IMFC Meeting April 20, 2002

April 20, 2002 IMFC Statements

Documents Related to the April 20, 2002 IMFC Meeting


Déclaration de M. Laurent Fabius
Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie de France
Comité monétaire et financier international


Washington D.C. , le 20 avril 2002

English

Chers collègues,

Depuis notre dernière réunion, des évolutions positives ont été enregistrées. En particulier, l'économie internationale a renoué avec la croissance grâce à des politiques économiques qui ont joué leurs rôles.

Mon collègue Rodrigo Rato, Président de l'Ecofin, développe dans son discours au nom de l'Union européenne une vision ambitieuse et équilibrée de ces différents thèmes. Je m'associe pleinement à cette analyse et souhaite plus particulièrement mettre l'accent sur les points suivants, qui se résument en une seule idée : notre monde a besoin de règles que tous doivent accepter.

1. La situation économique mondiale s'est améliorée et nous devons répondre ensemble aux vulnérabilités identifiées

La reprise dans nos économies est désormais manifeste. Nos actions coordonnées depuis le 11 septembre ont facilité le retour de la croissance.

Les conditions d'une reprise synchronisée sont aujourd'hui en place. L'optimisme que je revendique est un optimisme prudent et responsable. Il ne néglige pas les facteurs actuels de risques de l'économie mondiale. Les déséquilibres doivent être traités avec détermination. La zone euro ne connaît pas de déséquilibre structurel mais doit se donner les moyens d'élever sa croissance potentielle. Nous l'avons réaffirmé collectivement à Barcelone.

La reprise aux États-Unis se confirme. Néanmoins, la persistance de déséquilibres macro-économiques et la tentation de l'unilatéralisme sont deux sujets de préoccupation importants à l'heure actuelle. Un déséquilibre trop important de la balance des paiements courants résultant d'une insuffisance d'épargne accroît les risques de correction brusque, y compris sur le marché des changes. Nous devons nous garder de tout unilatéralisme et privilégier la voie multilatérale ouverte à Doha. La tentation du protectionnisme doit être combattue : elle sape les fondements du système multilatéral et met en cause les gains collectifs liés à l'ouverture.

L'évolution du prix du pétrole reste un facteur de risque et d'incertitude et le maintien d'une forte volatilité peut avoir des effets négatifs sur la croissance. La communauté internationale doit être prête à réagir lorsque les prix dépassent un certain seuil, à la hausse comme à la baisse. Un dialogue coopératif entre producteurs et consommateurs est souhaitable à ce sujet.

La volatilité des marchés financiers reste toujours une source de préoccupation. Les récentes faillites affectent la confiance dans les fondements mêmes du système de marché, à savoir la fiabilité de l'information financière. Je me réjouis du programme de travail du FSF visant à coordonner la réflexion des principales instances internationales intéressées. De son côté, l'Union européenne a rappelé lors de l'Ecofin d'Oviedo qu'elle entendait apporter sa contribution à cette réflexion. Trois enjeux méritent d'être soulignés : les systèmes comptables et d'audit ; le suivi des effets de levier ; les arbitrages réglementaires. Le FMI doit apporter sa contribution à cette démarche, en liaison avec son mandat de surveillance multilatérale des marchés financiers.

Après avoir traversé une année difficile en 2001, les marchés émergents semblent s'être stabilisés ces derniers mois. L'urgence est aujourd'hui de stabiliser la situation et de restaurer la confiance en Argentine, par la mise en place d'un programme crédible avec le FMI permettant à ce pays de retrouver le chemin d'une croissance vigoureuse. Nous ne pouvons ignorer le drame humain et social que connaît actuellement ce pays. Il serait dangereux d'entretenir l'illusion sur un isolement de l'Argentine du reste de l'économie mondiale : nous devons agir ensemble vite. La voie de la négociation doit être privilégiée et toute dégradation supplémentaire de la situation doit être évitée.

Nous devons aussi tirer collectivement les leçons du cas argentin sur le fonctionnement du FMI, notamment au regard des activités de surveillance, des mécanismes de restructuration ordonnée de la dette et de la conditionnalité des programmes du FMI. Une allocation de DTS, fondée sur les critères posés par les statuts, serait de nature à renforcer la stabilité financière des pays en développement et à réduire les risques de crise. J'invite dans l'immédiat les autorités américaines à accélérer le processus de ratification de l'allocation dite d'équité décidée en septembre 1997 par le Conseil des gouverneurs du FMI.

2. Malgré les progrès indéniables accomplis depuis 5 ans, la réforme de l'architecture financière internationale doit être poursuivie pour prévenir les crises financières et pour en faciliter le traitement ordonné quand elles surviennent

Des avancées déterminantes ont été accomplies depuis la crise asiatique. La Direction générale du FMI a fait des propositions très importantes sur la création d'un nouveau mécanisme de traitement des dettes souveraines. C'est une contribution importante qui, pour la première fois, reconnaît la légitimité de formes plus contraignantes d'implication du secteur privé dans la résolution des crises, notamment au travers de l'utilisation des moratoires. Les discussions en cours appellent les commentaires suivants :

  • Au titre de la prévention, la surveillance du FMI est essentielle dans le renforcement de la prévention des crises. Cependant, je crains que certaines des propositions les plus radicales ne conduisent en fait à affaiblir la contribution de l'institution. Des voies plus prometteuses méritent d'être explorées sur la publication des rapports Article IV en vue d'améliorer la transparence du FMI.

  • Nous devons renforcer les mécanismes de marché permettant un traitement plus ordonné des crises financières, à savoir la diffusion des clauses d'action collectives dans les émissions obligataires. Un important travail juridique doit être mené : il faut immédiatement l'engager. Les conséquences d'une telle action pourraient être mieux appréciées si les pays développés incorporaient eux-mêmes ces clauses dans leurs émissions et montraient ainsi l'exemple.

  • Les approches plus `institutionnelles' ou juridictionnelles sont incontournables. Elles seules permettent d'assurer une coordination efficace des créanciers.

Les futurs progrès sur ce mécanisme que j'appelle de mes vœux doivent être le résultat d'un dialogue international, associant pleinement les pays en développement. Des interrogations fortes sont aujourd'hui exprimées : il faut y répondre sans que cet exercice soit le prétexte pour reporter indéfiniment la mise en place d'une réforme nécessaire. Il faut aussi identifier des mécanismes d'incitation crédibles. Le rôle du FMI dans ces incitations doit faire l'objet d'un examen attentif. Enfin, l'ouverture du compte de capital des pays émergents, ne peut être envisagée que de manière ordonnée et progressive, afin de limiter les risques inhérents à cette réforme. Le FMI doit proposer une stratégie dans cette direction.

La dynamique engagée à la suite du 11 septembre sur la transparence du système financier international a déjà permis d'importantes avancées. Cette impulsion doit être impérativement maintenue. Des progrès ont été accomplis en matière de transparence des centres off shore grâce aux efforts du FMI et du FSF, mais il faut continuer. L'OCDE vient de publier la liste mise à jour des juridictions non coopératives en matière de fiscalité dommageable, ce qui représente une étape déterminante et une nouvelle confirmation de notre résolution. J'ai souvent contesté la tentation de l'unilatéralisme, mais il faut ici souligner l'action très bénéfique des États-Unis dans la lutte contre les paradis fiscaux. Enfin, en matière de financement du terrorisme et de lutte contre le blanchiment, la mise en œuvre des orientations définies à Ottawa en novembre dernier a progressé. Je me félicite des efforts engagés par nombre d'entre nous pour mettre en vœuvre les engagements pris, notamment ceux du FMI et de la Banque mondiale. Nous devons désormais finaliser ces travaux en développant avec le GAFI un Rapport sur l'Observation des Normes et Codes (RONC) sur le blanchiment et la lutte contre le financement du terrorisme, s'appuyant sur l'ensemble des 40 plus 8 recommandations de cette enceinte. Ce RONC doit naturellement respecter les principes de ces exercices : volontariat, uniformité et transparence. Je confirme à cet égard la détermination de la France à agir par l'exemple et à se soumettre, elle aussi, à ces évaluations.

3. Le FMI est un acteur incontournable de la mobilisation en faveur du développement, qui doit inscrire son action dans les orientations de Monterrey

Au cours des derniers mois, la communauté internationale s'est fortement mobilisée, tant à Doha, à Dakar qu'à Monterrey, pour renforcer son action de lutte contre la pauvreté et de promotion d'un développement durable. Je crois fermement qu'en dépit des critiques dont il fait l'objet, le FMI a un rôle important à jouer dans cette mobilisation.

Les Conférences de Doha et de Monterrey ont mis en évidence le lien entre commerce et développement. Je suis favorable à ce que le FMI se penche davantage sur les questions commerciales.

L'Union européenne est un marché ouvert aux produits des pays en développement, en raison notamment de son système des préférences généralisées (parmi les plus favorables du monde) et de la dernière initiative prise par l'UE (initiative "Tout sauf les armes"). J'invite l'ensemble des pays riches à prendre des initiatives similaires pour permettre aux exportations des pays pauvres de prendre une place équitable dans le commerce international—un important progrès aura été accompli quand les principaux pays développés offriront effectivement un degré équivalent d'ouverture.

Mais l'ouverture des marchés n'est qu'un aspect de la question. Il faut également aider les pays en développement à renforcer leurs capacités commerciales et à lever les contraintes internes qui pèsent souvent sur leurs exportations, telles que par exemple le respect des normes. C'est pourquoi j'ai décidé de lancer un plan français d'aide au renforcement des capacités commerciales, d'un montant de 30 millions d'euros sur trois ans.

Le FMI a indéniablement un rôle à jouer pour aider les pays en développement à renforcer leurs capacités, tant dans le domaine commercial que dans ses autres domaines de compétence, notamment dans le domaine budgétaire. A cet égard, je salue tout particulièrement les efforts du Directeur général pour mettre en vœuvre le projet AFRITAC. C'est donc avec plaisir que la France soutiendra la création des centres d'assistance technique en Afrique, en apportant un financement d'un million d'euros sur trois ans.

Pour aider ses membres les plus pauvres à mettre en œuvre les réformes qui créeront un environnement propice à la croissance, à l'investissement et à la réduction de la pauvreté, le FMI s'est doté d'un outil essentiel, la facilité pour la réduction de la pauvreté et la croissance. J'invite d'autres contributeurs à nous rejoindre pour assurer la pérennité de cette facilité dont le récent examen a confirmé l'intérêt.

Le service d'une dette insoutenable a trop souvent constitué un frein insupportable au développement. Je constate que la mise en œuvre de l'initiative PPTE progresse lentement. Je suis d'avis d'encourager une participation de tous les créanciers, conformément à la vocation universelle de l'initiative PPTE.

*

Le renforcement de la coopération internationale—qui exclut toute démarche unilatérale—est essentiel pour apporter une réponse durable aux enjeux posés par la globalisation. Notre action collective, pour être efficace, doit être davantage légitime et nous devons nous ouvrir à d'autres institutions et à d'autres acteurs. L'expérience de Monterrey, qui a permis un rapprochement des institutions de Bretton Woods avec les Nations-Unies, a démontré les bienfaits d'une approche pragmatique en la matière et doit être prolongée. En s'inspirant des modalités de consultation que la France a mise en place avec les représentants de la société civile grâce à la création d'une enceinte dédiée, qui regroupe des élus et des représentants de la société civile, je suggère que les institutions de Bretton Woods s'ouvrent plus largement aux organisations non-gouvernementales, notamment lors de leur Assemblée annuelle à l'instar de ce qui a été fait par l'OMC lors de la conférence de Doha. Je souhaite que le Directeur général du FMI et le Président de la Banque mondiale nous fassent rapidement des propositions en ce sens.