Typical street scene in Santa Ana, El Salvador. (Photo: iStock)

(photo : Sultan Mahmud Mukut/SOPA Image/Newscom)

Bulletin du FMI : Les marchés émergents face à l’évolution du vivier d’investisseurs mondiaux

le 31 mars 2014

  • Le profil des investisseurs mondiaux sur les marchés boursiers et obligataires émergents a évolué au cours des quinze dernières années
  • Les flux de capitaux sont ainsi devenus plus sensibles aux chocs financiers mondiaux
  • Les politiques visant à développer les circuits financiers des pays émergents peuvent contribuer à gérer les risques

Le profil des investisseurs présents sur les marchés boursiers et obligataires des pays émergents a considérablement évolué au cours des quinze dernières années, ce qui a eu pour effet de rendre les flux de capitaux et les prix des actifs plus sensibles à l’évolution de la conjoncture internationale. C’est ce qui ressort d’une récente étude du Fonds monétaire international.

Écran boursier en Chine. Avec la multiplication des débouchés sur les marchés émergents les flux obligataires sont devenus plus volatils (photo : Bei Feng/Corbis)

Écran boursier en Chine. Avec la multiplication des débouchés sur les marchés émergents les flux obligataires sont devenus plus volatils (photo : Bei Feng/Corbis)

RAPPORT SUR LA STABILITÉ FINANCIÈRE DANS LE MONDE

Dans la dernière édition du Rapport sur la stabilité financière dans le monde, le FMI étudie les conséquences de l’évolution du profil des investisseurs internationaux.

Depuis le début des années 2000, les fonds obligataires — notamment ceux en monnaie locale — jouent un rôle grandissant. Les épargnants des pays avancés font de plus en plus appel aux fonds communs de placement mondiaux qui sont actifs dans les pays avancés et dans les pays émergents. La présence de fonds souverains et de banques centrales sur ces marchés est également en hausse.

Durant les années 1990, investir dans les pays émergents signifiait surtout acheter des actions par le biais de fonds spécialisés dans ces pays.

Selon le FMI, différents investisseurs réagissent différemment. Durant les retraits massifs des marchés boursiers et obligataires émergents en 2013 et au début de 2014, les investisseurs institutionnels, tels que caisses de retraite et compagnies d’assurances, dotés d’une stratégie à long terme ont globalement préservé leurs positions dans les pays émergents. Les fonds communs de placement de détail se sont eux retirés. Différents types de fonds de placement — dont ceux spécialisés en obligations et en actions — ont également manifesté, à des degrés divers, une certaine sensibilité aux turbulences financières mondiales.

« Il est essentiel de savoir qui sont les investisseurs pour bien saisir l’évolution de la stabilité des flux de capitaux vers les marchés émergents, surtout lorsque l’incertitude reste grande à l’égard de la politique monétaire des pays avancés», a déclaré Gaston Gelos, chef de la Division de l’analyse de la stabilité mondiale au sein du Département monétaire et des marchés de capitaux (MCM) du FMI, qui a produit l’étude.

Aucun marché émergent n’est une île

L’évolution de la composition des investisseurs mondiaux sur les marchés boursiers et obligataires émergents va sans doute rendre les flux de capitaux globalement plus sensibles à la conjoncture financière mondiale.

L’analyse du FMI fait apparaître que la part des flux obligataires plus volatils a augmenté au fur et à mesure que s’ouvraient d’autres débouchés d’investissement dans les pays émergents. Elle signale par ailleurs que la plus forte présence des investisseurs étrangers sur les marchés locaux pourrait être un vecteur de transmission de la volatilité mondiale vers les prix des actifs locaux.

Les fonds communs de placement sont plus sensibles que les investisseurs institutionnels aux fluctuations de la conjoncture financière mondiale. Dans bien des cas, les petits épargnants qui font appel aux fonds communs de placement sont moins bien informés et peuvent être pris de panique au moindre signe de volatilité. En outre, les fonds communs de placement investissent dans des titres qui se sont bien comportés dans le court terme, et se défont de ceux qui n’ont pas été performants; c’est ce qu’il convient d’appeler le suivi de tendance. D’après le FMI, ce comportement peut contribuer à la succession de cycles d’expansion et de dépression des prix des actifs.

En règle générale, une présence accrue des investisseurs institutionnels est plutôt salutaire pour la stabilité des flux de capitaux en conjoncture normale et modérément volatile, car ces investisseurs tendent à miser sur le long terme. Le rapport met toutefois en garde car les investisseurs institutionnels peuvent battre massivement en retraite et se maintenir longtemps à l’écart lorsque se produisent des chocs plus intenses — comme lors de la crise financière mondiale — ou que la notation d’un pays est sensiblement rétrogradée.

Les fondamentaux jouent mais le mimétisme reste présent chez les investisseurs.

Au bout de deux décennies, les investisseurs mondiaux connaissent-ils mieux les marchés émergents et sont-ils moins prompts aux mouvements de panique? D’après le FMI, les faits ne semblent guère le démontrer.

La conjoncture économique d’un pays agit sur l’investissement et sur le prix des actifs locaux. Par exemple, durant les mois qui ont suivi les premiers replis en mai et juin 2013, les investisseurs internationaux ont commencé à traiter différemment les économies qui présentaient des fondamentaux plus solides.

Mais, globalement, rien ne prouve, selon le FMI, que durant ces dernières années, par conjoncture difficile, le choix des investisseurs ait davantage obéi aux fondamentaux économiques des différents pays que cela n’avait été le cas durant les crises de la fin des années 1990 et du début des années 2000.

Le FMI précise d’ailleurs que la tendance des investisseurs à suivre le mouvement — ce qu’il est convenu d’appeler comportement mimétique — n’a pas non plus diminué.

Options pour les pays émergents

Cela ne signifie pas pour autant que les efforts déployés par les pays émergents pour renforcer leur économie soient sans effet ou que ces pays soient à la merci des investisseurs internationaux et des politiques des pays avancés, précise l’étude du FMI.

Outre qu’ils ont renforcé leurs fondamentaux économiques, durant les quinze dernières années les pays émergents ont consolidé et approfondi leur système financier. La présence d’investisseurs locaux — fonds communs de placement, caisses de retraite, compagnies d’assurances et banques — a grandi, parfois avec l’aide d’une participation directe d’investisseurs étrangers.

En outre, un nombre grandissant de pays émergents peuvent maintenant vendre des obligations libellées en monnaie locale aux investisseurs étrangers, ce qui a pour effet de résoudre le problème dit du «péché originel». De plus, la qualité des institutions des marchés locaux s’est aussi considérablement améliorée.

L’analyse du FMI signale que les systèmes financiers locaux qui offrent plus de liquidité et plus de services et de produits locaux contribuent à réduire la sensibilité des rendements boursiers et obligataires des pays émergents à l’évolution de la conjoncture financière mondiale. Du reste, les réductions sont notables sur le plan quantitatif d’après l’étude du FMI.

Par conséquent, les politiques visant à promouvoir le développement des systèmes financiers permettront aux pays émergents d’être mieux à même de recueillir les fruits de la mondialisation financière tout en en réduisant les coûts potentiels.

Le FMI signale enfin que les initiatives destinées à développer les marchés obligataires en monnaie locale sont généralement bénéfiques. Les pays doivent surveiller l’ampleur de la participation directe des investisseurs étrangers aux marchés locaux, car une forte présence peut être un vecteur de volatilité. Cela souligne d’autant plus l’importance du développement d’un vivier d’investisseurs locaux.

Le FMI rendra compte d’autres analyses du Rapport sur la stabilité financière dans le monde le 9 avril.