultats quand i) elles sont mises en œuvre dans le cadre d’une stratégie de mobilisation des recettes à moyen terme, ii) elles suscitent une large adhésion et iii) elles engagent les autorités à améliorer la gouvernance et la transparence.

Donner la place à l’investissement privé

Il est essentiel que l’investissement privé augmente dans la région afin de permettre une croissance forte et durable à moyen terme. L’investissement privé en Afrique subsaharienne reste faible par rapport aux autres régions.

Pour attirer ce type d’investissement, les réformes doivent mettre l’accent sur un environnement favorable aux entreprises, sur l’amélioration des infrastructures, sur la libéralisation des échanges et sur le développement du secteur financier. Ces réformes prennent du temps, ce qui amène les pays à explorer d’autres options pour stimuler l’investissement privé : des partenariats public-privé, des zones économiques spéciales et des mécanismes pour attirer les investissements directs étrangers.

On constate également que, si la brusque hausse des cours des produits de base ou la résolution de conflits peuvent donner lieu à une forte hausse de l’investissement privé, les situations de croissance durable de ces investissements sont généralement associées à la stabilité macroéconomique, caractérisée par une dette publique et un taux d’inflation faibles, et au renforcement continu des institutions.

Le potentiel de croissance est immense dans la région subsaharienne, et la conjoncture mondiale actuelle est le moment idéal pour engager ces réformes.