À la tête d'une institution devenue quasi universelle . . . M. Camdessus a voulu que tous les États membres bénéficient progressivement de la mondialisation S'il n'est pas facile de tirer, des treize années passées par M. Camdessus à la tête du FMI, des considérations générales sur l'action de l'institution, on peut en revanche dégager un thème dominant : les progrès de la mondialisation et le rôle du FMI dans ce processus. L'intégration accélérée des marchés internationaux durant cette période a quelque peu banalisé le terme de «mondialisation». Facilitée par les progrès technologiques et la libéralisation financière, la mondialisation a été appuyée par les responsables internationaux, convaincus qu'un système commercial et financier ouvert, libéral et fondé sur des règles est essentiel au progrès économique mondial. Au-delà de ses avantages, cependant, la mondialisation n'est pas sans risques et ne progresse pas sans à-coups. Ainsi, les mutations structurelles peuvent être source de chômage ou de délocalisations. De même, la volatilité des flux de capitaux peut causer des crises financières. Les monnaies, en particulier, ont fait l'objet d'attaques spéculatives lorsque les marchés ont perçu des lacunes dans la gestion économique, comme en témoignent les crises des années 90 (Système monétaire européen, Mexique, Asie, Russie et Brésil). En comparaison, les flux internationaux de capitaux privés ont joué un rôle bien plus limité dans les crises de la première partie de l'histoire du FMI, qu'il s'agisse de l'effondrement du système de Bretton Woods en 1971–73, des chocs pétroliers de 1973–74 et 1978–79, ou de la crise de la dette du début des années 80.
Parallèlement, le FMI n'a jamais nié les risques et perturbations liés à la mondialisation. Le maintien de «niveaux élevés d'emploi» figure parmi les buts assignés à l'institution, qui doit donc, par ses conseils, préconiser l'adoption de politiques macroéconomiques et structurelles propres à réduire le chômage, sa durée et son coût humain. Si le FMI a souvent prôné la libéralisation du secteur financier et des mouvements de capitaux, il a aussi mis en garde contre une déréglementation hâtive et mal préparée. M. Camdessus n'a pas cessé de rappeler que la mondialisation pousse chaque pays à bien orienter sa politique économique -- pour enrayer au besoin la contagion des crises financières ou les attaques spéculatives directes -- et favorise la recherche de l'équité et de l'efficience. L'impact -- positif et négatif -- de la mondialisation sur les démunis a été un souci constant. Les dispositifs de protection sociale ont pris une place beaucoup plus grande dans l'arsenal des recommandations du FMI durant le mandat de M. Camdessus, qui a multiplié les appels à une lutte plus énergique contre la pauvreté. À maintes reprises, il a invité les pays à cesser de comprimer les budgets d'aide publique et à recentrer leur politique économique sur l'homme. Cette volonté de M. Camdessus d'humaniser la mondialisation traduit une vision du développement fondée sur ses valeurs spirituelles et sur sa conviction que le développement humain dépend de la qualité des politiques économiques et sociales mises en œuvre. C'est cette vision et cette conviction qui expliquent son sens profond du service public et de l'importance de la mission du FMI. Il n'est pas facile d'isoler l'influence d'un individu sur une institution gérée par un Conseil d'administration qui représente presque tous les pays du monde et qui favorise une approche collégiale et consensuelle de la prise de décision. Seuls, peut-être, les proches observateurs et les acteurs eux-mêmes pourront dire qu'à maintes reprises, M. Camdessus aura su persuader les États membres d'engager le FMI dans la voie qu'il avait tracée; que son énergie sans bornes, ses fermes convictions et son solide optimisme ont été une source d'inspiration pour le FMI, en particulier pour ses services, ainsi que pour des dirigeants du monde entier; qu'il a fait preuve bien souvent du courage requis pour, après avoir pris conseil, assumer seul la responsabilité de la décision et de l'action; et qu'enfin, si le FMI a été au cœur du processus de mondialisation qui a marqué les années 90 -- pour la promouvoir, gérer ses crises et lui donner un visage humain --, il le doit en grande partie à la vision et à l'impulsion que lui a données M. Camdessus.
Le FMI sous la direction de Michel
Camdessus Michel Camdessus, septième Directeur général, a dirigé le FMI pendant près du quart de l'existence de cette institution, qu'il a guidée dans une période marquée par des défis sans précédent liés notamment à la mondialisation de l'économie. On retiendra peut-être surtout que c'est durant son mandat que le FMI a été appelé à appuyer la transformation et l'intégration au système mondial des économies planifiées des États baltes, de la Russie et des autres pays issus de l'ex-URSS, ainsi que de leurs homologues d'Asie ou d'Europe centrale et orientale. C'est durant cette période aussi que la stratégie de la dette lancée dans les années 80 a été redéployée et que le FMI a mis davantage l'accent sur les États membres les plus pauvres, en appuyant notamment les réformes structurelles par la FASR créée dès la première année du mandat initial de M. Camdessus. Plus récemment, le FMI a fourni un appui financier sans précédent aux économies de marché émergentes secouées par des crises qui étaient liées en partie à l'essor des flux de capitaux et qui ont semblé parfois menacer le système financier international. Durant les trois mandats de M. Camdessus, de 1987 au début de l'an 2000, le FMI a aussi pris une dimension quasi universelle -- passant de 151 à 182 pays membres -- et répondu à la mondialisation en renforçant la surveillance qu'il exerce sur la politique économique des États membres. Cette période de bouleversements a aussi été, paradoxalement, une période de continuité. M. Camdessus a souvent souligné que les objectifs du FMI sont restés ceux énoncés par ses fondateurs dans ses Statuts il y a plus de cinquante ans. Pour demeurer fidèle à sa mission, le FMI a dû s'adapter à l'augmentation du nombre de pays membres et à l'évolution de l'économie mondiale, et tirer les leçons de l'expérience1. Ses conseils aux pays membres ont donc été recentrés. Mais il est resté l'avocat de la discipline macroéconomique et des réformes structurelles visant à faire mieux fonctionner les marchés, et un consensus s'est fait, à la fin des années 80 -- la révolution silencieuse, selon M. Camdessus --, autour de ces ingrédients essentiels de toute bonne politique. En encourageant les pays dans cette voie, le FMI a contribué à l'amélioration des résultats économiques dans le monde. Il a facilité en particulier le recul de l'inflation, tombée à son plus bas niveau depuis les années 60, et, dans bien des cas, la réduction des déséquilibres budgétaires et l'accélération de la croissance. La notion de croissance de haute qualité est venue enrichir le vocabulaire propre au FMI pendant le premier mandat de M. Camdessus, pour désigner le type de croissance que le FMI se doit de promouvoir, comme il l'a souligné devant le Conseil économique et social de l'ONU en 19902. Dans un discours à New York en 1993, il l'a décrite comme «une croissance soutenable, qui favorise la réduction des inégalités de revenus par une meilleure égalisation des chances et respecte aussi bien la liberté humaine que l'environnement. Au plan international, une croissance de haute qualité implique une hausse adéquate des niveaux de vie, particulièrement dans les pays où ils sont les plus bas»3. En 1987, dans son premier discours devant l'Assemblée annuelle en tant que Directeur général, M. Camdessus a mis en lumière nombre des thèmes qui allaient dominer les travaux du FMI en cette fin de XXe siècle, estimant que «le FMI a un rôle crucial à jouer dans le renforcement des mécanismes multilatéraux de coopération pour une meilleure croissance de l'économie mondiale et pour la stabilité du système monétaire international»4. Il a rappelé ensuite que le FMI devait aussi jouer un rôle majeur dans la stratégie de la dette en aidant les pays à concevoir des programmes économiques et en les appuyant, ainsi qu'en mobilisant des flux financiers pour étayer la reprise de la croissance dans les économies très endettées, et qu'il devait disposer lui-même des moyens de remplir sa mission. Enfin, il a clos son intervention en faisant valoir que les crises avaient un bon côté, car elles pouvaient susciter des changements bénéfiques, invitant les pays membres à ne pas oublier qu'«il n'est de crise qui ne cache quelque chance».
Surveillance : coopérer à l'élaboration Le premier de ces thèmes -- l'importance de la coopération multilatérale dans l'élaboration des politiques économiques -- n'était pas seulement d'actualité en 1987, lorsque l'accord du Louvre, signé en février, faisait référence dans la coopération entre les pays du G-7. Il est resté au cœur des préoccupations du FMI, ainsi qu'en témoignent le renforcement et l'élargissement de sa mission de surveillance. Sans négliger pour autant les grandes variables macroéconomiques, la surveillance du FMI a porté davantage, depuis la fin des années 80, sur les questions structurelles qui influent fortement sur les performances des pays, notamment sur la viabilité de leurs comptes extérieurs et leur croissance. Les crises du Système monétaire européen en 1992–93 et la crise mexicaine de 1994–95 ont révélé la vulnérabilité des économies aux volte-face des marchés lorsque les capitaux sont très mobiles, et incité le FMI à adapter le champ de la surveillance pour prévenir ce type de perturbations. Priorité a donc été donnée à la solidité du secteur financier et, dans le sillage de la crise mexicaine, des normes ont été créées pour améliorer la qualité, la transparence et les délais de diffusion des statistiques nationales : la Norme spéciale de diffusion des données, conçue pour les pays qui empruntent sur les marchés internationaux, a été suivie de la Norme générale de diffusion des données, destinée aux autres pays et couvrant un champ d'informations plus large. À partir du milieu des années 90, le FMI s'est penché de plus en plus sur les réformes structurelles de la deuxième génération, c'est-à-dire sur les mesures d'envergure nécessaires pour assurer la viabilité et la qualité de la croissance en favorisant la stabilisation, l'ajustement et les réformes de fond qui s'imposent pour qu'une économie de marché fonctionne sans distorsions. Les réformes de la deuxième génération portent sur le secteur financier, la transparence de la politique budgétaire et de ses procédures (mais aussi des statistiques économiques), la lutte contre la corruption, la bonne gouvernance et une redéfinition du rôle de l'État dans l'économie en tant que complément du secteur privé. M. Camdessus a souvent insisté, en particulier, sur la nécessité d'améliorer la gestion des deniers publics en augmentant les dépenses de santé et d'éducation et en réduisant les crédits militaires et les autres dépenses improductives. De même, M. Camdessus a souligné à maintes reprises l'interdépendance entre progrès économique et progrès social, et la nécessité de protéger les plus vulnérables durant l'ajustement en créant des dispositifs de protection sociale bien ciblés et d'un bon rapport coût-efficacité, tout en assurant l'accès de tous aux services publics de base.
Tous les pays industriels, et notamment l'Europe dans le cadre du processus d'unification monétaire prévu par le Traité de Maastricht, ont libéralisé les mouvements de capitaux au début des années 90, bientôt suivis par de nombreuses économies de marché émergentes. Encouragés par M. Camdessus, les États membres ont fait de cette libéralisation l'un de leurs objectifs lorsque le Comité intérimaire du FMI a souhaité, dans sa déclaration de Hong Kong en 1997, que l'on ajoute un nouveau chapitre à l'accord de Bretton Woods en amendant les Statuts pour faire de la libéralisation ordonnée des mouvements de capitaux l'un des buts du FMI5. Vu le rôle croissant des flux de capitaux privés, l'examen de ce projet se poursuit dans le cadre de la réforme de l'architecture du système monétaire international, en tirant les enseignements des expériences précédentes pour déterminer le rythme et l'échelonnement souhaitables des mesures de libéralisation.
Le FMI a continué de contribuer aux travaux du G-7, le Directeur général participant en effet aux débats des ministres des finances sur la surveillance de l'économie mondiale. Il a participé aussi à celle-ci, durant les années 90, dans le cadre du Forum de coopération économique Asie–Pacifique ou du groupe des ministres des finances de l'Hémisphère occidental, un rôle qui est lié aux travaux sur les perspectives de l'économie mondiale et qui fait fond sur les activités de surveillance du FMI dans les pays membres. En avril 1993, le Comité intérimaire a relancé la coopération internationale en adoptant, en pleine récession mondiale, une «Déclaration sur la coopération pour une croissance mondiale durable». La «Déclaration sur la coopération en vue de renforcer l'expansion mondiale» («Déclaration de Madrid»), publiée à l'issue de l'Assemblée annuelle de 1994, et la Déclaration sur le «Partenariat pour une expansion durable de l'économie mondiale» de l'Assemblée annuelle de 19966 s'inscrivaient dans la même optique. La surveillance régionale a pris de l'importance. Outre sa participation aux enceintes économiques régionales susmentionnées, le FMI s'est régulièrement entretenu, durant le mandat de M. Camdessus, avec la Commission européenne (sur les questions relevant de sa compétence) et avec la Banque centrale européenne dans le cadre de l'UEM. Au fil du temps, et dans le souci d'éviter de nouvelles crises, la continuité de la surveillance a été sensiblement renforcée par la tenue régulière de débats du Conseil d'administration sur l'évolution de l'économie et des marchés mondiaux, issus eux-mêmes du suivi des taux de change auquel le Conseil procède depuis 1987 à l'initiative de M. Camdessus. Depuis le milieu des années 90, enfin, le Conseil consacre s'il le faut des débats informels à tel ou tel État membre entre deux consultations ordinaires. Parallèlement à l'extension du champ de la surveillance et des opérations du FMI en général, la transparence a été elle aussi renforcée pendant le mandat de M. Camdessus. La publication du résumé des entretiens au titre de l'article IV, qui ne concernait autrefois qu'un petit nombre de pays industrialisés et se faisait avec un retard considérable dans le Rapport annuel du FMI, est maintenant systématique pour la grande majorité des États membres et suit de près les débats du Conseil d'administration. Un programme-pilote concernant la publication des rapports au titre de l'article IV est en cours, et le FMI encourage aussi la publication des lettres d'intention rédigées par les autorités qui sollicitent ses concours financiers à l'appui d'un programme. Les progrès de la technologie ont facilité cette ouverture, notamment la création du site Web externe du FMI en 1996 et son perfectionnement ultérieur, qui en a fait un outil de communication majeur. Ces dernières années, le FMI a aussi soumis certaines de ses activités principales (FASR, surveillance, études) à des évaluations externes confiées à des experts indépendants. Les Statuts du FMI autorisant les pays membres à choisir leur régime de change, le FMI a continué de surveiller les divers systèmes en vigueur. La création de l'UEM et le lancement de l'euro en janvier 1999 auront été le fait le plus marquant enregistré dans ce domaine pendant le mandat de M. Camdessus, même si l'on retiendra aussi la dévaluation du franc CFA en janvier 1994, qui a dynamisé la croissance des pays africains de la zone franc à la fin des années 90. Dette et pauvreté dans les pays en développement Dans son discours inaugural de 1987, M. Camdessus a aussi évoqué un autre thème qui est resté au cœur des travaux du FMI pendant tout son mandat : aider les pays en développement à retrouver une situation extérieure viable, en dépit d'un endettement souvent élevé, pour favoriser une croissance de haute qualité et faire reculer la pauvreté, en particulier dans les pays les plus démunis. L'action du FMI dans ce groupe de pays au cours des quinze dernières années découle d'un triple constat : pour assurer une progression soutenue du niveau de vie, il faut se donner des objectifs à moyen terme allant au-delà de la stabilisation immédiate; on ne peut connaître une croissance de haute qualité ou même atteindre des objectifs plus restreints si l'action macroéconomique ne s'accompagne pas d'une série de mesures sociales et structurelles; enfin, le fardeau de la dette extérieure ne doit pas entraver la réalisation de ces objectifs. Le FMI a suivi de près les problèmes d'endettement des pays membres à revenu faible ou intermédiaire dès que la crise de la dette a éclaté en 1982. Lorsque M. Camdessus a pris son poste, la menace systémique initiale était conjurée, mais les effets de la crise étaient encore très sensibles dans beaucoup de pays. Les mécanismes institutionnels destinés à aider les pays à revenu intermédiaire ont été créés peu après : ils conjuguaient l'allégement de la dette par des créanciers officiels, l'acceptation de pertes sur prêts par les créanciers privés et un apport d'argent frais, sous forme principalement de dons ou prêts concessionnels accordés par les bailleurs de fonds officiels à l'appui de programmes d'ajustement et de réforme soutenus par le FMI. La FASR (qui a succédé à la FAS créée en 1986) a vu le jour au cours de la première année du mandat de M. Camdessus, et marque une étape importante dans l'évolution des relations entre le FMI et les pays les plus pauvres. Financée par les contributions de nombreux États membres, la FASR -- élargie et prorogée en décembre 1993 -- a été, jusqu'à la fin de 1999, à la base des aides concessionnelles du FMI aux pays à faible revenu qui engageaient des politiques macroéconomiques et structurelles axées sur la stabilité extérieure et la croissance durable. Elle est devenue le mécanisme du FMI le plus utilisé puisque, fin 1999, plus de la moitié de la soixantaine d'accords en vigueur avaient été conclus sous ce titre. Les programmes appuyés par la FASR innovaient notamment sur un point : la préparation par les autorités, en collaboration avec le FMI et la Banque mondiale, d'un document-cadre de politique économique (DCPE) énonçant leur stratégie à moyen terme. Le bilan de ce mécanisme montre que, dans l'ensemble, les pays qui ont appliqué des programmes appuyés par la FASR ont connu une croissance plus rapide et une moindre inflation que les pays comparables qui n'ont pas engagé ce type de mesures 7. Pour beaucoup de pays à faible revenu, toutefois, la viabilité extérieure est restée un objectif hors d'atteinte à cause d'une gestion imprudente de la dette, d'un manque de persévérance dans l'ajustement structurel et les réformes économiques, d'une mauvaise gouvernance et de pressions extérieures telles qu'une détérioration des termes de l'échange. C'est pour les aider à surmonter ces problèmes qu'en septembre 1996, le FMI et la Banque mondiale ont créé l'Initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE) dont l'objectif était de ramener la dette extérieure de ces pays à des proportions viables dans des délais raisonnables8. Malgré les progrès que représentent la FASR et l'Initiative PPTE, il est devenu de plus en plus évident, à la fin des années 90, qu'il fallait accélérer la lutte contre la pauvreté dans les pays les plus démunis. La prise en charge des programmes par les pays eux-mêmes est apparue comme l'un des moyens les plus sûrs d'y parvenir. C'est pourquoi le FMI s'est doté d'un cadre renforcé de lutte contre la pauvreté à la fin de 1999 en transformant la FASR en facilité pour la réduction de la pauvreté et la croissance (FRPC) qui, comme son nom l'indique, place la lutte contre la pauvreté au cœur des programmes engagés par les pays membres les plus démunis avec l'appui du FMI9. Ce mécanisme prévoit la rédaction par les autorités nationales d'un document de stratégie pour la réduction de la pauvreté (DSRP) à l'issue de consultations auxquelles participe la société civile. Contrairement au DCPE, le DSRP servira de référence non seulement pour les prêts du FMI et de la Banque mondiale, mais aussi pour les concours d'autres bailleurs de fonds multilatéraux. En outre, pour accorder des allégements de dette plus rapides et plus importants à davantage de pays, l'Initiative en faveur des PPTE a été réaménagée fin 1999. Son financement et la prolongation de la FRPC ont été assurés grâce aux contributions bilatérales d'un large éventail d'États membres et du FMI, qui y affectera essentiellement les revenus du placement des bénéfices tirés de ses ventes d'or (à concurrence de 14 millions d'onces) hors marché. La persistance d'une pauvreté et d'un sous-développement endémiques jette une ombre sur le bilan largement positif de ces treize années. Dans l'un de ses derniers discours en tant que Directeur général, M. Camdessus a noté que «la lenteur des progrès de par le monde et, en bien des endroits, les reculs dans la lutte contre la pauvreté sont, évidemment, le facteur de crise le plus grave en cette fin de siècle»10. Il a profité de l'occasion pour rappeler aux États membres la nécessité de tenir les promesses d'aide faites aux plus démunis dans le cadre, notamment, des conférences de l'ONU, et a insisté sur l'importance de la nouvelle initiative de lutte contre la pauvreté. Ce que M. Camdessus n'avait pas anticipé dans son discours inaugural, c'est qu'un autre groupe de pays s'engagerait dans une transition historique -- de la planification centrale à l'économie de marché -- qui les mettrait au centre d'une bonne partie des travaux du FMI pendant son mandat. La chose était certes difficile à prévoir avant la chute du mur de Berlin en 1989. Les États baltes, la Russie et les autres pays issus de l'ex-URSS ont adhéré au FMI au début des années 90 alors même qu'ils devaient (tout comme la plupart des pays d'Europe centrale et orientale) relever un double défi : dans l'immédiat, assurer la stabilisation macroéconomique au lendemain de la libéralisation des prix alors que les ménages détenaient des encaisses monétaires excédentaires et que le stock de biens d'équipement était largement obsolète; à plus long terme, mener à bien des réformes structurelles et institutionnelles de grande envergure. L'étude de l'économie soviétique qu'il a dirigée en 1991 et les travaux préparatoires à l'accord d'association avec l'ex-URSS conclu la même année ont permis au FMI de se faire une idée des problèmes de cette économie et du contexte difficile dans lequel opéreraient les pays qui allaient lui succéder. Pour répondre aux besoins spécifiques de ces nouveaux États membres, il s'est doté d'une facilité temporaire pour la transformation systémique en 1993 afin de financer, avec une conditionnalité appropriée aux premiers pas de la transition, les besoins de balance des paiements causés par la perturbation des échanges et des paiements entraînée par l'effondrement du système de planification centrale. Depuis, le FMI a apporté un appui considérable aux pays en transition sous forme de conseils, d'assistance technique et de concours financiers. Cela dit, le bilan de ces dix ans de réforme varie grandement selon les pays. Une grande majorité d'entre eux ont stabilisé la situation macroéconomique, avancé dans les réformes structurelles et institutionnelles et transformé de façon irréversible leur économie. La plupart d'entre eux enregistrent aussi à nouveau une hausse du niveau de vie. Dans les plus prospères, enfin, la production retrouve ou dépasse son niveau d'avant la transition et les préparatifs à l'entrée dans l'Union européenne sont avancés. Cependant, en Russie et dans les autres pays issus de l'ex-URSS surtout, les réformes se sont révélées très difficiles en raison, notamment, de l'absence des structures institutionnelles et juridiques nécessaires à une économie de marché, et ont été entravées parfois par l'instabilité politique et les troubles civils. En règle générale, l'appui du FMI a été plus efficace dans les pays qui avaient la volonté et les moyens de mener à bien la stabilisation macroéconomique et les réformes structurelles, et qui se sont montrés réceptifs aux conseils du FMI et des autres institutions financières internationales. Crises des marchés émergents en 1997–99 Dans son discours inaugural, M. Camdessus avait également prévu que des crises émailleraient son mandat. Les plus graves ont eu lieu vers la fin de celui-ci. Bien que le FMI ait averti l'Asie, et surtout la Thaïlande, du danger qui menaçait avant que la crise n'éclate au milieu de 1997, le monde a été choqué par l'ampleur de la crise et la virulence de sa propagation, qui a pu faire craindre qu'elle était sans remède. Presque tous les pays touchés ont sollicité l'appui du FMI, qui a participé au large effort engagé pour aider les autorités nationales à rétablir la stabilité macroéconomique et à remédier à leurs carences structurelles dans le contexte d'une perte de confiance générale dans la région, d'une hémorragie de capitaux sans précédent, de dépréciation accélérée des monnaies et d'effondrement de la demande et de l'activité. Le FMI a dû se montrer flexible dans la conception des programmes et tenir compte de la situation de chaque pays, tout en assurant aux investisseurs que la situation macroéconomique serait stabilisée. Ces exigences ont été intégrées dans les programmes des trois pays le plus durement touchés par la crise -- Corée, Indonésie et Thaïlande -- à mesure que la situation évoluait. La crise s'est propagée hors d'Asie dès la fin de 1997, mais c'est entre août et octobre 1998, suite à l'annonce du défaut de paiement de la Russie et à l'effondrement consécutif du rouble -- conjugué à la quasi-faillite d'un grand fonds spéculatif (LTCM) -- qu'elle a atteint son paroxysme et fait peser les plus gros risques sur le système. En Amérique latine, c'est la monnaie brésilienne surtout qui a été attaquée. L'assouplissement de la politique monétaire aux États-Unis et dans d'autres pays a permis une détente des marchés financiers, mais les politiques de stabilisation et de réforme menées par la Russie et les autres économies émergentes sous l'égide du FMI -- le nouveau programme appuyé par le FMI au Brésil, notamment -- ont contribué elles aussi au rétablissement de l'économie mondiale fin 1998–début 1999. La nouvelle crise brésilienne du début de 1999, résolue en partie par le flottement du real, a été le dernier accroc majeur au processus de redressement. Dans la plupart des pays qui avaient été touchés par la crise, en effet, la reprise observée depuis 1998 dépasse les prévisions. L'ampleur des prêts accordés aux économies en transition et aux pays touchés par les crises de 1997–99 a montré clairement que le FMI devait être doté de ressources suffisantes pour pouvoir appuyer les efforts de stabilisation et de réforme de ses membres. (Aucun pays industrialisé n'a emprunté au FMI depuis la fin des années 70, et de plus en plus de pays s'adressent directement aux marchés internationaux des capitaux.) Depuis 1987, les États membres ont pris plusieurs initiatives pour consolider la base financière du FMI. Les deux augmentations des quotes-parts ont eu une importance particulière à cet égard. La première, en 1992, a relevé celles-ci de 50 % pour les porter à 144,6 milliards de DTS. La seconde, en 1999, les a relevées de 45 % et portées à 212 milliards de DTS. Mais par rapport à la taille de l'économie mondiale, comme M. Camdessus l'a souvent souligné, les quotes-parts ont diminué sensiblement depuis la création du FMI, tombant de 3½ % du PIB mondial en 1945 à moins de 1 % en 1999. Le FMI a continué de bénéficier de possibilités d'emprunt, qui ont été portées à 34 milliards de DTS depuis l'adoption des Nouveaux Accords d'emprunt (NAE) mis en place en 1997 par 25 pays membres (dont plusieurs économies de marché émergentes) ou institutions. Les NAE renforcent les Accords généraux d'emprunt (AGE) créés par le G-10 pour constituer une réserve de liquidités en cas de crise systémique. Les AGE ont été activés pour la première fois en vingt ans en juillet 1998, dans le cadre de l'appui du FMI à la Russie. Les NAE ont été activés une seule fois, fin 1998, pour financer l'accord élargi avec le Brésil. Soucieux de consolider ses finances, le FMI a accordé beaucoup d'attention, durant la première moitié du mandat de M. Camdessus, à la réduction des arriérés de paiements des États membres. En 1990, il a renforcé sa stratégie en la matière en se donnant trois objectifs : prévenir l'apparition de nouveaux arriérés ou la persistance de ceux qui existaient déjà, intensifier la collaboration avec les États membres en situation d'arriérés pour résoudre ce problème (à l'aide de programmes d'accumulation de droits, le cas échéant) et prendre des mesures correctives de plus en plus sévères lorsque ces pays ne coopèrent pas avec le FMI. Sur ce dernier point, les États membres ont approuvé le troisième amendement des Statuts, qui a pris effet en novembre 1992 et précise dans quelles conditions le Conseil d'administration peut suspendre les droits de vote et certains droits connexes d'un État membre. Preuve du succès de la nouvelle approche, les cas d'arriérés persistants envers le FMI ont nettement diminué ces dernières années, tombant de 12 en 1992 à 7 fin 1999. Presque tous les pays concernés ont connu de graves problèmes politiques internes ou internationaux qui les empêchaient de s'attaquer à leurs difficultés économiques. Le FMI a modifié ses facilités et les limites d'accès à ses ressources pour les adapter à l'évolution de l'ampleur et de la nature des problèmes des pays emprunteurs. Le relèvement des limites d'accès et le recours à la clause des circonstances exceptionnelles ont permis au FMI de répondre favorablement, quand il le fallait, aux États membres sollicitant le décaissement rapide de prêts importants. Après la crise du Mexique, avec qui le FMI a conclu un accord de confirmation d'un montant exceptionnel, un mécanisme de financement d'urgence a été créé pour faciliter l'examen rapide des demandes d'utilisation des ressources du FMI en cas de crise. Les événements qui ont secoué l'Asie et l'essor spectaculaire des flux internationaux de capitaux ces dix dernières années ont mis en évidence que les pays qui perdent brusquement l'accès à ces marchés ont besoin d'une aide massive du FMI. C'est pourquoi ce dernier s'est aussi doté, en 1997, d'une facilité de réserve supplémentaire qui doit permettre d'aider les États membres en proie à des difficultés de balance des paiements exceptionnelles -- provoquées par la perte de confiance des marchés -- en décaissant rapidement à leur profit des prêts d'un montant considérable assortis d'un taux d'intérêt majoré et d'une clause de remboursement accéléré. La possibilité d'ouvrir des lignes de crédit préventives (LCP) est une autre des innovations apportées par le FMI dans le cadre de ses travaux sur la prévention des crises. Les États membres qui mènent une politique économique vigoureuse peuvent disposer d'une ligne de crédit utilisable en cas de crise due à la contagion d'événements internationaux. L'objectif des LCP est de stimuler la confiance des marchés dans la politique économique d'un pays et de renforcer la capacité de ce dernier à faire face aux sautes d'humeur des investisseurs.
Avec le premier amendement des Statuts du FMI en 1969, les États membres affirmaient leur volonté de faire du DTS le principal instrument de réserve du système monétaire international. Faute de progrès dans ce sens -- la part des avoirs en DTS dans les réserves de change mondiales est tombée en fait de 6 % en 1970 à 4¼ % en 1987, puis à 1¾ % en 1998 --, on s'est souvent interrogé au cours des treize dernières années sur la possibilité de développer le rôle du DTS, et notamment sur la nécessité de procéder à une nouvelle allocation. En 1993, M. Camdessus a proposé une allocation générale de 36 milliards de DTS et suggéré que les États membres redistribuent volontairement une partie de ces DTS aux pays qui n'avaient pas bénéficié des allocations précédentes11. La nécessité de répondre à cette question d'équité était largement reconnue, mais les États membres n'ont pas pu se mettre d'accord lors du Comité intérimaire de septembre 1994 à Madrid. C'est en 1997 que les gouverneurs ont approuvé le quatrième amendement des Statuts autorisant une allocation spéciale à caractère exceptionnel de 21,4 milliards de DTS -- soit un doublement de l'encours des DTS en circulation -- pour régler cette question d'équité12. L'amendement n'a pas encore été ratifié. Troisième pôle d'activité du FMI, à côté de la surveillance et du financement, l'assistance technique est un complément essentiel des efforts que les pays déploient pour appliquer leur politique économique et opérer des réformes institutionnelles. L'offre et la demande d'assistance, qui portent principalement sur les instruments et institutions des politiques monétaire et budgétaire, la réforme du système financier et le développement de systèmes statistiques, ont fortement augmenté dans les années 90. L'essor de cette demande s'explique en partie par l'adhésion de nouveaux pays dont les besoins d'assistance sont considérables, mais aussi par la nécessité des réformes -- financières, en particulier -- qui est devenue manifeste avec les crises des marchés émergents. Le besoin d'assistance technique se fait aussi sentir à l'issue de conflits armés, lorsqu'une remise en état des moyens de gestion économique et financière s'impose.
Changements institutionnels au FMI Le FMI s'est efforcé de s'adapter à l'évolution des demandes qui lui sont adressées. Traduisant leur volonté de renforcer le rôle consultatif du Comité intérimaire auprès du Conseil des gouverneurs, les États membres l'ont transformé en Comité monétaire et financier international lors de l'Assemblée annuelle de 1999. Ce comité se réunira pour la première fois en avril 2000. Le changement d'appellation ne répond pas pour autant aux attentes de M. Camdessus, qui aurait souhaité la création (prévue dans les Statuts) d'un Collège doté d'un plus grand pouvoir de décision. Les membres du Conseil d'administration sont passés de 22 à 24 en 1987, et les effectifs du FMI ont augmenté d'environ 30 % (passant de 1.700 à 2.300 postes permanents) sous l'effet conjugué de l'accroissement du nombre d'États membres et du volume (mais aussi de la complexité) des activités de l'institution -- et notamment des problèmes liés à la transition ou à l'impact de la mondialisation sur les secteurs financiers. En 1994, le nombre de directeurs généraux adjoints est passé de un à trois. L'organigramme du FMI a été plusieurs fois remanié, notamment avec la création du Bureau de la vérification et de l'inspection internes en 1996 ou, en 1999, du Département des ressources humaines et du Département de la technologie et des services généraux (issus essentiellement de l'ancien Département de l'administration). Le FMI et la Banque mondiale ont renforcé et officialisé leur collaboration depuis qu'ils ont clarifié leurs domaines de compétence dans le concordat de 1989. En particulier, les deux institutions ont défini une approche commune des conseils de politique économique et de l'appui financier qu'ils apportent aux pays à faible revenu. Suite aux crises récentes, elles ont aussi intensifié leur collaboration dans le suivi du système financier. Un Comité conjoint de liaison pour le secteur financier a été créé en septembre 1998 pour mieux coordonner les travaux relatifs au secteur financier des États membres. Enfin, le mandat de M. Camdessus a aussi été marqué par un renforcement de la collaboration avec l'Organisation mondiale du commerce, l'Organisation internationale du travail et le système des Nations Unies.
1«Le FMI à cinquante ans : son rôle a
évolué, mais sa mission n'a pas changé», allocution de M. Michel
Camdessus, juin 1994.
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