«Aller de l’avant, en agissant maintenant et ensemble» Discours d’ouverture à l’Assemblée annuelle 2011 des Conseils des Gouverneurs du Groupe de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international, Christine Lagarde, Directrice générale du Fonds monétaire international
le 23 septembre 2011
Discours d’ouverture à l’Assemblée annuelle 2011 des Conseils des Gouverneurs du Groupe de la Banque mondiale et du Fonds monétaire internationalChristine Lagarde
Directrice générale du Fonds monétaire international
Washington, le 23 septembre 2011
Texte préparé pour l’intervention
Introduction : L’esprit de Bretton Woods
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Gouverneurs, chers invités, je me sens privilégiée mais c’est aussi avec sentiment de grande humilité que je prends aujourd’hui la parole devant vous pour la première fois en qualité de Directrice générale du FMI.
Je voudrais tout d’abord remercier le Président Ingraham ainsi que chacun d’entre vous pour le soutien vigoureux que vous apportez à notre institution. Je tiens aussi à rendre hommage à mon ami Bob Zoellick pour l’action remarquable qu’il mène à la tête de la Banque mondiale.
Je commencerais par vous faire part de ce que j’ai ressenti lorsque je suis entrée pour la première fois dans le bâtiment du FMI en tant que Directrice générale il y a un peu plus de deux mois. J’ai vu les drapeaux dans l’atrium. Vos drapeaux, les drapeaux des 187 membres de notre institution, qui nous rappellent que nous formons une seule économie mondiale, interconnectée comme elle ne l’a jamais été.
J’ai éprouvé une sensation très forte. Et je la ressens à nouveau en vous voyant ce matin, vous, les membres de notre institution mondiale, réunis en ce lieu.
C’est cela qui fait le FMI. C’est cela, l’esprit de Bretton Woods. L’esprit que nous devons raviver aujourd’hui.
Nous nous réunissons à un moment décisif, un moment où nous devons faire un choix.
Alors que nous tenons notre assemblée dans cette belle enceinte, à l’extérieur la morosité est palpable. Dans le monde entier, les gens sont de plus en plus inquiets pour leur avenir, et l’avenir de leurs enfants. Ils attendent de nous des solutions.
Comme l’a dit Victor Hugo : «Les grands périls ont cela de beau qu’ils mettent en lumière la fraternité des inconnus».
Nous ne sommes certes pas des inconnus les uns pour les autres; nous sommes liés par une destinée commune. Et ces temps troublés doivent nous rapprocher plus que jamais.
En fonction des choix que nous ferons aujourd’hui, et au cours des semaines et des mois à venir, soit nous avancerons sur la voie de notre prospérité collective, soit nous régresserons.
Nous devons agir maintenant, et nous devons agir ensemble.
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Dans ce contexte, je voudrais évoquer trois thèmes :
- Tout d’abord, l’état de l’économie mondiale;
- Ensuite, les actions à mener et le rôle que chacun doit assumer;
- Enfin, comment le FMI peut servir et soutenir ses pays membres, vous, dans cette démarche.
Tout d’abord, l’état de l’économie mondiale
Vous avez vu les prévisions que nous avons rendu publiques cette semaine. Globalement, nous nous attendons à ce que la croissance de l’économie mondiale descende à 4 % cette année et l’année prochaine. Mais dans les économies avancées, elle atteindra péniblement 1½ à 2 %.
On assiste donc bien à une reprise de l’activité, mais elle est faible et inégale. De plus, les risques se sont fortement accentués.
Ils sont le résultat de multiples interactions négatives — entre l’atonie de la croissance, la fragilité des bilans des États, des banques et des ménages, et l’inefficience des responsables politiques.
Tout cela a engendré une crise de confiance, qui a des coûts économiques, mais aussi des coûts sociaux.
Oui, les pays émergents et les pays à faible revenu s’en sortent mieux, et récoltent en cela les fruits des choix avisés qu’ils ont faits. Mais ne nous y trompons pas : les pays du sud ne sont pas à l’abri des égarements des pays du nord.
Nous sommes désormais entrés dans ce que j’ai appelé une phase nouvelle et dangereuse.
Et pourtant, il y a une issue. La marge d’action s’est certes rétrécie mais cela ne veut pas dire qu’il n’y en a aucune.
J’en viens maintenant à mon deuxième thème : les actions à mener
Que souhaitons-nous? Notre objectif doit être une croissance solidaire et créatrice d’emplois. Mais aujourd’hui nous risquons de perdre la bataille de la croissance. Compte tenu des nuages sombres qui s’amoncèlent sur l’Europe et de l’énorme incertitude aux États-Unis, nous risquons de voir la demande mondiale s’effondrer.
Il ne saurait y avoir de tâche plus urgente.
Dans notre monde d’interconnexions, nous sommes tous concernés. Toute idée de découplage est un pur mirage.
Mais soyons francs : c’est aux économies avancées qu’incombe la responsabilité première de s’attaquer à la crise actuelle.
À mes yeux, trois impératifs s’imposent à elles : sur les plans budgétaire et monétaire, financier et structurel.
La politique budgétaire doit naviguer entre deux écueils — perdre sa crédibilité et saper la reprise — pour éviter le naufrage. Les économies avancées doivent en priorité rééquilibrer leurs finances publiques, mais, pour certains, s’ils le font trop vite, ils nuiront à la croissance et à l’emploi. Par conséquent, ils doivent agir de façon ni trop hésitante, ni trop hâtive.
Il s’agit moins d’un dilemme que d’une question de chronologie et de confiance. Si les pays ont en place des mesures solides pour ancrer l’épargne à moyen et à long terme, ils peuvent se permettre de faire davantage dans l’immédiat pour soutenir la croissance. L’ampleur de la marge de manœuvre dépend, bien évidemment, de la situation de chaque pays.
Quant à la politique monétaire, étant donné que les anticipations d’inflation sont en général bien ancrées, elle devrait rester souple. Les banques centrales devraient en outre se tenir prêtes à s’engager une fois encore, le cas échéant, en dehors des sentiers battus, comme certaines l’ont fait ces derniers jours.
En ce qui concerne le secteur financier, nous devons renforcer les bilans des banques de manière à ce qu’elles puissent prêter pour alimenter la croissance et affronter l’incertitude avec sérénité.
Nous avons aussi besoin d’une réglementation financière plus forte, cohérente et applicable, pour que le système soit plus sûr et plus solide — afin de réduire la probabilité de crise financière et de réduire encore plus la probabilité de renflouage par le contribuable d’opérateurs imprudents.
Pour rehausser la compétitivité et la croissance, les économies avancées doivent poursuivre leurs réformes structurelles — sur les marchés des produits et du travail — et s’attaquer aux intérêts particuliers dans le secteur des services, afin de permettre aux entrepreneurs de prospérer et de créer de la valeur.
Nous devons aussi être très attentifs à la dimension sociale. La croissance ne suffit pas. Nous avons besoin d’une croissance qui crée des emplois — nous ne devons pas condamner les jeunes à devenir une génération perdue. Nous avons besoin d’une croissance solidaire qui bénéficie à l’ensemble de la société. Nous avons besoin de dispositifs décents de protection sociale.
Telles sont les actions à mener. Et les plus grandes économies du monde — les États-Unis et la zone euro en particulier — ont une responsabilité particulière à assumer. Elles ont engagé l’effort. Elles doivent l’accélérer d’urgence.
Les États-Unis doivent réduire leur déficit budgétaire à moyen et à long terme, s’attaquer d’urgence au chômage et alléger la pression qui pèse sur les ménages surendettés.
L’Europe doit résoudre d’urgence le double problème de la dette des États et de la dette bancaire, et traiter ces deux problèmes en même temps. Les pays au cœur de la crise doivent appliquer les programmes qu’ils se sont engagés à appliquer. Enfin, leurs partenaires européens doivent par tous les moyens leur venir en aide — comme ils se sont engagés à le faire.
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Jusqu’à présent, j’ai mis l’accent sur la responsabilité des économies avancées. C’est normal, me semble-t-il, parce qu’elles sont au coeur de la crise, et parce que les décisions qu’elles prennent touchent tout le monde — de l’agriculteur kenyan au couturier brésilien en passant par l’entrepreneur chinois.
Mais, bien entendu, nous devons élargir notre perspective — l’objectif ultime étant le rééquilibrage de l’économie mondiale. Et pour atteindre cet objectif, chacun doit jouer son rôle.
Dans de nombreux pays émergents, la croissance a été résiliente. Mais les pays qui dégagent un excédent extérieur doivent maintenant compter davantage sur leur demande intérieure.
C’est nécessaire dans les pays émergents d’Asie, en particulier, pour réaliser une croissance plus solidaire — pour « finir le travail » entamé avec la réduction historique de la pauvreté au cours des dernières décennies. Cela peut aussi contribuer à dynamiser la reprise mondiale.
Dans les autres pays émergents, qui affichent un déficit courant, notamment en Amérique latine, la tâche consiste à réduire la surchauffe et à préserver la stabilité financière.
Les pays à faible revenu ont aussi un rôle à jouer — reconstituer la marge de manoeuvre qui leur a été utile pendant la crise, et investir dans la croissance et la création d’emplois. La communauté internationale doit aider ces pays à s’aider eux-mêmes.
Il faut notamment agir d’urgence pour aider les populations de la Corne de l’Afrique, qui font face à la catastrophe humaine la plus dévastatrice depuis une génération.
Et dans l’ensemble du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord, je suis convaincue que le printemps arabe offre une occasion historique de changement : libérer tout le potentiel de la région et réaliser une croissance plus vigoureuse et plus solidaire.
Nous sommes tous concernés. Et, oui, la coopération portera ses fruits.
Le FMI a évalué les avantages de la coopération : une hausse potentielle du PIB mondial de 1½ % et 20 millions d’emplois supplémentaires au cours des cinq prochaines années.
Permettez-moi maintenant de passer à mon troisième et dernier thème : le rôle du FMI et ce qu’il peut apporter.
J’ai une forte conviction à propos du FMI. Il existe pour une raison, et une seule : vous servir, vous, les pays membres. Notre rôle consiste à rassembler les pays et à faciliter la recherche de solutions globales grâce à la collaboration.
Les dirigeants peuvent apprendre les uns des autres. Ceux qui ont surmonté des crises antérieures peuvent partager leur expertise avec ceux qui y sont confrontés aujourd’hui. Le FMI peut faciliter cet échange.
Le FMI a cherché à s’acquitter de cette tâche tout au long de son histoire. Je suis persuadée que, avec votre appui, nous pouvons faire encore mieux. Comment?
Premièrement, nous pouvons faire mieux en fournissant les analyses et les conseils les meilleurs et les plus objectifs possible dans le cadre de notre surveillance. La franchise est parfois difficile à accepter, mais elle est particulièrement appréciable lorsque les choix sont les plus malaisés.
Aujourd’hui, nous nous concentrons plus que jamais sur les facteurs de vulnérabilité et les effets d’entraînement dans notre monde interconnecté. Ce sera plus encore le cas dans nos travaux à l’avenir.
Deuxièmement, les prêts que nous accordons peuvent mieux contribuer à la prévention et à la résolution des crises.
Nos prêts atténuent les coûts économiques et sociaux des crises, par exemple en permettant aux pays à faible revenu de préserver et d’accroître leurs dépenses de santé et d’éducation. Les prêts que nous octroyons à titre de précaution peuvent contribuer à protéger les pays des vents de la contagion.
Nous nous réjouissons de pouvoir examiner avec nos pays membres comment renforcer nos activités de prêt et le dispositif mondial de sécurité financière dans son ensemble. Nous ferons preuve de créativité si nécessaire.
Troisièmement, nous pouvons aider davantage nos pays membres avec notre assistance technique et notre formation. Souvent négligés, ces services sont les fondements d’un avenir meilleur.
Par exemple, nous avons aidé le Ministère des finances du Libéria à verser le salaire des enseignants directement sur leurs comptes en banque, évitant ainsi des interruptions coûteuses du temps d’apprentissage. Nous contribuons aussi à concrétiser les rêves du printemps arabe, par exemple en oeuvrant avec l’Égypte à la modernisation de son système fiscal.
Pour être encore plus efficace, le FMI doit ressembler encore plus à ses pays membres. Nous devons nous refléter mutuellement.
Des progrès considérables ont été accomplis en matière de représentation et de gouvernance ces dernières années. Il nous faut maintenant aller plus loin. Je vous engage tous à mettre en œuvre en priorité les réformes de 2010.
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Je tiens à ce que vous sachiez que je serai attentive à vos préoccupations. Je serai à votre écoute. Pour ce faire, j’irai en Afrique, en Asie, en Amérique latine et au Moyen-Orient dans les mois qui viennent.
Je tiens aussi à vous dire que, dès l’instant où j’ai mis les pieds dans le bâtiment du FMI en juillet dernier, j’ai été impressionnée par le personnel remarquable de cette institution. Derrière tous les rapports et toutes les statistiques, on oublie parfois qu’il y a des êtres humains — un ensemble divers d’employés dévoués — qui abattent un travail considérable pour trouver des solutions à certains des problèmes mondiaux les plus difficiles.
Je suis fière d’eux. J’espère que vous l’êtes aussi.
Permettez-moi aussi de remercier le Conseil d’administration pour tout son soutien, son engagement et son ardeur au travail.
Conclusion — le choix
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Gouverneurs, j’ai dit au début que nous étions confrontés à un choix. Il y a trois ans, nous étions dans une situation similaire.
À l’époque, la communauté internationale a fait un choix judicieux. Nous nous sommes rassemblés, nous avons fait bloc et nous avions un but bien précis. Nous avons fait preuve d’audace et nous avons ainsi évité une deuxième Grande Dépression.
Nous nous trouvons maintenant à un autre moment critique. De nouveau, nous devons faire le bon choix. Il y a urgence. Les mesures que je préconise aujourd’hui ne sont pas à prendre dans les années qui viennent, mais bien dans les mois qui viennent.
Nos problèmes sont peut-être dans une large mesure d’ordre économique, mais les solutions sont en grande partie politiques. Nous avons besoin de détermination. Nous avons besoin de courage.
À l’occasion de cette Assemblée, j’ai bon espoir que nous pourrons établir un diagnostic commun, et arrêter un ensemble de recommandations que vous proposerez à vos dirigeants et chefs de gouvernement afin que nous puissions ouvrir la voie à une action collective — et prendre résolument le chemin de la reprise.
Si nous pouvons y arriver, j’ai bon espoir que lorsque nous nous retrouverons à Tokyo l’an prochain, ce sera l’aube d’une époque nouvelle.
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Lors de ma première journée au FMI, j’ai vu les drapeaux. Je les vois de nouveau ici aujourd’hui dans vos yeux.
C’est un symbole de notre interconnectivité. Un symbole d’une communauté mondiale. Un symbole du FMI.
Il y a moyen d’aller de l’avant. Faisons-le. Ensemble.
Je vous remercie de votre attention.
DÉPARTEMENT DE LA COMMUNICATION DU FMI
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