Bulletin du FMI : La croissance mondiale est décevante, et le rythme de la reprise est inégal et varie selon les pays
le 7 octobre 2014
- La croissance mondiale s’établira encore à 3,3 % en 2014 avant de monter à 3,8 % en 2015
- Les séquelles de la crise et la faiblesse de la croissance potentielle pèsent sur la reprise
- Les risques de révision à la baisse de la croissance, notamment financiers et géopolitiques, ont augmenté
Une reprise inégale de l’économie mondiale se poursuit, mais à un rythme légèrement plus lent que prévu en avril 2014, selon le dernier rapport du FMI sur les Perspectives de l’économie mondiale (PEM). Le FMI prévoit que la croissance mondiale atteindra en moyenne 3,3 % en 2014, comme en 2013, et passera à 3,8 % en 2015.
PERSPECTIVES DE L’ECONOMIE MONDIALE
La dégradation des perspectives de croissance mondiale pour 2014 tient à un tassement de l’activité économique dans les pays avancés au premier semestre de 2014 et à des perspectives moins optimistes pour plusieurs pays émergents, selon le rapport.
Les taux de croissance potentielle, c’est-à-dire le rythme auquel la production annuelle peut progresser sans faire monter l’inflation, sont révisés à la baisse aussi. « Cette détérioration des perspectives pèse sur la confiance, la demande et la croissance actuelles », note Olivier Blanchard, Conseiller économique et Chef du Département des études du FMI.
Deux forces pèsent sur la reprise de l’économie mondiale, selon M. Blanchard. « Dans les pays avancés, les séquelles de l’expansion d’avant la crise et la récession qui s’ensuivit, notamment le niveau élevé de l’endettement et du chômage, font encore sentir leurs effets sur la reprise, et la faiblesse de la croissance potentielle à terme est un sujet de préoccupation ». En outre, plusieurs pays émergents s’ajustent à une croissance potentielle plus basse.
Dans le monde entier, l’investissement est plus faible que prévu depuis quelque temps. En conséquence, « la croissance mondiale reste médiocre », déclare M. Blanchard.
Par ailleurs, note M. Blanchard, l’évolution économique se différencie dans les principaux pays et régions, et le rythme du redressement tient à divers facteurs propres aux différents pays.
Les perspectives de croissance varient dans les pays avancés
Dans les pays avancés, la croissance devrait passer à 1,8 % en 2014 et à 2,3 % en 2015.
Le redressement prévu de l’activité tient principalement à une accélération de la croissance aux États-Unis, après une baisse temporaire au premier trimestre de l’année. La croissance de l’emploi est vigoureuse, et les bilans des ménages se sont améliorés grâce aux conditions financières favorables et au redressement du marché du logement.
Dans la zone euro, la croissance inférieure aux prévisions qui a été observée récemment met en évidence des fragilités persistantes. Une reprise progressive, mais faible devrait s’installer, portée par une forte compression des écarts de taux d’intérêt pour les pays en difficulté et des taux d’intérêt à long terme au plus bas dans les pays du cœur de la zone.
Au Japon, le PIB s’est contracté plus que prévu au deuxième trimestre de 2014 à la suite d’un relèvement de la taxe sur la consommation. L’investissement privé devrait se redresser et la croissance rester plus ou moins stable en 2015.
Les pays émergents s’ajustent à une croissance plus faible
La croissance des pays émergents et des pays en développement continuera de représenter l’essentiel de la croissance mondiale. Néanmoins, à 4,4 % pour 2014, la prévision de croissance est un peu plus basse que celle de l’édition d’avril 2014 des PEM. Ce ralentissement s’explique par l’atonie de la demande intérieure et l’impact des tensions géopolitiques croissantes, en particulier sur la Russie et les pays voisins.
• En Chine, la croissance devrait ralentir légèrement en 2014-15, pour s’établir à 7,4 %, tandis que l’économie adopte une trajectoire plus viable. La croissance devrait rester vigoureuse ailleurs dans les pays émergents et en développement d’Asie.
• En Amérique latine, le taux de croissance devrait diminuer de moitié cette année, pour atteindre environ 1,3 %, en raison de facteurs extérieurs, y compris des exportations plus faibles que prévu, et de contraintes intérieures. La croissance devrait rebondir aux environs de 2,2 % en 2015.
• En Afrique subsaharienne, une croissance plus élevée est attendue en raison d’une demande extérieure favorable et d’une forte demande d’investissement, même si les perspectives varient d’un pays à l’autre.
• Au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, la reprise semble fragile alors même que la croissance devrait commencer à s’accélérer de manière modeste grâce à l’amélioration de la situation sécuritaire intérieure et à l’affermissement de la demande extérieure. Des considérations similaires expliquent une progression modeste de l’activité en Russie et dans les autres pays de la Communauté des États indépendants.
Risques de dégradation considérables
Le rapport souligne l’augmentation des risques de dégradation, à court et à moyen terme, qui pourrait peser sur la confiance et la croissance à l’échelle mondiale.
• Les risques géopolitiques accrus pourraient s’avérer plus persistants, et pourraient aussi s’aggraver. Il pourrait en résulter une forte hausse des prix de l’énergie, des perturbations des échanges commerciaux et de nouvelles difficultés économiques
• Des conditions financières favorables et la recherche du rendement qui en résulte pourraient conduire à des excès financiers. Il se peut que le marché ait sous-évalué les risques en n’internalisant pas pleinement l’incertitude entourant les perspectives de l’économie mondiale. Une hausse plus forte que prévu des taux d’intérêt américains à long terme, des événements géopolitiques et une croissance largement inférieure aux prévisions pourraient provoquer des perturbations généralisées.
• Dans les pays avancés, une stagnation séculaire (c’est-à-dire un investissement perpétuellement inférieur à l’épargne, même avec des taux d’intérêt proches de zéro) et la faiblesse de la croissance potentielle demeurent des risques importants à moyen terme, en dépit de la persistance de taux d’intérêt très faibles et de l’augmentation de l’appétit pour le risque sur les marchés financiers. La persistance d’une inflation basse ou une déflation pure et simple, en particulier dans la zone euro, pourrait représenter un risque pour l’activité et la viabilité de la dette dans certains pays.
• Pour les pays émergents, la croissance potentielle pourrait être encore plus basse que prévu, si les contraintes du côté de l’offre s’avèrent plus persistantes.
Rehausser le potentiel
Comme la croissance mondiale est inférieure aux prévisions pour le premier semestre de 2014 et que les risques de dégradation ont augmenté, la croissance pourrait de nouveau ne pas s’accélérer ou être inférieure aux attentes. Il est donc prioritaire, dans la plupart des pays du monde, de rehausser la production effective et potentielle, selon le FMI.
M. Blanchard note que, de manière générale, il s’agit de rétablir la confiance en établissant des plans précis pour s’attaquer aux séquelles de la crise et à la faiblesse de la croissance potentielle.
Dans les pays avancés, il reste nécessaire d’éviter de normaliser prématurément la politique monétaire. Le rythme et la composition de l’ajustement budgétaire doivent être ajustés de manière à soutenir la reprise et à établir des conditions propices à une croissance à long terme et à la création d’emplois. Dans ce contexte, une augmentation de l’investissement public dans les infrastructures pourrait stimuler la demande à court terme et rehausser la production potentielle à moyen terme dans les pays où les besoins d’infrastructures sont clairement identifiés (par exemple, sur le plan de l’entretien aux États-Unis et en Allemagne) et où l’investissement public est efficient. Il sera crucial aussi d’opérer des réformes structurelles qui relèvent la production potentielle, notamment en réduisant les obstacles réglementaires pour stimuler l’innovation et intensifier la concurrence.
La marge de manœuvre macroéconomique des pays émergents pour soutenir la croissance varie et est plus limitée dans les pays vulnérables sur le plan extérieur. Dans ces pays aussi, il est urgent de manière générale d’engager des réformes structurelles propres à chaque pays afin de renforcer le potentiel de croissance ou de pérenniser la croissance. Parmi les réformes prioritaires figurent l’élimination des goulets d’étranglement dans les infrastructures du secteur de l’électricité (Afrique du Sud, Inde), l’assouplissement des contraintes pesant sur le commerce et l’investissement, et l’amélioration du climat des affaires (Indonésie, Russie), ainsi que la réduction des déficits d’éducation et des réformes des marchés du travail et de produits qui rehaussent la compétitivité (Brésil, Chine, Inde, Afrique du Sud).
Par ailleurs, les pays émergents doivent se préparer à la normalisation de la politique monétaire américaine et à d’éventuels changements d’opinion sur les marchés financiers.