Stimuler la croissance inclusive dans la région arabe

le 30 janvier 2018

Introduction

Mesdames et messieurs, bonjour. Marhaban bikum.

Je vous remercie Jihad, pour cette aimable présentation. Je tiens également à remercier le Premier ministre et le Royaume du Maroc pour leur généreuse hospitalité, ainsi que nos partenaires — le Fonds arabe pour le développement économique et social et le Fonds monétaire arabe — pour leur excellente collaboration.

C’est un immense plaisir d’être à Marrakech, une ville fondée par une femme, Zaynab Nefzaouia, qui l’a vue prospérer au point de devenir la capitale des Almoravides[1]. Les cultures et les couleurs de la ville ont captivé l’imagination d’écrivains et de voyageurs au cours des millénaires.

Comme le dit un vieux proverbe maghrébin, « Qarri emra’a, tikhlaq balad. », en francais : « Éduquer une femme c’est construire une nation ».

Comme cette ville, ce proverbe nous rappelle avec force la manière dont une société peut prospérer quand tous ses membres disposent de possibilités — de travailler, d’innover, de croître. La possibilité d’exploiter le potentiel de la région — sa jeunesse et ses nombreuses femmes de talent. La possibilité de commercer et de se connecter à travers ce carrefour mondial.

En offrant des possibilités à tous, la région pourra réaliser la croissance inclusive dont elle a besoin aujourd’hui plus que jamais.

 

1. La région a plus que jamais besoin d’une croissance inclusive 

Depuis notre dernière conférence à Amman en 2014, les pays de la région ont placé la création d’emplois et la croissance inclusive au cœur de leurs programmes de réformes. Il y a eu des progrès, bien que pas assez.

À l’évidence, nombreux sont ceux qui se demandent « comment » stimuler la mise en œuvre des réformes et transformer ces priorités en résultats. Comment pouvons-nous réaliser les aspirations des jeunes de la région, recréer un espoir dans l’avenir et accroître la confiance des populations ?

Plus de 27 millions de jeunes gens rejoindront la population active au cours des cinq prochaines années, dans une région où le taux chômage des jeunes est de 25 % en moyenne, le plus élevé au monde.

Plus de 60 % des citoyens estiment que trouver un emploi ou non est une question de relations (wasta)[2].  

La grogne sociale qui s’intensifie dans plusieurs pays nous rappelle que des mesures encore plus urgentes s’imposent.

La bonne nouvelle est que la reprise de l’économie mondiale offre une occasion de mener des réformes.

Les projections économiques publiées la semaine dernière par le FMI montrent que la croissance mondiale est à son plus haut niveau en 10 ans. Ayant atteint 3,7 % en 2017, elle devrait s’accélérer à 3,9 % cette année et l’année prochaine. Quelque 120 pays qui constituent trois quarts du PIB mondial participent à ce redressement cyclique.

Dans cette région, la croissance devrait également s’accélérer. Cependant, le taux de croissance de 3½ % projeté en 2018 et 2019 est de loin inférieur à la moyenne de 5,6 % atteinte en 2000–2008. Il est clair que les conflits et la baisse des cours des matières premières sont lourds de conséquences.

Toutefois, ces facteurs ne devraient pas nous empêcher d’agir : au contraire, nous devons redoubler d’efforts.

 

2. Ajustements et transitions – Des progrès importants mais il faut en faire davantage 

Il existe bon nombre d’exemples d’initiatives prometteuses dans la région ; beaucoup de pays avancent sur le plan des réformes. Plusieurs d’entre eux ont pris des mesures pour élargir l’accès des jeunes et des femmes à l’économie et aux services financiers, ou promouvoir le développement du secteur privé.

Si d’autres pays de la région s’en inspirent, ces mesures offrent la perspective d’un avenir plus prospère et plus inclusif. Permettez-moi de vous donner quelques exemples.

D’abord, un grand nombre de pays ont mis la technologie au service de l’inclusion économique et financière.

Au niveau régional, le nombre de startups dans le domaine des Fintech a été multiplié par 7 depuis 2009, une expansion portée surtout par l’Égypte, la Jordanie, le Liban et les Émirats arabes unis.

La Jordanie, par exemple, a créé eFawateerCom, une plateforme électronique permettant aux utilisateurs de payer leurs factures en ligne ou à des distributeurs de billets. Cette plateforme traite plus d’un million d’opérations chaque année et relie ses utilisateurs à plus de 70 entreprises dans son réseau.

De petits entrepreneurs dans la région se servent aussi de la technologie pour mettre en relation les demandeurs d’emploi et les entreprises. Saeed Alfagieh, lauréat d’un concours d’innovation pour les jeunes, a montré comment la technologie peut aider, même dans des situations aussi difficiles que celle du conflit au Yémen.

Autre domaine de progrès : plusieurs pays ont pris des mesures pour améliorer le climat des affaires, réduire les formalités administratives et promouvoir les PME.

Dans le cas du Maroc, un climat plus propice aux affaires, ainsi que les zones franches à Casablanca et Tanger ont permis de créer près de 85 000 emplois dans le secteur automobile. Aujourd’hui, près de 45 % des pièces détachées pour les voitures proviennent de fournisseurs locaux.

Les PME de la région ont toutefois d’énormes difficultés à se développer, notamment en raison de l’accès limité au financement et de la faiblesse des cadres juridiques.

Dans l’ensemble, bien que les récents progrès soient encourageants, il s’agit à présent d’accélérer, d’élargir et de multiplier les mesures entreprises à l’échelle régionale.

En quoi cette conférence peut-elle être utile ?

 

3. Des débouchés pour tous : un programme d’action pour la région

Cette conférence rassemble des représentants et des experts de plus de 20 pays de la région. Elle donne l’occasion à des fonctionnaires, à des représentants du secteur privé et à la société civile de partager comment ils cherchent à surmonter les obstacles à une accélération de la mise en œuvre de politiques de croissance inclusive.

Cette conférence offre aussi au FMI et aux organisations internationales l’occasion de vous écouter, en particulier en ce qui concerne la mise en application de programmes d’action en faveur d’une croissance inclusive.

J’ai été frappée par l’énergie positive, la qualité des entretiens et les idées qui sont ressorties des « i-labs » hier.

Je me réjouis de participer aux séances aujourd’hui sur la base de ces observations, et je suis convaincue que nous aboutirons à un programme réalisable de croissance inclusive.

À mes yeux, ce programme s’articule autour des trois priorités ci-après.

Première priorité : comment créer un secteur privé dynamique pour accélérer la croissance et créer davantage d’emplois

Le vieux modèle où l’État est l’employeur de premier ressort n’est plus viable. Le secteur privé doit entrer en action et se développer, et, à certains égards, l’action des pouvoirs publics peut être utile. Il s’agit de mettre en place des conditions égales pour les entreprises privées en combattant la corruption, en intensifiant la concurrence et en tirant parti du commerce mondial et des nouvelles technologies.

Il faut aussi que les entreprises investissent davantage dans la région, payent leur part des impôts et collaborent avec le secteur public pour améliorer les infrastructures.

Deuxième priorité : comment aider les groupes exclus

Pour intégrer les jeunes, les femmes, les populations rurales et les réfugiés, l’action doit être ciblée. Il s’agit de préparer la population au marché du travail, grâce à une meilleure éducation et à des politiques actives du marché du travail qui aident les jeunes et les femmes à trouver des emplois valorisants.

L’inclusion financière peut aussi être un facteur d’autonomisation important, surtout pour les femmes. Et comme je l’ai dit si souvent, l’inclusion des femmes sur le plan financier et économique peut changer la donne à l’échelle mondiale.

Je me réjouis de rencontrer après le déjeuner des femmes remarquables de toute la région et d’examiner avec elle des solutions pratiques pour réduire les disparités entre les femmes et les hommes.

Troisième priorité : comment utiliser la politique budgétaire pour investir dans les ressources humaines et les infrastructures

La politique budgétaire peut et doit être révisée de manière à favoriser une croissance inclusive dans la région. Aujourd’hui, les dépenses sociales, c’est-à-dire les dépenses consacrées à la sécurité sociale, à la santé et à l’éducation, représentent moins de 11 % du PIB, contre 19 % dans les pays émergents d’Europe. Les besoins d’infrastructures sont également considérables dans de nombreux pays.

La question est donc de savoir comment accroître les dépenses consacrées aux services sociaux et aux infrastructures quand les budgets sont aussi serrés. Il est prioritaire d’élargir les assiettes de l’impôt et de les rendre plus équitables. Chacun doit payer sa part, et les pauvres doivent être protégés.

Et si les pays peuvent s’affranchir du modèle où l’État est l’employeur de premier ressort, comme je l’ai dit plus haut, cela aussi peut permettre d’engager des dépenses dans les secteurs sociaux et les infrastructures qui ont un rendement élevé.

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Les entretiens d’hier montrent clairement qu’une croissance inclusive est une responsabilité partagée entre l’État, le secteur privé et la société dans son ensemble, y compris les jeunes et les femmes. La croissance inclusive exige une sagesse et une action collectives.

Il est fondamental d’impliquer ceux qui sont les plus directement touchés par les réformes. Pourquoi ? Parce que ce type de dialogue favorise la confiance et l’appropriation, afin d’assurer que ces réformes puissent être soutenues et aient un impact durable.

 

Conclusion

Permettez-moi de conclure par une citation de Khalil Gibran, mon poète libanais favori.

« Vos enfants ne sont pas vos enfants. Ils sont les fils et les filles de l’appel de la Vie à elle-même ».

Les jeunes d’aujourd’hui constituent le plus gros potentiel de la région arabe. Nous devons tenir compte de leurs aspirations et répondre à leurs attentes.

Shukran!

 

[1] Fondée en c1070 par Zaynab Nefzauoia, femme de Youssef Ibn Tachfin, le fondateur et premier sultan de la dynastie des Almoravides.

[2] Enquête de Arab Barometer en 2017.

Département de la communication du FMI
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