Pour des Procédures D'Insolvabilité
Ordonnées et Efficaces Principales questions Département juridique Fonds monétaire international 2000
Table des matières
Avant-propos De plus en plus, le Fonds monétaire international s'attache à promouvoir chez ses membres des régimes de l'insolvabilité ordonnés et efficaces. L'expérience montre que la réforme de ces régimes peut jouer un rôle majeur dans le renforcement des systèmes économique et financier nationaux. Par exemple, un bon régime de l'insolvabilité est un précieux atout pour les banques d'un pays, car il leur permet de freiner la dépréciation de leurs créances, celles sur le secteur des entreprises notamment, dans le cadre d'une restructuration sous contrôle judiciaire ou, si nécessaire, d'une liquidation efficace. La réforme de l'insolvabilité peut être particulièrement opportune dans le cas des économies en transition où elle peut jouer un rôle essentiel s'agissant des entreprises publiques insolvables. Par ailleurs, un régime de l'insolvabilité ordonné et efficace peut être un puissant moyen de faire participer adéquatement le secteur privé à la résolution des crises financières. Enfin, bien que les procédures d'insolvabilité exigent l'intervention des tribunaux, l'existence même d'un tel régime incite les débiteurs et les créanciers à entamer des négociations qui peuvent aboutir à des règlements extrajudiciaires «dans l'ombre» de la loi. Tirant les leçons de l'expérience, le présent rapport examine les principaux choix que doivent faire les pays lorsqu'ils mettent au point leur régime de l'insolvabilité. Les questions étudiées concernent tous les pays, indépendamment de leur stade de développement. Comme le mentionne l'introduction, si certaines préférences sont indiquées en ce qui concerne quelques-uns des choix les plus importants, le rapport ne cherche pas à établir de normes dans ce domaine complexe. En outre, il sera peut-être nécessaire de le mettre ultérieurement à jour afin de tenir compte de situations nouvelles. Le rapport a grandement bénéficié de l'apport de personnalités du secteur officiel et du secteur privé et le Département juridique du FMI tient à remercier tous ceux qui ont participé à sa rédaction. S'agissant des concours apportés par le secteur officiel : Le rapport s'inspire des principes et éléments clés des régimes efficaces de l'insolvabilité énoncés dans le rapport du Groupe de travail du G-22 sur les crises financières internationales. On trouvera en annexe une contribution du Secrétariat de la CNUDCI (Commission des Nations Unies pour le droit commercial international) sur les problèmes que soulèvent les cas d'insolvabilité internationale et sur la loi type préparée par la CNUDCI pour les résoudre. Des observations ont été présentées par un certain nombre d'organisations internationales, dont la Banque mondiale, l'Organisation de coopération et de développement économiques, la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, la Banque asiatique de développement et la Société financière internationale. En ce qui concerne l'assistance fournie par le secteur privé : Le Département juridique remercie INSOL International (Fédération internationale des praticiens de l'insolvabilité) pour ses commentaires constructifs et l'expression de son soutien à la teneur générale du rapport. Le Département juridique a tenu le plus grand compte des conseils de plusieurs experts en insolvabilité internationale; à cet égard, il remercie tout particulièrement les personnalités ci-après, qui ont toutes prodigué leur temps et leurs conseils lors de la rédaction des précédentes versions du rapport :
En outre, le Département juridique tient à exprimer sa profonde gratitude au professeur Christoph Paulus de l'Université Humboldt (Allemagne), qui a participé à toutes les phases de la rédaction du présent rapport et dont les connaissances dans le domaine de l'insolvabilité en droit comparé se sont révélées inestimables. Le Département adresse également ses remerciements à Anthony Smits et Oscar Urizar qui, par leurs analyses et leurs recherches, ont apporté un précieux concours à la préparation du rapport. Au sein du Département juridique, l'édition originale du rapport, en anglais, a été rédigée par Sean Hagan, qui a coordonné les travaux d'un groupe de travail composé de Boyko Dimitrachkov, Seng Chee Ho, Nadim Kyriakos-Saad et Rhoda Weeks. Enfin, Sonia Piccinini a collaboré à la préparation de cette publication en ne ménageant ni son temps ni ses efforts. La présente édition, en langue française, du rapport n'est pas une traduction littérale de l'édition originale, pour tenir compte des concepts juridiques propres aux pays de tradition juridique française. Les opinions exprimées dans le rapport sont celles du Département juridique du FMI et ne sauraient nullement être attribuées aux administrateurs, ni à la Direction, de cette institution. Le Conseiller juridique du
FMI L'expérience récente montre dans quelle mesure l'absence de procédures d'insolvabilité ordonnées et efficaces risque d'aggraver les crises économiques et financières. Il se peut que, faute de procédures efficaces, appliquées de manière prévisible, les créanciers se trouvent dans l'impossibilité de recouvrer leurs créances, ce qui a des répercussions sur le crédit; en outre, sans des procédures ordonnées, les droits des débiteurs (et de leurs salariés) risquent d'être insuffisamment protégés, et les différents créanciers de ne pas être traités de manière équitable. En revanche, l'application cohérente de procédures d'insolvabilité ordonnées et efficaces contribue nettement à stimuler la croissance et la compétitivité et peut en outre aider à prévenir et à résoudre les crises financières : grâce à de telles procédures, les débiteurs sont plus prudents lorsqu'ils prennent des engagements et les créanciers plus confiants lorsqu'ils accordent des crédits ou acceptent un rééchelonnement de leurs créances. Le présent rapport identifie et examine les principales questions que soulèvent la mise au point et l'application de procédures d'insolvabilité ordonnées et efficaces. Bien qu'il repose sur une étude comparative de certaines législations de l'insolvabilité, son objet n'est pas d'exposer ces législations. Comme on le verra, les approches adoptées par les pays varient à plusieurs égards, à cause non seulement de traditions juridiques divergentes, mais aussi de choix différents des pays, de sorte qu'il n'existe pas de normes internationales dans ce domaine. Le rapport ne tente nullement de proposer de telles normes, mais, lorsqu'il aborde les principales questions posées par les procédures d'insolvabilité, il examine les avantages et les inconvénients des différentes solutions possibles, puis présente des conclusions qui marquent ses préférences. Étant donné la multitude de questions que soulèvent les procédures judiciaires d'insolvabilité et la diversité des réponses que donnent les droits nationaux, le présent rapport est nécessairement sélectif. Il aborde essentiellement les problèmes les plus importants et les principales options qui s'offrent aux pays pour les résoudre. Quant à la qualification des politiques législatives qui sont souvent décrites comme reflétant implicitement une attitude soit «favorable aux créanciers», soit «favorable aux débiteurs», une mise en garde s'impose : ces expressions ont fréquemment un sens différent selon les pays et, en conséquence, ne sont guère utilisées dans le présent rapport. Par exemple, dans certains pays, une législation de l'insolvabilité est perçue comme favorable aux débiteurs parce qu'elle avantage la direction des sociétés débitrices, qui peut alors garder le contrôle de la société ou négocier avec ses créanciers en position de force. Dans d'autres pays, la législation de l'insolvabilité est considérée comme favorable aux débiteurs principalement parce qu'elle permet aux entreprises de survivre et aux salariés de conserver leur emploi, alors que les dirigeants seront remplacés par un administrateur et, ultérieurement, un nouveau propriétaire. De même, les législations favorables aux créanciers peuvent traiter différemment les droits respectifs des créanciers titulaires de sûretés (ci-après : les créanciers garantis) et des créanciers chirographaires. Si les premiers sont souvent les principaux bénéficiaires des procédures judiciaires directes de liquidation, qui, par la réalisation des sûretés, garantissent le paiement rapide et intégral de leurs créances, les créanciers chirographaires peuvent tirer parti d'une procédure judiciaire de redressement qui maximise la valeur des actifs du débiteur et, en conséquence, celle de leurs créances. Quoi qu'il en soit, l'expérience montre qu'en fin de compte, le plus important est de savoir non pas à quel point une législation de l'insolvabilité est perçue comme favorable aux créanciers ou aux débiteurs, mais dans quelle mesure des institutions puissantes permettent d'appliquer effectivement ces règles. En particulier, étant donné la nature complexe et urgente des procédures judiciaires d'insolvabilité, ces règles nécessitent, pour être mises en oeuvre avec succès, des juges et des administrateurs qui soient efficaces, consciencieux et bien formés tant en matière commerciale et financière que dans les questions juridiques propres à ces procédures. Une législation favorable aux débiteurs, appliquée avec efficience et cohérence, inspire davantage confiance aux marchés financiers qu'une législation imprévisible favorable aux créanciers. Le présent rapport n'étant pas exhaustif, certaines questions importantes ne sont pas abordées :
Le présent rapport se compose de six chapitres. Le chapitre 2 examine les caractéristiques et objectifs généraux des procédures d'insolvabilité et, dans ce contexte, identifie les principales caractéristiques des deux grandes catégories de procédures, à savoir les procédures de liquidation et les procédures de redressement. Une description plus détaillée de ces caractéristiques est donnée au chapitre 3 (procédures de liquidation) et au chapitre 4 (procédures de redressement). Le chapitre 5 étudie brièvement les aspects institutionnels des procédures d'insolvabilité, abordant en particulier le rôle important du tribunal et de l'administrateur. Le chapitre 6 passe rapidement en revue les principales questions que soulèvent les cas d'insolvabilité internationale et l'appendice contient une étude préparée par le Secrétariat de la CNUDCI sur la Loi type de la CNUDCI, dont l'objet est de résoudre ces problèmes. 2 Caractéristiques et objectifs généraux des procédures d'insolvabilité Bien que les législations nationales de l'insolvabilité comportent d'importantes différences, il est possible d'identifier deux objectifs généraux que l'on retrouve le plus souvent. Le premier de ces objectifs est une répartition prévisible, équitable et transparente des risques entre les acteurs d'une économie de marché. La réalisation de cet objectif est capitale pour donner confiance dans le système du crédit et stimuler la croissance au profit de tous les acteurs. Par exemple, sous l'angle des relations créancier-débiteur, la faculté qu'a un créancier d'amorcer une procédure judiciaire d'insolvabilité contre un débiteur pour valoriser sa créance réduit le risque de prêt et, en conséquence, accroît l'offre de crédit et, de façon plus générale, l'investissement. La législation de l'insolvabilité doit également prévoir une répartition des risques entre les différents créanciers, ce qui profite aussi aux emprunteurs. Par exemple, tout avantage qu'elle donne aux créanciers garantis sur les chirographaires protège la valeur des sûretés, et revêt ainsi une importance particulière pour les débiteurs qui, autrement, à cause du risque de crédit qu'ils présentent, se verraient refuser des crédits non garantis (ou ne pourraient en payer le prix).
Le second objectif d'une législation de l'insolvabilité est de protéger, voire de maximiser, la valeur de l'entreprise dans l'intérêt de toutes les parties en cause et de l'économie en général. Cet objectif est à l'évidence le premier qui est poursuivi dans le cadre du redressement, la valeur des actifs étant maximisée par la continuation d'une entreprise viable. Mais, c'est aussi un objectif important des procédures utilisées pour liquider les entreprises qui ne peuvent se redresser. La recherche d'une répartition équitable des risques aide souvent à maximiser la valeur des actifs. Par exemple, l'annulation des opérations frauduleuses effectuées avant les procédures judiciaires d'insolvabilité garantit aux créanciers un traitement équitable et accroît parallèlement la valeur des actifs du débiteur. Toutefois, la poursuite de cet objectif peut créer un conflit avec l'objectif précédent : l'annulation étendue aux opérations non frauduleuses risque de nuire à la prévisibilité. De même, au cours des procédures judiciaires d'insolvabilité, de nombreux pays confèrent au liquidateur ou à l'administrateur (selon la procédure) le pouvoir de modifier les contrats précédemment conclus par le débiteur. Si l'exercice de ce pouvoir maximise fortement la valeur des actifs du débiteur, il nuit à la prévisibilité des relations contractuelles, qui joue un rôle crucial dans les décisions d'investissement. Certains des principaux choix à faire lorsqu'est conçue une législation de l'insolvabilité portent sur l'équilibre à trouver entre les objectifs susmentionnés. En outre, il faut déterminer quels seront les bénéficiaires des actifs (dont la valeur a été maximisée) : si certains pays voient dans les procédures de redressement un moyen de valoriser les créances par l'accroissement de la valeur d'exploitation de l'entreprise, d'autres les considèrent comme un moyen de donner une «seconde chance» aux actionnaires et à la direction de l'entreprise débitrice. D'autres encore font des salariés les premiers bénéficiaires de la continuation de l'entreprise. La protection des salariés soulève la question plus générale des dérogations à la législation de l'insolvabilité afin d'atteindre certains objectifs d'intérêt général. Par exemple, pour limiter le chômage ou sauver des entreprises stratégiques sur le plan national, les gouvernements peuvent préférer s'attaquer aux problèmes d'une société en difficulté en prenant diverses mesures1 qui requièrent l'emploi massif de fonds publics et donnent aux bénéficiaires de ces mesures un net avantage par rapport à leurs concurrents moins favorisés. Lorsqu'il s'agit de concilier ces divers objectifs, il faut éviter de tomber dans les stéréotypes faciles. Les débiteurs ne sont pas toujours incompétents, ni animés par un esprit de fraude, et les créanciers cupides et égoïstes. Comme le montre l'expérience récente, la défaillance d'une société peut s'expliquer par des raisons d'incompétence, mais aussi par des difficultés économiques sur lesquelles elle est sans pouvoir. Pour les responsables de la politique économique, une bonne législation de l'insolvabilité peut à l'évidence, étant donné les objectifs susmentionnés, jouer un rôle crucial dans un certain nombre de domaines. En général, la discipline qu'elle impose aux débiteurs accroît la compétitivité du secteur des entreprises et facilite le crédit. Plus précisément, dans la mesure où l'entreprise appartient à l'État, l'assujettir au droit commun de l'insolvabilité indique clairement que les aides financières publiques seront limitées. À cet égard, les dispositions de la législation relatives au redressement peuvent effectivement donner l'assurance que les créanciers contribueront à la résolution des problèmes financiers des entreprises d'État, limitant ainsi le coût du redressement pour le contribuable. En ce qui concerne le secteur financier, une législation efficace de l'insolvabilité permet aux institutions financières de freiner la dépréciation de leurs actifs en leur donnant un moyen de recouvrer leurs créances. Dans ce contexte, elle peut aussi faciliter le développement des marchés des capitaux. Par exemple, si une législation de l'insolvabilité est appliquée de manière assez prévisible, il peut se développer un second marché des titres de créance qui, entre autres, permet aux institutions financières de transférer leurs prêts à d'autres entités spécialisées dans le processus de restructuration. Enfin, dans le contexte d'une crise financière qui touche tout le secteur des entreprises, une législation efficace de l'insolvabilité peut être un bon moyen de faire participer les créanciers privés à la résolution de la crise. Par exemple, les procédures de redressement permettent d'imposer un accord de restructuration approuvé par les tribunaux malgré les objections de certains créanciers, solution qui non seulement réduit le coût de la crise pour le contribuable, ainsi que les besoins de financement extérieur, mais aussi renforce la stabilité du système financier international en obligeant les créanciers à supporter le coût des risques qu'ils prennent. Caractéristiques générales Lorsqu'ils conçoivent leur législation de l'insolvabilité, les pays doivent s'attaquer à un ensemble de questions analogues, auxquelles ils répondent le plus souvent en mettant en place des procédures de liquidation ou des procédures de redressement. Questions communes Les procédures d'insolvabilité comportent en général deux éléments : un cadre juridique qui énonce les droits et obligations des acteurs sur le double plan du fond et de la procédure et un cadre institutionnel qui permet de faire valoir ces droits et d'exécuter ces obligations. L'une des principales questions qui se posent alors est le pouvoir d'appréciation qui est laissé à ceux qui appliquent la législation au sein de cette infrastructure. Cadre juridique Dans la législation de l'insolvabilité, les pays doivent trancher un certain nombre de questions de fond, dont les plus importantes sont les suivantes :
Une question générale doit être abordée à côté de ces questions spécifiques : la législation de l'insolvabilité déroge-t-elle à d'autres règles de fond? Par exemple, à la législation du travail qui accorde aux salariés une protection spéciale? Dans le cas de l'approbation d'un plan qui envisage des conversions de créances en actions ou la cession de l'entreprise à un repreneur, déroge-t-elle aux dispositions de la loi sur les sociétés qui exigent l'approbation des actionnaires? Nonobstant la diversité des questions de fond à résoudre, la législation de l'insolvabilité est d'une nature éminemment procédurale. La façon dont les règles de procédure sont conçues joue un rôle crucial dans la répartition des risques entre les divers acteurs de la procédure judiciaire. La question de procédure la plus importante est peut-être de savoir qui prend les décisions. Par exemple, dans le cas de la procédure judiciaire de liquidation, dans quelles circonstances les créanciers peuvent-ils se substituer au liquidateur? Dans celui des procédures de redressement, qui des créanciers, de l'administrateur ou du juge détermine si le redressement est potentiellement réaliste? Le tribunal peut-il rejeter un plan de redressement approuvé par les créanciers? Inversement, peut-il imposer un plan rejeté par des créanciers à la majorité requise? Dans la mesure où la législation confère de vastes pouvoirs à l'infrastructure institutionnelle pour prendre les décisions importantes, il est crucial que cette infrastructure soit suffisamment développée (voir infra). Cadre institutionnel La législation de l'insolvabilité doit prévoir un cadre institutionnel pour sa mise en application. Puisqu'il incombe au système judiciaire de régler les litiges, les procédures judiciaires d'insolvabilité doivent être menées sous l'autorité d'un tribunal dont les juges devront, au minimum, trancher des questions de fait entre les parties et, le cas échéant, interpréter la loi. Le système judiciaire ne peut remplir cette fonction que si les juges sont indépendants et satisfont à des critères déontologiques et professionnels particulièrement élevés. En outre, les tribunaux doivent nommer des auxiliaires qualifiés (liquidateur ou administrateur) pour s'occuper des principales questions d'administration (inventaire, récolement et évaluation des éléments d'actif et de passif, gestion de l'entreprise, etc.). Pour que la législation soit appliquée avec succès, il est essentiel de disposer d'un certain nombre de professionnels rompus à ces questions et ayant une expérience suffisante dans le domaine commercial. En particulier, il faut mettre en place des mesures de protection pour éviter tout conflit d'intérêts entre le liquidateur ou l'administrateur et les parties à la procédure judiciaire. Pour accomplir leur mission, les tribunaux et le liquidateur ou l'administrateur doivent aussi recourir à des experts (comptables, commissaires-priseurs). Ils doivent avoir accès à toutes les informations pertinentes, les livres du débiteur notamment. Afin de leur permettre d'exécuter correctement leurs fonctions, la législation doit imposer aux débiteurs qui se livrent à des activités commerciales indépendantes la tenue de livres et l'observation de normes comptables. Bien qu'il ne soit pas nécessaire que ces dispositions figurent dans la loi elle-même, elles sont indispensables pour son application. Pouvoir d'appréciation Quel pouvoir d'appréciation la législation confère-t-elle aux juges et aux liquidateurs ou administrateurs dans l'exercice de leurs fonctions? Des règles impératives, formulées avec précision, permettent aux parties de savoir à quoi s'en tenir sur le plan juridique et d'éviter les litiges; elles facilitent le déroulement des procédures judiciaires et en réduisent le coût. En outre, des règles et critères spécifiques assurent la prévisibilité, l'un des objectifs généraux de la législation de l'insolvabilité. La plupart des lois donnent toutefois aux tribunaux ou aux liquidateurs ou administrateurs un certain pouvoir d'appréciation pour résoudre les litiges au cours des procédures judiciaires, car il n'est pas possible de prévoir et de réglementer toutes les situations possibles. Cependant, jusqu'à quel point les tribunaux ou les liquidateurs ou administrateurs sont-ils habilités à statuer en matière économique ou commerciale, face parfois aux objections des créanciers? Lorsqu'un tribunal est investi d'une telle compétence, il n'est plus uniquement chargé d'assurer la légalité des procédures judiciaires, mais y participe activement, avec le pouvoir de statuer en opportunité, par exemple sur la continuation de l'entreprise. La nécessité d'une infrastructure institutionnelle appropriée est d'autant plus grande que le pouvoir d'appréciation conféré par la loi aux tribunaux et aux administrateurs ou liquidateurs est important. Les pays qui donnent à leurs juges un rôle aussi crucial dans le processus de prise de décision estiment souvent indispensable de créer un système judiciaire spécialisé (tribunal de commerce ou tribunal de la faillite). Les membres du tribunal peuvent être des juges professionnels, dotés de préférence d'une formation et d'une expérience spéciales, ou être élus par les milieux d'affaires. S'ils n'ont pas de juges disposant d'une telle expérience, les pays préfèrent souvent alors compter, pour prendre les décisions qui s'imposent, sur un liquidateur ou un administrateur qualifié ou les créanciers eux-mêmes. Liquidation ou redressement Lorsqu'un débiteur ne peut remplir ses obligations à l'échéance, il existe en général un certain nombre de créances concurrentes sur ses actifs (service des emprunts non assuré, factures, loyers, impôts ou salaires non payés). Pour régler ces créances, il peut être nécessaire de liquider tous ses actifs et d'en distribuer le produit. Les créanciers risquent alors de ne recevoir qu'une fraction de la valeur nominale de leurs créances. Parfois cependant, la liquidation totale des actifs du débiteur n'est pas la meilleure solution ni pour le débiteur, ni pour les créanciers, car la restructuration des opérations ou du bilan du débiteur permet éventuellement aux créanciers d'être remboursés intégralement ou, tout au moins, de recevoir plus que par voie de liquidation. Bien que les législations nationales de l'insolvabilité comportent un certain nombre de différences, elles s'attaquent presque toutes aux problèmes exposés précédemment en prévoyant des procédures de liquidation et des procédures de redressement. Procédures de liquidation On peut envisager l'utilité des procédures de liquidation sous différents points de vue. Selon l'un deux, ces procédures permettent de s'attaquer aux problèmes qui se posent entre créanciers. Plus précisément, lorsque les actifs d'un débiteur insolvable sont insuffisants pour répondre à ses engagements, la meilleure stratégie pour chaque créancier est de procéder au plus vite à la saisie de ces actifs avant les autres créanciers («Paiement est le prix de la course»). Il est possible à cet égard d'évoquer le «dilemme du prisonnier» : si chaque créancier a un comportement individuel qui semble rationnel, une telle «foire d'empoigne» ne sert pas en fait les intérêts collectifs des créanciers, car non seulement les voies d'exécution sont coûteuses, mais un tel démembrement désordonné de l'entreprise est à l'origine d'une moins-value pour l'ensemble des créanciers. Les problèmes qui se posent entre créanciers se résolvent de manière ordonnée et efficace par le recours à une procédure judiciaire collective visant à assurer un traitement équitable des créanciers et à maximiser les actifs à distribuer. Ce résultat est normalement atteint en suspendant l'exercice par les créanciers de leurs droits contre le débiteur et en nommant un liquidateur indépendant dont la mission principale est de maximiser la valeur des actifs du débiteur avant leur distribution aux créanciers. D'un point de vue plus large, de telles procédures de liquidation sont un moyen important d'assurer la discipline qui est essentielle pour l'établissement de relations durables entre les créanciers et le débiteur (voir supra). Par exemple, en offrant aux créanciers un mécanisme ordonné et assez prévisible pour faire valoir leurs droits, elles contribuent nettement à les rassurer lorsqu'ils prennent leurs décisions de prêt. De cette façon, on peut considérer qu'elles favorisent les intérêts de tous les acteurs économiques, puisqu'elles facilitent le crédit et le développement des marchés financiers. Procédures de redressement À la différence des procédures de liquidation, les procédures de redressement sont conçues afin de donner aux entreprises un répit suffisant pour surmonter des difficultés temporaires de liquidité ou un surendettement plus permanent et, si nécessaire, l'occasion de restructurer leurs opérations et leurs relations avec les créanciers. Lorsque le redressement est possible, les créanciers préfèrent cette solution (voir supra) si la continuation de l'entreprise permet d'en augmenter la valeur, et ainsi celle de leurs créances. Les avantages du redressement sont largement reconnus, mais la contribution des procédures de redressement judiciaire à la réalisation de ces objectifs varie considérablement selon les pays. Il est en général admis qu'à maints égards, la simple existence d'une procédure de liquidation judiciaire facilite la restructuration des entreprises, puisqu'elle crée les incitations voulues pour une restructuration extrajudiciaire. Même dans les économies dotées d'excellentes procédures de redressement, la plupart des redressements s'opèrent «dans l'ombre» des procédures judiciaires d'insolvabilité. En outre, une procédure de liquidation peut, une fois amorcée, servir de base à une restructuration si elle permet de céder l'entreprise à un repreneur. Malgré ces considérations, il existe un certain nombre de raisons pour lesquelles une procédure de redressement judiciaire peut offrir un mécanisme qui sert les intérêts de tous les acteurs économiques. Premièrement, le redressement extrajudiciaire exige l'unanimité des créanciers. Du fait du développement des marchés des capitaux, ainsi que du nombre plus élevé et de la diversité plus grande des créanciers qui en résultent, tant le débiteur que les créanciers favorables à une restructuration peuvent avoir besoin d'invoquer les dispositions du redressement judiciaire qui, dans un certain nombre de pays, permettent au débiteur et à la majorité des créanciers d'imposer un plan à la minorité dissidente. En réalité, cette caractéristique de la procédure judiciaire favorise une restructuration extrajudiciaire dans la mesure où elle réduit l'influence des créanciers «irréductibles» pendant les négociations. Deuxièmement, dans l'économie moderne, la liquidation des actifs d'une entreprise n'est plus le meilleur moyen de maximiser sa valeur. Lorsque cette valeur repose de plus en plus sur le savoir-faire technique et la clientèle, et non sur des actifs physiques, la préservation des ressources humaines et des relations commerciales de l'entreprise peut être cruciale pour les créanciers qui souhaitent maximiser la valeur de leurs créances. Troisièmement, les procédures de redressement peuvent être considérées comme économiquement bénéfiques à long terme, car elles encouragent les débiteurs à se restructurer avant que leurs difficultés financières soient trop graves. En outre, certains pays considèrent que ces procédures ont un intérêt sociétal plus large en donnant aux débiteurs une seconde chance et, par là même, en encourageant le développement du secteur privé et d'une classe d'entrepreneurs. Enfin, et peut-être surtout, l'efficience économique n'est pas la seule considération lorsqu'on conçoit une législation de l'insolvabilité (ou d'ailleurs la plupart des autres lois économiques). Sur le double plan social et politique, l'existence de dispositions sur le redressement judiciaire permet de réaliser certains objectifs (en particulier, la protection accordée aux salariés des entreprises en crise). Ces différentes considérations expliquent pourquoi la législation du redressement varie d'un pays à l'autre. Lorsque les pays évaluent et réforment leur législation de l'insolvabilité, la principale question qui se pose est souvent de savoir comment concilier judicieusement les divers intérêts sociaux, politiques et économiques de manière à encourager tous les acteurs économiques à participer au système. Bien qu'il soit généralement admis que des procédures de redressement sont nécessaires, les statistiques montrent que, du moins dans un certain nombre de pays, jusqu'à 90 % des procédures judiciaires d'insolvabilité se terminent par une liquidation. Cependant, les statistiques risquent d'induire en erreur. Souvent, elles ne saisissent pas le fait que ce sont les grandes sociétés (qui ont davantage d'impact sur l'économie) qui ont le plus de chances de se redresser. En outre, l'échec du redressement est fréquemment imputable à des défaillances de conception ou d'application de la procédure utilisée et la conversion d'un processus de redressement en un processus de liquidation indique peut-être qu'une entreprise qui ne pouvait nullement être redressée avait utilisé la procédure de redressement uniquement pour bloquer une liquidation. Procédures antérieures à l'insolvabilité Certains pays ont mis au point ce que l'on peut appeler des procédures antérieures à l'insolvabilité, qui sont en fait un mélange de procédures extrajudiciaires et judiciaires de redressement. Par exemple, aux États-Unis, les tribunaux sont autorisés à approuver les plans de réorganisation visés au chapitre 11 (consacré au redressement) de la législation de l'insolvabilité, même si le soutien requis des créanciers est obtenu par un vote qui a lieu avant l'ouverture de la procédure judiciaire de redressement. Une telle réglementation de la faillite dite «préemballée» est conçue pour réduire au minimum le coût et la durée du redressement judiciaire tout en donnant la possibilité d'approuver un plan de redressement qui n'a pas l'assentiment unanime des créanciers. En droit français, pour faciliter la conclusion d'un règlement amiable avec ses créanciers, le débiteur peut demander au président du tribunal de nommer un conciliateur. Ce conciliateur ne dispose d'aucun pouvoir particulier, mais peut faire requête au juge de suspendre les poursuites de tous les créanciers antérieurs si, à son avis, une telle mesure facilite la conclusion d'un accord de règlement. Pendant la période couverte par la suspension, le débiteur ne peut faire aucun paiement relatif aux créances antérieures (exception faite des salaires), ni aucun acte de disposition étranger à la gestion normale de l'entreprise. La procédure se termine lorsqu'un accord est conclu soit avec tous les créanciers, soit, sous réserve de l'approbation du juge, avec les principaux d'entre eux; dans ce dernier cas, le juge peut maintenir la suspension pour tous les créanciers non participants en accordant au débiteur une période de grâce qui peut aller jusqu'à deux ans. Une autre méthode, dite «de Londres», repose sur des directives non contraignantes que la Banque d'Angleterre a adoptées à l'intention des banques commerciales. Les banques sont instamment invitées à soutenir leurs débiteurs qui éprouvent des difficultés financières; les décisions au sujet de l'avenir à plus long terme des débiteurs ne doivent être prises que sur la base d'informations complètes et détaillées que se partagent toutes les banques et les autres parties aux opérations de restructuration. Des moratoires et accords de cession de rang facilitent l'obtention de moyens temporaires de trésorerie et les banques et les autres créanciers cherchent à s'entendre sur la nécessité ou non de donner à la société un ballon d'oxygène et, dans l'affirmative, à quelles conditions. S'inspirant du succès de la précédente méthode, un certain nombre de pays récemment frappés par les crises financières internationales ont mis en place des directives ou des principes non contraignants visant à encourager les entreprises à négocier une restructuration extrajudiciaire avec leurs créanciers intérieurs et extérieurs (voir, à titre d'exemple, l'Initiative de Djakarta). Ces directives établissent un cadre collectif de négociation et prévoient l'octroi par les créanciers de moyens temporaires de trésorerie aux entreprises et la communication par celles-ci d'informations permettant aux créanciers d'évaluer efficacement leurs projets de restructuration. Le gouvernement joue en général un rôle important mais limité qui consiste à faciliter les négociations. Bien que cette solution soit conçue pour réduire au minimum le recours à la législation de l'insolvabilité, l'application effective de cette législation est indispensable au succès de ces procédures informelles puisqu'elle fournit l'incitation nécessaire à des négociations sérieuses. Relations entre les procédures de liquidation et les procédures de redressement Bien que les procédures de liquidation et les procédures de redressement soient souvent considérées comme étant assez distinctes, il existe en fait entre elles nombre de relations et de points communs, aussi bien sous l'angle procédural qu'en ce qui concerne les questions de fond. Étant donné que les objectifs de ces procédures ne sont pas les mêmes, la procédure à utiliser doit, du moins en théorie, être choisie selon qu'il a été décidé que l'entreprise est viable ou non. En pratique toutefois, à l'ouverture de la procédure, il est souvent impossible de dire si l'entreprise débitrice doit être liquidée ou redressée. En conséquence, dans de nombreux pays, la partie qui entame la procédure a le choix entre la liquidation et le redressement. Cependant, lorsqu'un créancier entame une procédure de liquidation judiciaire, la loi prévoit souvent la possibilité de la convertir en procédure de redressement judiciaire. Inversement, lorsqu'un débiteur cherche à se protéger en ouvrant une procédure de redressement judiciaire, la loi permet fréquemment de la convertir en procédure de liquidation judiciaire s'il est constaté que le redressement a peu de chances d'aboutir (l'une des questions capitales est de savoir qui prend cette décision, voir supra). En général, bien qu'elles soient présentées comme les deux branches d'une alternative, ces procédures sont normalement utilisées l'une à la suite de l'autre; en d'autres termes, une procédure de liquidation ne sera menée à son terme que si les efforts de redressement (formels ou informels) ne sont pas couronnés de succès. En ce qui concerne les questions de fond que ces procédures doivent régler, il existe là aussi un chevauchement considérable. Cela est dû (au moins en partie) au fait que la distinction entre «liquidation» et «redressement» est quelque peu floue. Comment classer la cession de l'entreprise à un repreneur? Certains peuvent la considérer comme une opération de redressement, car l'exploitation de l'entreprise est poursuivie et l'emploi préservé. D'autres peuvent y voir une liquidation des actifs du débiteur, la société propriétaire de l'entreprise étant liquidée et l'entreprise (en tant qu'unité économique) ayant désormais de nouveaux propriétaires. Si la cession de l'entreprise à un repreneur est considérée comme l'issue possible d'une procédure judiciaire de liquidation (c'est la solution la plus fréquente), la poursuite de l'exploitation de l'entreprise joue alors un rôle tout aussi crucial que dans les procédures de redressement, de sorte que des mesures de protection analogues en ce qui concerne la suspension des poursuites des créanciers et le sort des contrats en cours peuvent être nécessaires. Plusieurs pays tiennent compte de ses liens entre liquidation et redressement dans la conception de leur législation. Dans certains d'entre eux, par exemple, une procédure de liquidation ne peut normalement être engagée que si toutes les tentatives de redressement ont échoué. La loi présume en effet que les sociétés doivent être redressées. La phase de redressement n'est écartée que lorsqu'il n'y a à l'évidence aucun espoir pour l'entreprise (par exemple, elle a déjà cessé ses activités). Suivant une approche différente, certains pays qui ont récemment révisé leur législation de la faillite ont remplacé les procédures judiciaires distinctes et autonomes par une procédure judiciaire «unitaire». En Allemagne par exemple, tous les cas d'insolvabilité sont régis dans un premier temps par les mêmes règles et, pendant une période initiale de trois mois maximum, on ne présume nullement que l'entreprise sera redressée ou liquidée. La séparation entre procédures de liquidation et de redressement ne s'opère qu'une fois décidé si le redressement est en fait possible ou non. La simplicité de cette solution sur le plan procédural peut présenter des avantages, notamment lorsque les capacités de l'infrastructure institutionnelle sont limitées. Cependant, cette tendance vers une procédure judiciaire «unitaire» est récente et ne transparaît pas encore dans la législation de l'insolvabilité de maints pays. Pour cette raison, le présent rapport est basé sur le modèle de la double procédure qui reste prépondérant, et identifie les liens et les différences entre ces deux procédures judiciaires à mesure qu'elles apparaissent. 3 Procédures de liquidationLes procédures de liquidation sont utilisées d'ordinaire lorsque, sur le plan économique, le redressement n'a aucune chance raisonnable d'aboutir. Bien qu'elles soient pour cette raison considérées comme le second des deux volets des procédures judiciaires d'insolvabilité, elles sont abordées en premier lieu dans la présente étude, car elles sont les plus utilisées et on estime en général qu'elles constituent le «pivot» autour duquel s'articulent les procédures de redressement. Si de nombreuses sociétés parviennent à rétablir leur situation, elles le font normalement en dehors des tribunaux et négocient en réalité «à l'ombre» de la liquidation pour faciliter leur redressement. En s'inspirant des objectifs généraux de la législation de l'insolvabilité exposés au chapitre précédent, il est possible de décrire les objectifs les plus importants que doivent chercher à atteindre des procédures de liquidation ordonnées et efficaces comme suit : 1) L'un des principaux objectifs est de maximiser la valeur des actifs qui sont le gage commun des créanciers (ci-après : la masse). Nombre des mesures caractéristiques du système d'insolvabilité sont conçues à cet effet. Ces mesures sont notamment : la suspension des poursuites des créanciers, afin d'empêcher un démembrement prématuré de l'entreprise; la nomination d'un liquidateur indépendant doté de vastes pouvoirs; lorsque la continuation temporaire de l'entreprise par le liquidateur est jugée nécessaire, la création d'incitations à l'ouverture de crédits, par l'octroi d'un privilège aux créances postérieures à la requête introductive; et un dispositif de «période suspecte» permettant de récupérer les actifs aliénés par le débiteur au détriment des créanciers. 2) Un deuxième objectif est de traiter équitablement les créanciers se trouvant dans une situation analogue. L'insolvabilité crée une procédure collective qui ne sera efficace que si les acteurs la jugent équitable, ce qui peut être atteint en introduisant un certain nombre d'éléments comme les dispositions relatives à la période suspecte et la suspension générale des poursuites des créanciers. 3) Un dernier objectif -- beaucoup plus vaste que les autres -- est de prévoir un mécanisme qui facilite la prise des décisions d'investissement. Tout mécanisme qui permet aux créanciers de faire valoir leurs droits contre le débiteur les aide à prendre ces décisions. Les critères d'ouverture de la procédure judiciaire sont pour cette raison cruciaux. En outre, si l'ordre de distribution après liquidation respecte le rang des créances tel qu'établi par voie contractuelle, les créanciers ont bon espoir de pouvoir gérer, du moins dans une certaine mesure, les risques auxquels ils s'exposent en prenant leurs décisions d'investissement. S'ils ont normalement des effets de synergie, les objectifs susmentionnés peuvent aussi parfois s'opposer les uns aux autres. C'est d'ailleurs l'une des difficultés rencontrées dans l'élaboration de procédures de liquidation ordonnées et efficaces que de concilier judicieusement ces objectifs concurrents. Par exemple, les larges pouvoirs conférés au liquidateur pour annuler les conventions antérieures ou modifier les conditions des contrats en cours risquent de nuire à la prévisibilité des relations contractuelles, paramètre qui joue un rôle crucial dans la prise des décisions d'investissement. Conditions d'ouverture Conditions concernant les débiteurs Déterminer les entités qui peuvent être assujetties en qualité de débitrices au droit commun de l'insolvabilité d'un pays est une question préalable importante qui a des conséquences majeures sur l'économie de ce pays. Par exemple, les entités exclues du domaine de la loi ne sont pas soumises à la discipline qu'impose un régime de l'insolvabilité efficace, ni ne peuvent tirer parti de la protection qu'il accorde. Si d'importantes considérations peuvent amener les pays à établir des procédures spéciales d'insolvabilité à l'intention des personnes physiques ou de certaines entités réglementées, l'exclusion d'une entreprise de toute forme de régime de l'insolvabilité doit être évitée. Personnes physiques/morales La législation de l'insolvabilité doit en général définir les entités auxquelles elle s'applique. Elle peut décider de traiter différemment les personnes physiques et les personnes morales, soit dans des lois distinctes, soit dans des chapitres différents au sein de la même loi. Ce double régime peut s'expliquer par un certain nombre de raisons, y compris des considérations d'intérêt général se rattachant à la protection des consommateurs. Comme le présent rapport se préoccupe essentiellement de la façon dont la législation de l'insolvabilité traite ceux des acteurs qui influent le plus sur l'économie du pays, il ne prend pas parti sur l'opportunité ou le contenu d'un régime propre aux personnes physiques. Organismes publics Il est universellement admis que les nations souveraines ne sont assujetties à aucune législation de l'insolvabilité, qu'elle soit nationale ou internationale. Les législations de l'insolvabilité peuvent exclure totalement de leur champ d'application les collectivités territoriales, comme les municipalités, ou les faire bénéficier d'un régime spécial2. Si le régime prévu pour les établissements publics peut également varier, aucune raison ne semble justifier que les entreprises d'État opérant sur le marché en tant qu'entités distinctes bénéficient d'un statut exorbitant du droit commun de l'insolvabilité, à moins que l'État ne garantisse explicitement l'ensemble de leurs engagements. Comme on l'a déjà vu au chapitre 2, l'assujettissement des entreprises publiques à la législation de l'insolvabilité présente l'avantage de les soumettre à la discipline du marché et d'indiquer clairement qu'elles ne recevront pas d'aides financières publiques illimitées. Institutions financières et autres entités réglementées La législation de l'insolvabilité peut exclure de son champ d'application les banques et les compagnies d'assurances au motif qu'elles doivent bénéficier d'un régime spécial en raison du rôle unique qu'elles jouent dans l'économie et, en particulier, dans le système des paiements. La question de savoir si les institutions financières doivent être assujetties à un régime spécial d'insolvabilité et, dans l'affirmative, comment ce régime doit être conçu, revêt une importance cruciale pour le FMI étant donné son rôle dans ce domaine. Aussi fait-elle l'objet d'une étude distincte (voir chapitre 1). Un pays peut également souhaiter établir des régimes spéciaux pour les autres entités fortement réglementées, comme les sociétés de services publics, ou conférer à l'organisme de tutelle compétent un rôle spécial dans le cadre du droit commun de l'insolvabilité. Débiteurs étrangers La nationalité des propriétaires de
l'entreprise débitrice ne devrait pas être retenue comme critère pour
déterminer la juridiction compétente en matière de procédures
judiciaires d'insolvabilité. Cependant, les cas d'insolvabilité internationale
soulèvent sur le plan juridictionnel un certain nombre de questions complexes qui ne
peuvent être résolues que par voie de coopération internationale. (Voir
l'appendice, qui décrit la Loi type de la CNUDCI sur l'insolvabilité
internationale.)
Critères d'ouverture Bien qu'en général, les législations de l'insolvabilité prévoient que les procédures judiciaires de liquidation sont engagées soit par un créancier, soit par le débiteur, les critères spécifiques retenus à cet égard diffèrent. En outre, un certain nombre de législations énoncent des critères de remplacement. Néanmoins, l'un des critères les plus utilisés -- et qui s'inscrit dans la logique des objectifs généraux de l'insolvabilité -- est de permettre d'ouvrir la procédure lorsque le débiteur a cessé en général d'honorer ses obligations à l'échéance. La façon dont ce critère est utilisé varie selon les pays. Dans certains pays, ce critère permet de lancer soit une procédure de liquidation, soit une procédure de redressement, et, lorsque la première est choisie, elle peut ultérieurement être convertie en procédure de redressement. Dans d'autres, seule une procédure de redressement peut être ouverte sur la base de ce critère et elle ne peut ultérieurement être convertie en procédure de liquidation que si l'impossibilité de redresser l'entreprise a été établie. Une troisième approche enfin consiste à utiliser ce critère pour ouvrir une procédure unitaire, le choix entre liquidation et redressement n'étant opéré qu'ultérieurement3. Étant donné que les objectifs des deux procédures judiciaires sont différents, il est nécessaire d'expliquer pourquoi un certain nombre de pays utilisent le même critère pour les ouvrir. Par exemple, si l'on peut considérer que ce critère, qui établit l'illiquidité, convient bien pour engager une procédure de redressement, il peut paraître plus logique d'assujettir l'ouverture d'une procédure de liquidation à la démonstration d'une situation financière encore plus grave, comme l'insolvabilité. Si ce dernier critère était utilisé exclusivement et appliqué strictement, l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire ne se ferait normalement, du moins dans la plupart des cas, qu'à un stade ultérieur, c'est-à-dire lorsque le bilan de l'entreprise fait apparaître que la valeur du passif dépasse celle de l'actif4. L'une des principales raisons pour lesquelles les pays permettent souvent d'ouvrir une procédure de liquidation judiciaire sur la base d'une «cessation générale des paiements» tient aux objectifs de cette procédure. Dans la mesure où celle-ci est conçue pour éviter que les différents créanciers se livrent à une «foire d'empoigne» et provoquent ainsi le démantèlement du débiteur au détriment de leurs intérêts collectifs, attendre que le débiteur soit insolvable ne fait souvent qu'interrompre une foire d'empoigne déjà bien engagée. En outre, il est en général difficile pour les créanciers de prouver l'insolvabilité sur la base du bilan puisqu'ils manquent d'informations privilégiées. En revanche, le critère de cessation générale des paiements permet de déclencher la procédure judiciaire suffisamment tôt durant la crise financière du débiteur pour que cette foire d'empoigne n'ait pas lieu. Le problème manifeste que soulève cette approche -- la procédure est ouverte alors que l'entreprise est encore viable malgré ses difficultés financières -- peut être résolu en conférant au débiteur la possibilité de transformer la procédure de liquidation en procédure de redressement. Une autre solution à ce problème (voir supra) est de permettre aux créanciers d'invoquer la cessation générale des paiements, mais seulement pour engager une procédure de redressement ou une procédure «unitaire», en prévoyant la possibilité d'une conversion ultérieure en procédure de liquidation. Bien que le critère de «cessation générale des paiements» puisse en théorie s'appliquer aux procédures judiciaires engagées par un créancier ou le débiteur, les questions que soulèvent ces deux cas de figure sont différentes. Elles sont examinées ci-après, ainsi que celles qui résultent de l'ouverture de la procédure par l'État. Requêtes des créanciers Lorsqu'un créancier assigne en liquidation judiciaire, comment prouve-t-il que le débiteur a en général cessé ses paiements? Comme on l'a déjà indiqué, les législations de l'insolvabilité sont conçues pour être utilisées lorsqu'un débiteur se trouve dans l'incapacité d'assurer en général ses paiements. Le recours à d'autres lois (celles sur les saisies immobilières par exemple) n'a normalement lieu que lorsque, pour un même débiteur, les impayés ne représentent qu'une faible partie des dettes échues. Or, si le créancier est en mesure de prouver le non-paiement de sa créance par le débiteur, il n'a pas le plus souvent la preuve que la cessation des paiements est en fait de nature générale. Il est donc important que la charge de la preuve imposée par la loi aux créanciers ne soit pas anormalement lourde. Les législations ne résolvent pas toutes de la même façon ce problème. Parfois, elles exigent que la demande d'ouverture de la procédure soit présentée par un certain nombre de créanciers. Dans d'autres cas, dès qu'une demande est formulée par un seul créancier, le tribunal impose au débiteur de donner les renseignements nécessaires pour établir si le non-paiement découle d'un litige avec ce créancier ou fait partie d'un comportement plus général imputable à un manque d'actifs liquides. Quelle que soit l'approche suivie, la plupart des pays présument qu'une entreprise est généralement incapable de payer ses dettes si, en fait, elle a cessé généralement d'effectuer ses paiements à l'échéance. L'imposition d'autres contraintes aux créanciers qui souhaitent entamer une procédure de liquidation judiciaire doit normalement être découragée. En particulier, la loi ne doit pas empêcher les créanciers étrangers (c'est-à-dire les non-résidents ou les créanciers sous contrôle de non-résidents) d'ouvrir une telle procédure ni limiter leur droit de le faire. Étant donné le rôle important que les régimes de l'insolvabilité jouent dans le développement des relations commerciales et financières, une telle condition compromettrait gravement la capacité des pays d'attirer l'investissement étranger ou d'accéder aux marchés internationaux des capitaux. Requête du débiteur D'un point de vue technique, le critère de recevabilité applicable à la requête introductive du créancier s'applique souvent aussi à celle du débiteur. En pratique toutefois, puisque le débiteur n'entame normalement une telle procédure qu'en dernier recours, la loi présume le plus souvent qu'il a alors atteint un stade où il est incapable de payer ses dettes. Ainsi, bien que dans la plupart des pays, la législation puisse, en théorie, assujettir la requête du débiteur au même critère que celle des créanciers, le respect de ce critère ne fait pas en pratique l'objet d'un examen minutieux dans le cas d'une requête présentée par le débiteur. Parfois, le critère ne s'applique même pas. La question la plus difficile que soulève la requête du débiteur est de savoir si la législation de l'insolvabilité doit imposer au débiteur l'obligation de la présenter à un certain stade de ses difficultés financières. Ce résultat peut être atteint par des dispositions législatives déclarant les dirigeants responsables pour «commerce en état d'insolvabilité». L'avantage de cette solution est de forcer les débiteurs à entamer rapidement une procédure judiciaire soit de liquidation, soit de redressement, ce qui accroît les chances de redressement ou, au minimum, protège les intérêts des créanciers en empêchant toute nouvelle dissipation des actifs de l'entreprise. Cependant, ces règles risquent de décourager les dirigeants de négocier un accord de restructuration extrajudiciaire, par crainte que leur responsabilité personnelle ne se trouve engagée à la suite de tout retard dans l'ouverture de la procédure. Les pays qui écartent le recours à des sanctions pour obliger les débiteurs à engager rapidement la procédure judiciaire peuvent juger nécessaire de les encourager à engager une telle démarche par des mesures incitatives. On verra au chapitre suivant comment des incitations efficaces peuvent être insérées dans la procédure de redressement. Saisine du tribunal par les pouvoirs publics Les branches d'activité réglementées comme les institutions financières peuvent bénéficier de régimes spéciaux de l'insolvabilité (voir la précédente section) dans le cadre desquels la loi peut conférer à l'organe public de tutelle compétent le pouvoir exclusif d'engager des procédures judiciaires d'insolvabilité contre le débiteur. En outre, le droit commun de l'insolvabilité peut donner à un organisme public (normalement le ministère public ou l'équivalent) le pouvoir non exclusif d'engager une procédure de liquidation contre toute entreprise si elle cesse ses paiements ou, de manière plus large dans certains pays, si cette procédure est considérée comme étant dans l'intérêt général. Dans ce dernier cas, la preuve de l'illiquidité n'est pas exigée, ce qui permet à l'État de mettre fin aux opérations d'entreprises par ailleurs saines qui se sont livrées à des activités d'une nature par exemple frauduleuse ou criminelle. Si l'exercice d'un tel pouvoir de police peut se justifier dans certains cas, il convient normalement de s'employer à éviter tout abus et à veiller à ce que ces pouvoirs soient exercés conformément à des directives claires. Décision du tribunal Il incombe normalement au tribunal compétent de déterminer si les conditions d'ouverture de la procédure judiciaire sont remplies. Il faut que sa décision soit publiée ou que le public puisse la consulter au greffe du tribunal. La rapidité étant un facteur crucial dans le contexte des procédures judiciaires d'insolvabilité, on peut envisager d'impartir un délai dans lequel le tribunal doit rendre sa décision après le dépôt de la requête. Un tel délai peut être particulièrement important lorsque les ressources du système judiciaire sont limitées.
Conséquences de l'ouverture de la procédure : Une fois ouverte la procédure de liquidation judiciaire, la législation de l'insolvabilité prévoit normalement de transférer l'administration des actifs du débiteur à un liquidateur indépendant et de protéger ces actifs contre tout acte du débiteur ou de ses créanciers. Bien que les actifs qui bénéficient de cette protection soient désignés par le terme «masse», utilisé dans la présente section comme équivalent du terme anglais estate, des différences dans les traditions juridiques des pays exigent de formuler une mise en garde importante, quoique technique, en ce qui concerne l'emploi de ces termes. Plus précisément, la notion d'estate est usuelle uniquement dans les pays qui connaissent la «propriété duale» (divided ownership) et la fiducie (trust). Dans ces pays, la «propriété légale» (legal title) afférente aux actifs est cédée au liquidateur (le «fiduciaire» ou trustee) et la «propriété utile» (beneficial ownership) de l'estate à ceux qui sont en droit de recevoir le produit des actifs de l'estate après la liquidation; ces ayants droit sont les créanciers du débiteur. En revanche, dans les pays qui ne connaissent pas la propriété duale, le débiteur conserve la propriété des biens composant son patrimoine, même s'il est dessaisi de l'exercice de ses droits patrimoniaux au profit du liquidateur; ses biens sont le gage commun de ses créanciers. Indépendamment de la tradition juridique des pays, la législation de l'insolvabilité doit normalement répondre à deux questions : quels biens du débiteur sont administrés par le liquidateur et peuvent être liquidés ou, en d'autres termes, quels sont les actifs de la masse (au sens fonctionnel plutôt que juridique)? quelles mesures sont prises pour protéger ces actifs contre les actions du débiteur ou de ses créanciers? Actifs de la masse En règle générale, les actifs de la masse comprennent les biens du débiteur à la date où débute la procédure judiciaire d'insolvabilité, ainsi que les actifs acquis par le liquidateur après cette date. Le liquidateur a normalement le droit de disposer des biens du débiteur qu'il juge onéreux à conserver (par exemple les équipements inutiles). Biens du débiteur Les biens du débiteur comprennent normalement tous les actifs sur lesquels il a un droit de propriété, qu'ils soient ou non en sa possession à la date de l'ouverture de la procédure judiciaire. Il s'agit notamment de tous les actifs corporels que l'on retrouve facilement dans le bilan du débiteur (encaisse, équipements, stocks et immeubles, par exemple). Il s'agit également des actifs incorporels, qui diffèrent selon les pays en raison du stade de développement du droit des biens. Bien qu'il puisse être nécessaire d'exclure certains actifs dans le cas des personnes physiques, une telle exclusion se justifie moins, et est peu courante, dans celui des entreprises. Les actifs exclus de la masse comprennent normalement ceux qui appartiennent à des tiers et dont le débiteur a la possession lorsque la procédure judiciaire est ouverte (dépôts réguliers et actifs en fiducie, par exemple). Le régime des actifs dont le débiteur a l'usage en crédit-bail et dont le bailleur conserve la propriété (réserve de propriété) mérite une attention particulière. Dans les pays où le financement ainsi octroyé au débiteur revêt une importance considérable, il peut être judicieux d'exclure ces actifs de la masse pour protéger le droit de propriété du bailleur. D'autres pays peuvent préférer traiter ces contrats de location comme des accords de prêt garanti aux fins des procédures d'insolvabilité, auquel cas le bailleur serait assujetti aux mêmes contraintes que le prêteur garanti. L'inclusion éventuelle dans la masse des biens du débiteur situés en dehors du pays où la procédure judiciaire est ouverte soulève d'importantes questions internationales qui sont abordées dans la contribution du Secrétariat de la CNUDCI (voir appendice). Actifs acquis après l'ouverture de la procédure La masse comprend normalement tous les actifs acquis par le liquidateur après l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire. Le point le plus important à signaler à cet égard est peut-être celui des actifs recouvrés par le liquidateur en exerçant ses pouvoirs d'annulation (voir infra). En outre, dans la mesure où le liquidateur continue d'exploiter l'entreprise du débiteur avant la liquidation, les actifs acquis durant cette période doivent normalement faire partie de la masse. Protection de la masse L'un des objectifs essentiels d'un régime efficace de l'insolvabilité est la mise en place d'un mécanisme permettant de garantir que les initiatives prises par les diverses parties intéressées n'amoindrissent pas la valeur des actifs de la masse. Les plus grands risques viennent du débiteur et de ses créanciers. Le débiteur doit être privé de toute possibilité d'influencer ou de contrôler l'exploitation de l'entreprise puisque, dès l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, les actifs de la masse sont affectés au paiement des créanciers. Des mesures de protection sont donc nécessaires pour que le débiteur ne soustraie pas des actifs de la masse immédiatement avant ou après l'ouverture de la procédure. Si les créanciers sont les futurs bénéficiaires de la masse, l'un des principes fondamentaux de la législation de l'insolvabilité est que des mesures sont également nécessaires pour protéger leurs intérêts collectifs et communs contre les poursuites individuelles que pourrait engager l'un d'entre eux. Cette suspension des poursuites des créanciers contre la masse qui prend normalement effet dès qu'est ouverte la procédure de liquidation judiciaire renforce les intérêts collectifs des créanciers en limitant l'exercice des droits de chacun d'eux. Cependant, la nature et l'étendue de cette suspension varient considérablement entre les pays en fonction de leurs politiques législatives et de leurs traditions juridiques (voir infra). Mesures conservatoires provisoires Entre la date où le débiteur ou un créancier fait requête au tribunal d'ouvrir une procédure de liquidation et celle où il est fait droit à cette requête, des actifs du débiteur risquent d'être dissipés, avant même l'ouverture de la procédure. Dès le dépôt de la requête, le débiteur peut être tenté de faire disparaître des actifs de son entreprise. En outre, lorsqu'ils apprennent qu'une requête a été présentée, d'autres créanciers peuvent intenter des poursuites contre le débiteur afin d'anticiper les répercussions de toute suspension qui sera imposée au moment où le tribunal fera droit à la demande. La législation de l'insolvabilité doit donc envisager la possibilité de prendre des mesures conservatoires provisoires pour protéger la masse avant l'ouverture d'une procédure judiciaire d'insolvabilité. En général, le tribunal impose ces mesures d'office ou à la demande d'un créancier. Ces mesures peuvent consister notamment à nommer un liquidateur provisoire, à interdire au débiteur d'aliéner des actifs, à mettre sous séquestre la totalité ou une partie des actifs du débiteur et à suspendre l'exécution des sûretés contre le débiteur (pour un examen approfondi des droits des créanciers garantis, voir infra). Dans certains pays, les opérations que pourrait effectuer le débiteur pendant cette période sont nulles. Puisqu'il s'agit de mesures conservatoires provisoires prises avant qu'il ait été statué sur la requête improductive, le tribunal peut demander au créancier requérant d'apporter la preuve qu'elles sont nécessaires et exiger parfois un cautionnement. Protection contre le débiteur Une fois ouverte la procédure de liquidation judiciaire, des mesures générales de protection de la masse contre les actes du débiteur doivent être prises. Pour cette raison, le débiteur est normalement dessaisi de tous les droits lui permettant de gérer et d'exploiter l'entreprise et un liquidateur est nommé pour exercer ces mêmes droits, y compris le droit d'ester en justice pour le compte de la masse et celui de recevoir tous les paiements destinés au débiteur. Dans un premier temps, le liquidateur dresse un inventaire des actifs de la masse, qu'il peut geler (ou «mettre sous scellés»). Dès l'ouverture de la procédure, tout acte du débiteur préjudiciable à la masse est normalement frappé de nullité. Dès le début de la procédure judiciaire, le débiteur est tenu de divulguer l'ensemble de son actif et de son passif, ainsi que toutes les opérations douteuses. La violation de cette règle doit donner lieu à des sanctions. Il peut y avoir des cas où le liquidateur ou le tribunal détermine que le moyen le plus efficace de liquider la masse est de céder l'entreprise à un repreneur. Même si la loi lui confère des pouvoirs complets sur la masse, le liquidateur peut alors autoriser le débiteur à conserver néanmoins jusqu'à la vente de l'entreprise certains pouvoirs sur son exploitation. Le liquidateur, qui est alors responsable des fautes commises par le débiteur pendant cette période, ne saurait normalement prendre cette mesure qu'en consultation avec les créanciers. Protection contre les créanciers L'un des principaux objectifs des législations de l'insolvabilité est de suspendre, durant la procédure de liquidation judiciaire, l'exercice de leurs droits par les créanciers. Une telle suspension est nécessaire pour que le liquidateur dispose d'un délai suffisant pour éviter une vente forcée qui ne permettrait pas de maximiser la valeur des actifs à liquider, et aussi ait la possibilité de céder l'entreprise à un repreneur. Néanmoins, l'étendue des droits qui sont touchés varie considérablement selon les pays. La nécessité de suspendre la faculté qu'ont les créanciers chirographaires de saisir des actifs pour faire exécuter leurs créances contractuelles et d'empêcher tous les créanciers d'engager des poursuites judiciaires pour recouvrer des créances échues avant le début de la procédure n'est guère contestée. Bien qu'il puisse être utile de suspendre les actions des créanciers garantis pendant un certain délai, la protection de ces créanciers soulève un certain nombre de difficultés (voir section suivante). En ce qui concerne les autres droits contractuels que les créanciers peuvent faire valoir, les pays donnent parfois au liquidateur le pouvoir d'intervenir dans l'exercice des droits de compensation ou l'application des clauses contractuelles qui prévoient la résiliation des contrats en cas de faillite ou qui empêchent leur cession (voir infra). L'une des principales questions à résoudre dans l'élaboration d'une législation efficace de l'insolvabilité est de savoir comment concilier, d'une part, les avantages particuliers que tire la masse d'une suspension générale des poursuites assortie de l'octroi de pouvoirs complets au liquidateur et, d'autre part, les avantages pour le crédit en général d'une suspension plus limitée. Protection contre le liquidateur Compte tenu des vastes pouvoirs qui sont
conférés au liquidateur, la masse doit être protégée contre
ses excès de pouvoir ou son incompétence. Parmi les moyens d'action utilisables
à cet effet doivent normalement figurer le contrôle par le tribunal, l'approbation par
les créanciers ou le tribunal et l'engagement de la responsabilité personnelle du
liquidateur (voir infra).
Durant la procédure, tous les actifs
que le liquidateur administre doivent être protégés par une suspension des
voies d'exécution que la loi offre aux créanciers chirographaires sur les actifs de la
masse. Bien que son étendue puisse varier selon les pays, la suspension doit avoir pour
effet minimum d'empêcher les créanciers chirographaires i) de saisir ou vendre des
actifs, ou en prendre possession, afin d'exécuter leurs créances ou ii) d'entamer
des actions en justice pour recouvrer les créances échues avant l'ouverture de la
procédure de liquidation. Bien que la suspension ne doive être que temporaire en ce
qui concerne les créanciers garantis, il convient de limiter sensiblement la protection dont
ils bénéficient. (Voir section suivante.)
Une fois déposée la
requête à fin d'ouverture de la procédure, il est souhaitable que le tribunal
ait le pouvoir de prendre des mesures provisoires pour protéger les actifs du
débiteur avant qu'il soit statué sur le bien-fondé de la requête. Ces
mesures doivent normalement prévoir le dessaisissement total ou partiel du
débiteur de l'administration de ses actifs, la nomination d'un administrateur provisoire et la
suspension du droit des créanciers de faire saisir les actifs.
Procédure judiciaire : questions spécifiques Régime des actifs grevés et traitement des créanciers garantis Les créanciers recherchent en général des sûretés pour protéger leurs intérêts en cas de défaillance du débiteur. Il est possible de soutenir que, pour que cet objectif soit atteint, il faut que les créanciers garantis puissent saisir immédiatement les actifs grevés. Que cet argument soit jugé fondé ou non, toute mesure qui amoindrit la valeur des garanties doit être mise en place avec la plus grande prudence. Une telle dépréciation compromet en fin de compte l'offre de crédit à des conditions abordables : à mesure que la protection fournie par les sûretés diminue, le prix du crédit doit nécessairement augmenter pour compenser un risque qui s'accroît. En fait, sous certaines conditions du marché, les créanciers peuvent refuser de consentir des crédits, même garantis, quel que soit le taux d'intérêt. Toutefois, il est de plus en plus admis que toute autorisation donnée aux créanciers garantis de dissocier librement les actifs grevés des autres actifs de la masse risque d'aller à l'encontre des objectifs fondamentaux des procédures judiciaires d'insolvabilité. Cela est particulièrement manifeste dans le cas du redressement (voir chapitre 4). Si les actifs de la masse indispensables à l'exploitation de l'entreprise du débiteur sont grevés, et que les créanciers garantis puissent faire exécuter leurs créances sur ces biens dès l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, il se peut que le débiteur ne puisse maintenir son entreprise en activité alors qu'il formule un plan de redressement. Cette observation est également valable, mais dans une moindre mesure, dans le cas de la procédure de liquidation judiciaire : l'exclusion des créanciers garantis de la suspension générale qui frappe les actions des créanciers risque d'empêcher le liquidateur de maximiser la valeur de la masse avant la distribution. En particulier, si des actifs importants sont grevés, le liquidateur ne peut céder l'entreprise du débiteur, ou toute partie de celle-ci, à un repreneur. Par ailleurs, même si les actifs du débiteur ne peuvent être cédés à un repreneur, une suspension temporaire donne au liquidateur le temps nécessaire pour organiser la vente la plus rentable possible pour tous les créanciers chirographaires. Afin de concilier ces considérations, toute suspension des poursuites des créanciers garantis doit s'accompagner de mesures visant à protéger les intérêts de ces créanciers pendant la procédure de liquidation judiciaire. Deux séries de mesures revêtent à cet égard une importance particulière. Premièrement, la suspension ne doit être décidée que pour protéger la valeur de la masse. Ainsi, dès l'ouverture de la procédure, il est raisonnable de suspendre automatiquement les actions des créanciers garantis pendant une brève période (30 ou 60 jours par exemple) afin de donner au liquidateur la possibilité d'accomplir sa mission et de dresser un état de l'actif et du passif de la masse. Le tribunal a certes le pouvoir d'allonger cette période «d'apaisement», mais cette mesure ne doit normalement être prise que si le liquidateur prouve qu'elle permettra de maximiser la valeur de la masse (il existe, par exemple, de bonnes raisons de penser que tout ou partie de l'entreprise peut être cédée à un repreneur). À titre de protection supplémentaire, la loi doit limiter cette prolongation. Une telle limite peut être particulièrement importante dans les cas où les capacités institutionnelles sont restreintes. La seconde série de mesures nécessaires pour protéger les droits des créanciers garantis sont celles qui permettent de maintenir la valeur économique de leurs créances pendant la durée de la suspension. Plusieurs solutions sont à cet égard possibles. Protection des sûretés L'un des moyens de maintenir la valeur des créances garanties est de préserver celle des actifs grevés, à la condition que, lors de la liquidation, le produit de la vente de ces actifs soit distribué directement aux créanciers à hauteur de la fraction garantie de leurs créances. Si cette solution est retenue, les mesures ci-après doivent être prises pour protéger les actifs grevés. Compensation de toute dépréciation. Pendant la suspension, il est possible que les actifs grevés se déprécient. Puisque au moment de la distribution, le rang des créanciers garantis dépend de la valeur de ces actifs, cette dépréciation leur cause préjudice. En conséquence, un certain nombre de législations prévoient expressément que le liquidateur doit la compenser, soit en offrant une sûreté de remplacement aux créanciers, soit en leur versant périodiquement une somme correspondant au montant de cette dépréciation. Paiement d'intérêts. Certains pays qui protègent les droits des créanciers garantis en préservant la valeur des actifs grevés autorisent en outre le paiement d'intérêts pendant la suspension, mais seulement pour la fraction de la valeur de la sûreté qui dépasse celle de la créance. En permettant le paiement d'intérêts seulement dans ces cas, la loi incite fortement les créanciers à solliciter des garanties qui excèdent la valeur de leurs créances. Protection et compensation pour emploi. Parfois, le liquidateur peut juger nécessaire d'employer ou de vendre avant la liquidation des actifs donnés en garantie. Par exemple, dans la mesure où il est d'avis que la valeur de la masse peut être maximisée si l'entreprise continue d'être temporairement exploitée, il peut souhaiter vendre des stocks qui sont partiellement grevés. Ainsi, dans les cas où la protection des créances est assurée par le maintien de la valeur des actifs grevés, il semble judicieux que la loi donne au liquidateur le choix entre la remise aux créanciers d'une garantie de remplacement équivalente ou le paiement du plein montant de la créance garantie. Levée de la suspension. Lorsque la législation de l'insolvabilité exige que la valeur des sûretés soit maintenue durant la suspension, un mécanisme doit être mis en place pour que celle-ci soit levée lorsque cela est nécessaire pour protéger les intérêts des créanciers titulaires de ces sûretés. Deux cas au moins peuvent être envisagés. Dans le premier, le créancier garanti demande la mainlevée judiciaire, car il juge insuffisante la protection qu'il reçoit. Dans l'autre, le liquidateur peut, d'office, donner mainlevée au motif qu'une protection suffisante ne peut être fournie ou qu'une telle protection serait trop lourde pour la masse. En outre, la loi peut exclure du champ de la suspension les actifs qui en général ne sont pas nécessaires pour céder l'entreprise à un repreneur (les gages en espèces par exemple). Maintien de la valeur des créances garanties Au lieu d'un système qui préserve la valeur des actifs grevés, certains pays protègent les droits des créanciers en maintenant la valeur de la fraction garantie de leurs créances. Plus précisément, dès l'ouverture de la procédure judiciaire, l'actif donné en garantie est évalué et, en fonction du résultat obtenu, la valeur de la fraction garantie de la créance déterminée. Cette valeur reste fixe tout au long de la procédure et, lors de la distribution consécutive à la liquidation, le créancier bénéficie d'une créance de premier rang à hauteur de cette valeur. En outre, durant la procédure, il reçoit le taux d'intérêt stipulé au contrat sur la fraction garantie de sa créance afin de compenser les retards imposés par la procédure.
Nullité des actes de la période suspecte Une procédure judiciaire d'insolvabilité peut être ouverte des jours, des semaines, des mois, voire parfois des années après la constatation par le débiteur de son caractère inévitable. Prévoyant l'ouverture formelle d'une telle procédure, les débiteurs peuvent ne plus suivre les pratiques commerciales normales et tenter de soustraire des actifs à leurs créanciers, accepter des engagements fictifs, favoriser certains créanciers ou consentir des libéralités à des parents ou des amis. Même si certains de ces actes sont tout à fait acceptables dans un contexte autre que celui de l'insolvabilité, leurs répercussions sur les créanciers chirographaires, c'est-à-dire ceux qui ne sont pas parties à ces actes et dont les créances ne sont pas totalement garanties, deviennent inadmissibles une fois la procédure ouverte, puisqu'elles nuisent à l'objectif d'un traitement équitable des créanciers. Pour cette raison, la législation de l'insolvabilité doit prévoir un mécanisme qui permette de récupérer les actifs dont la cession avant l'ouverture de la procédure judiciaire a causé un tel effet préjudiciable. Dans la conception des dispositions d'annulation, un certain nombre de problèmes techniques doivent être résolus, mais les solutions dépendent des choix de politique législative qui seront faits. Élargir le domaine de la nullité augmente la valeur de la masse et profite aux créanciers chirographaires. Si la nullité frappe les paiements faits sur les poursuites individuelles, le débiteur pourra plus facilement négocier un accord amiable avec l'ensemble de ses créanciers. En revanche, un pouvoir très large d'annulation risque de nuire à la prévisibilité des relations contractuelles. C'est notamment le cas lorsque des actes juridiques tout à fait normaux sont annulables uniquement parce qu'ils ont eu lieu peu avant l'ouverture d'une procédure. Conception du mécanisme À maints égards, la conception des dispositions d'annulation exige des choix en matière de preuve. L'une des solutions consiste à définir le domaine de la nullité sur la base de critères objectifs. Les actes juridiques litigieux ont-ils été accomplis pendant la «période suspecte» -- définie par la loi -- précédant l'ouverture de la procédure judiciaire? Revêtent-ils les caractéristiques générales mentionnées dans la loi (contrats lésionnaires)? Une autre méthode privilégie l'utilisation de critères subjectifs, au cas par cas. L'intention de soustraire des actifs aux créanciers est-elle prouvée? Le débiteur était-il insolvable lorsque l'acte juridique a été réalisé et le cocontractant connaissait-il cette insolvabilité? Comme toujours, les deux solutions présentent des avantages et des inconvénients. Les critères objectifs généraux sont simples à appliquer. Cependant, utilisés seuls, ils peuvent être source d'arbitraire. Par exemple, les opérations parfaitement légitimes et utiles effectuées au cours de la période suspecte risquent d'être annulées, alors que les actes frauduleux ou préférentiels réalisés en dehors de cette période restent protégés. Pour empêcher tout arbitraire, il est souhaitable de trouver un équilibre entre les deux méthodes dans les dispositions d'annulation. Quelle que soit la solution retenue, on accepte en général que des règles plus strictes s'appliquent aux actes en faveur d'initiés (c'est-à-dire des personnes qui ont d'étroites relations familiales ou d'affaires avec le débiteur ou ses créanciers). Un régime plus rigoureux pour ces opérations se justifie d'ordinaire au motif que les initiés ont plus de chances d'être avantagés et sont le plus souvent les premiers à savoir quand le débiteur est en fait insolvable. Les catégories d'actes juridiques frappées de nullité sont généralement les suivantes : 1) Contrats frauduleux, c'est-à-dire où il est établi que la véritable intention du débiteur était de frauder les créanciers en leur soustrayant des actifs et que le cocontractant connaissait cette intention. Ces contrats constituent une fraude caractérisée en ce sens qu'on a la preuve que le débiteur et son cocontractant avaient l'intention subjective de frauder les créanciers. Dans nombre de législations, la nullité s'applique même aux actes frauduleux antérieurs à la période suspecte. 2) Contrats lésionnaires et libéralités. Cette catégorie est souvent décrite comme reposant sur une présomption irréfragable de fraude. L'intention de frauder est présumée chaque fois que l'opération est lésionnaire et ne semble pas avoir été effectuée entre des parties agissant «d'égal à égal». Les libéralités (qui peuvent prendre la forme, par exemple, d'une remise de dette) figurent également dans cette catégorie. Alors que dans la plupart des législations la nullité s'applique sans autre condition aux contrats lésionnaires ou gratuits conclus pendant la période suspecte définie par la loi, d'autres exigent en outre qu'il soit constaté que le débiteur était insolvable, ou était sur le point de le devenir, lorsque l'acte a été fait. 3) Actes de générosité envers des créanciers. À la différence de ceux visés aux paragraphes 1) et 2), ces actes profitent à des créancers, qui jouissent donc d'un traitement privilégié. Dans de nombreuses législations, l'acte accordant à un créancier un avantage indu est l'indice d'une préférence et peut être annulé. Il s'agit par exemple du paiement anticipé d'une créance ou de l'octroi d'une sûreté pour garantir une créance existante. Comme dans le cas du paragraphe 2, la loi prévoit normalement une période suspecte et de nombreux pays exigent en outre la preuve de l'insolvabilité (ou de la quasi-insolvabilité) du débiteur au moment de l'opération. 4) Actes normaux au profit de créanciers. Un certain nombre de pays permettent d'annuler des actes profitant à des créanciers même lorsqu'ils ne confèrent aucun avantage indu. On peut citer à cet égard les paiements faits à un créancier à ou après l'échéance. La raison avancée est que, lorsque ces actes sont faits à une date très proche du début de l'insolvabilité, on doit présumer que l'insolvabilité existait en fait à cette date et qu'en conséquence, ce créancier a bénéficié d'un traitement préférentiel. Puisque ces actes sont par ailleurs normaux, la période suspecte est très brève (30 à 90 jours). En outre, certains pays n'autorisent l'annulation que si le créancier savait (ou aurait dû savoir) que le débiteur était insolvable. D'autres pays prévoient des exceptions pour les actes de gestion normale. Ainsi, par exemple, alors que le paiement effectué à la réception de marchandises régulièrement livrées ne peut être annulé, le paiement d'une créance échue depuis longtemps risque de l'être. Application Selon les législations, les actes qui entrent dans l'une des catégories susmentionnées sont soit nuls de plein droit, soit annulables. Dans le second cas, l'exercice d'un certain pouvoir d'appréciation -- normalement conféré au liquidateur -- est nécessaire pour savoir si l'annulation de l'acte est bénéfique pour la masse, compte tenu du délai nécessaire pour récupérer le bien aliéné (point qui peut être important lorsque la liquidation est imminente) ou des éventuels frais de justice. Ce pouvoir du liquidateur est, cela va de soi, limité par sa propre obligation de maximiser la valeur de la masse, obligation qui, selon son étendue, peut engager sa responsabilité (voir infra). Cela étant, la loi peut autoriser chaque créancier ou le comité des créanciers à agir pour le compte de la masse et à faire annuler ces actes; elle permet aussi éventuellement à un créancier d'obtenir d'un tribunal une injonction imposant au liquidateur d'engager une action en annulation qui paraît rentable pour la masse. Ce qui doit être annulé est le paiement ou le transfert de propriété, mais le contrat peut rester valable et permettre, d'une part, au créancier restituant de produire à la faillite et, d'autre part, au donataire d'être payé, après les créanciers, sur les biens restants.
Traitement des contrats en cours Il est inévitable qu'à l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire, le débiteur soit partie à des contrats qui n'ont pas encore été complètement exécutés. La législation de l'insolvabilité doit donner, à des degrés divers, au liquidateur le pouvoir de modifier les clauses des contrats qui, en général, n'ont pas été pleinement exécutés par le débiteur et le cocontractant. Or, cette modification, qui contribue à la réalisation de l'un des objectifs généraux de la procédure de liquidation, celui de maximisation de la valeur des actifs, peut aussi nuire à des intérêts sociaux et politiques concurrents (notamment ceux qui découlent des contrats de travail ou de location). En outre, comme dans le cas des nullités de la période suspecte, le droit des liquidateurs d'intervenir dans l'application des contrats en cours nuit à la prévisibilité des relations commerciales et financières. L'étendue des pouvoirs du liquidateur dans ce domaine ne peut être définie qu'en conciliant ces considérations (voir infra). Résiliation En général, il est important que le liquidateur ou le tribunal ait le pouvoir de résilier les contrats quand les deux parties n'ont pas encore intégralement exécuté leurs obligations. Par exemple, avant l'ouverture de la procédure judiciaire, le débiteur peut s'être entendu avec un fournisseur pour se faire livrer des marchandises à un prix précis. Lorsque la procédure est ouverte, il se peut que certaines marchandises aient été livrées, mais n'aient pas encore été payées. Dans ce cas, il faut donc normalement conférer au liquidateur le droit de résilier le contrat, l'autre partie étant alors dispensée d'en poursuivre l'exécution et acquérant ainsi une créance chirographaire égale au préjudice subi. Continuation Parfois, il est plus rentable pour la masse de continuer un contrat que de le résilier. Par exemple, le loyer que le débiteur doit acquitter peut être inférieur à sa valeur vénale et l'expiration du bail être encore lointaine. Le liquidateur peut alors souhaiter continuer le bail afin de céder l'entreprise à un repreneur qui bénéficiera de ce bail. Pour donner des assurances au cocontractant, il est en général admis que le liquidateur doit indiquer s'il continue ou résilie le contrat dans un délai précis après le début de la procédure de liquidation judiciaire. En outre, en cas de continuation, la loi doit protéger le cocontractant en faisant en sorte que le coût de l'exécution ou les dommages-intérêts résultant d'une résiliation par le liquidateur soient considérés comme des frais d'administration (c'est-à-dire privilégiés). Ce privilège constituant un risque pour les autres créanciers (qui seront payés après), le liquidateur doit normalement s'efforcer de continuer seulement les contrats qu'il juge rentables. Aussi longtemps qu'aucune clause du contrat ne l'interdit, cette continuation du contrat par le liquidateur n'est pas critiquable. Il est souhaitable que le liquidateur ait cette option, sauf à exécuter les prestations stipulées au contrat. Cependant, l'une des principales questions que soulèvent les législations de l'insolvabilité est de savoir si le liquidateur peut décider de continuer un contrat au mépris d'une clause résolutoire. Nombre de contrats commerciaux ou financiers prévoient que l'ouverture d'une procédure judiciaire d'insolvabilité constitue automatiquement un défaut d'exécution par le débiteur et donne à l'autre partie le droit inconditionnel de résilier le contrat (clauses de résolution de plein droit). L'une des solutions est d'appliquer ces clauses, auquel cas le liquidateur ne peut continuer le contrat que si l'autre partie choisit de ne pas le résilier. Il peut alors être intéressant pour le cocontractant de continuer le contrat, car, en général, il bénéficie d'une créance privilégiée pour les services rendus après l'ouverture de la procédure de faillite. À la différence de cette approche «consensuelle», une autre solution consiste à autoriser le liquidateur à continuer le contrat malgré les objections de l'autre partie; en d'autres termes, toute clause de résiliation est annulée par le jeu de la législation de la faillite. Cession La faculté qu'a le liquidateur ou l'administrateur de continuer le contrat malgré les objections de l'autre partie donne au débiteur un instrument particulièrement important pour redresser l'entreprise (voir infra). Dans le contexte de la liquidation, ce pouvoir présente également un intérêt considérable lorsque, après la décision de continuer le contrat, le liquidateur peut céder à titre onéreux ce contrat à un tiers. Si l'on reprend l'exemple exposé ci-dessus du bail dont les loyers sont inférieurs à leur valeur vénale, le liquidateur peut souhaiter accroître la valeur de la masse en cédant à titre onéreux ce bail à un tiers. Cependant, de nombreux baux interdisent à l'une des parties de les céder sans le consentement de l'autre et beaucoup de pays (de tradition de droit civil en particulier) n'autorisent la cession, même en cas d'insolvabilité, qu'avec le consentement de toutes les parties (sauf dans le cadre de la vente de l'entreprise à un repreneur). Néanmoins dans la logique des vastes pouvoirs accordés au liquidateur subrogé (voir supra), certains pays prévoient dans leur législation de l'insolvabilité que ces clauses d'incessibilité sont nulles et non avenues, ce qui permet au liquidateur d'effectuer la cession dans l'intérêt de la masse. Cette option qui, pour certains pays, revêt une importance cruciale dans la procédure de liquidation judiciaire est totalement étrangère à de nombreux autres pays et y est interdite. La faculté qu'a le liquidateur de continuer ou de céder les contrats en violation des clauses qu'ils contiennent peut être très avantageuse pour la masse et, en conséquence, les bénéficiaires de la distribution après liquidation. Cependant, ce pouvoir porte à l'évidence atteinte aux droits du cocontractant. En outre, la cession soulève la question du préjudice subi par celui-ci, surtout lorsqu'il ne peut guère intervenir dans le choix du cessionnaire. En conséquence, dans les cas où la continuation ou la cession du contrat est autorisée, il est judicieux de demander au liquidateur de prouver au cocontractant que le cessionnaire peut parfaitement exécuter le contrat. En outre, les créances résultant de l'exécution du contrat après l'ouverture d'une procédure judiciaire d'insolvabilité doivent être considérées comme des frais d'administration et donc bénéficier d'un rang prioritaire lors de la distribution (voir supra). Régimes spéciaux Indépendamment de l'étendue du pouvoir donné au liquidateur de résilier ou de continuer les contrats, il se peut que des exceptions doivent être prévues pour certains contrats. L'exemple peut-être le plus caractéristique d'une limitation du pouvoir de résiliation se trouve dans le régime des contrats de travail. La sauvegarde de ces contrats occupe certes une place particulièrement importante dans la procédure de redressement judiciaire, mais elle peut se justifier également dans celle de liquidation. Plus précisément, dans les cas où il s'efforce de céder l'entreprise à un repreneur, il se peut que le liquidateur obtienne un meilleur prix s'il est en mesure de résilier des contrats de travail onéreux. Les pays peuvent limiter spécifiquement ce pouvoir pour éviter le recours à la liquidation comme moyen d'éliminer la protection que de tels contrats accordent aux salariés. Une autre question concerne les baux : dans le cas des débiteurs bailleurs, des limites peuvent être imposées à la faculté dont dispose le liquidateur de résilier les baux. Les exceptions au pouvoir du liquidateur de continuer les contrats peuvent en général être classées en deux catégories. Premièrement, lorsque le liquidateur a le pouvoir d'annuler les clauses de résiliation, des exceptions spécifiques peuvent être prévues pour certains types de contrats, la plus importante concernant les contrats financiers à court terme, comme les accords de swap ou les contrats à terme normalisés (voir infra). La seconde catégorie porte sur les contrats dont, que la loi autorise ou non l'annulation des clauses de résiliation, l'exécution ne peut être continuée du fait qu'ils ont pour objet la prestation par le débiteur de services personnels.
Compensation L'une des questions importantes qui se posent lorsqu'est rédigée une législation de l'insolvabilité est de savoir comment traiter les créanciers qui, à la date d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, sont également débiteurs de la masse. Si le principe fondamental d'égalité entre les créanciers qui se trouvent dans une situation analogue est appliqué, la solution est relativement simple : le liquidateur doit pouvoir recevoir la totalité des sommes dues par les créanciers, qui seront désintéressés en même temps que tous les autres créanciers chirographaires lors de la liquidation de la masse. Cependant, une autre solution est de permettre aux créanciers de faire valoir leur droit de compensation à l'encontre de la masse une fois la liquidation amorcée, de sorte que, selon le montant de leur dette envers la masse, ils seront ou non complètement désintéressés. Il peut être judicieux de prévoir un droit de compensation dans la législation de l'insolvabilité pour plusieurs raisons. La première tient à l'équité : nonobstant l'importance que revêt le principe de l'égalité de traitement des créanciers, on considère injuste que le débiteur refuse de payer un créancier alors qu'en même temps, il insiste pour que ce créancier le paie. En outre, nombre de cocontractants sont des banques et le droit de compensation est particulièrement avantageux pour le secteur bancaire et est donc considéré, en raison du grand rôle qu'elles jouent dans la création du crédit, comme présentant un intérêt général pour l'économie. En vertu de leurs fonctions essentielles (accorder des prêts et recevoir des dépôts), les banques qui ont consenti des prêts à une entité mise en faillite constatent souvent qu'elles ont envers le débiteur des obligations financières sous forme de dépôts. La possibilité d'exercer un droit de compensation une fois la procédure ouverte doit permettre aux banques de compenser les créances non acquittées avec les dépôts du débiteur, même si ces créances réciproques ne sont pas encore exigibles. Les pays qui ne prévoient pas un droit général de compensation dans le cadre du processus d'insolvabilité autorisent normalement la compensation dans deux cas : si les deux créances sont échues à la date de l'insolvabilité ou si elles ont pris naissance dans la même opération. Sur un certain nombre de points importants, il existe une interaction entre le droit de compensation et les autres règles de l'insolvabilité. Par exemple, la compensation après ouverture de la procédure de liquidation judiciaire ne s'applique pas aux créances frappées des nullités de la période suspecte. En outre, dans la mesure où la législation de l'insolvabilité annule en général les clauses de résolution de plein droit, autorisant ainsi le liquidateur à continuer les contrats non exécutés, les créanciers ne peuvent demander la compensation de créances monétaires réciproques que s'il est fait exception au droit d'annulation reconnu au liquidateur pour leur permettre de résilier le contrat et de compenser ces créances. Ce point, qui concerne particulièrement les opérations financières à court terme, est examiné en détail à la section suivante.
Contrats financiers et compensation Selon la façon dont elle traite les contrats et les droits de compensation, la législation de l'insolvabilité doit ou non prévoir des dispositions spécifiques pour certaines catégories de contrats financiers à court terme, dont les contrats sur dérivés (swaps de monnaies ou de taux d'intérêt par exemple). Les contrats-cadres régissant ces opérations individuelles, qui sont de plus en plus normalisées, contiennent le plus souvent des clauses qui permettent à l'une des parties de demander, dès que l'autre est insolvable, la compensation de tous ses gains, pertes et impayés au titre d'opérations distinctes. De telles clauses de compensation «par liquidation», qui visent toutes les obligations de paiement indépendantes, ne prennent d'ordinaire effet à compter de l'insolvabilité de l'une des parties que si la législation de l'insolvabilité, premièrement, permet de résilier ou («liquider») dès l'insolvabilité toutes les opérations en cours dans le cadre de ces contrats et, deuxièmement, autorise la partie qui n'est pas insolvable à compenser ses créances et ses obligations avec la partie insolvable. Dans plusieurs pays, la législation de l'insolvabilité ne contient pas ces deux règles (voir supra). Certains permettent au liquidateur de continuer les contrats en violation des clauses de résiliation qu'ils contiennent et plusieurs n'autorisent pas la compensation des créances financières indépendantes non encore échues à l'ouverture de la procédure. De nombreux pays où il n'existe pas de règles générales sur la résiliation et la compensation ont néanmoins prévu des exceptions autorisant spécifiquement la compensation «par liquidation» pour les contrats financiers, car les opérations de cette nature jouent un rôle de plus en plus grand sur les marchés financiers mondiaux et risquent donc d'être moins faciles à utiliser si la compensation risque de ne pas s'appliquer en cas d'insolvabilité de l'une des parties. Nonobstant ces importants avantages, on admet toutefois que de telles exceptions rendent la loi plus complexe et aboutissent à accorder un traitement privilégié à certaines catégories de créanciers.
Liquidation et répartition Liquidation Un régime efficace de l'insolvabilité doit également prévoir comment vendre les actifs de la masse et en répartir le produit sans retard, équitablement et d'une manière prévisible. En outre, le liquidateur doit s'efforcer d'obtenir le prix de vente maximum tout en limitant les frais de vente et de répartition des deniers. Les paragraphes ci-après abordent la liquidation sous l'angle procédural avant de donner une analyse comparative des règles de fond régissant le rang des créanciers lors de la répartition. À maints égards, la procédure de liquidation commence par l'inventaire et le récolement des actifs de la masse. Ensuite, le liquidateur identifie et vérifie les éléments de passif. Il doit alors vendre les actifs selon une procédure transparente qui en maximise la valeur. Enfin, il répartit le produit de la vente conformément aux règles de priorité énoncées dans la loi. La procédure de vérification des créances, le traitement des droits des créanciers étrangers et la procédure applicable à la vente des actifs soulèvent des questions particulières. Vérification des créances Dans la plupart des législations, c'est le liquidateur qui vérifie les créances sur le débiteur. Cela suppose non seulement d'évaluer le bien-fondé, ainsi que le montant, des créances, mais aussi d'en déterminer le rang aux fins de la distribution (par exemple, créances garanties contre créances chirographaires, créances antérieures ou postérieures au dépôt de la demande). Dans la plupart des cas, il incombe aux créanciers de soumettre au liquidateur la preuve de leurs créances. Si le liquidateur conteste une créance, le litige doit être réglé par le tribunal compétent. Certains pays autorisent les autres parties intéressées, dont les créanciers, à contester les créances. À cet égard, il peut être judicieux que le tribunal ou le liquidateur établisse une liste définitive des créances, et la présente à une ou plusieurs assemblées de créanciers. À des fins de transparence, il est crucial que la publicité nécessaire soit faite en temps voulu; la liquidation peut alors être accélérée en fixant des dates limites pour le dépôt des preuves des créances. À titre de sanction, on peut prévoir que les créanciers retardataires sont exclus totalement de la répartition ou ne participent que proportionnellement à la répartition des actifs restants après la vérification. Créanciers étrangers Comme il a été dit plus haut, les créanciers étrangers doivent normalement être traités comme des créanciers nationaux durant les procédures judiciaires d'insolvabilité5. L'évaluation des créances en devises revêt une importance particulière pour les créanciers étrangers. Aux fins des opérations de vérification et de répartition, ces créances sont normalement converties en monnaie nationale au taux de change en vigueur à la date d'ouverture de la procédure. En conséquence, le montant en devises effectivement reçu par le créancier varie selon que la monnaie nationale s'apprécie ou se déprécie pendant la période antérieure à la répartition. Pour régler ce problème, on pourrait envisager d'utiliser le taux de change applicable à la date de la répartition, du moins lorsque l'appréciation ou la dépréciation dépasse un certain pourcentage6. Modes d'aliénation des actifs Il est souvent plus rentable pour les créanciers, lors de la répartition, que les actifs aient été cédés soit en partie soit totalement à un repreneur, et non séparément. La législation de l'insolvabilité peut certes refléter cette préférence, mais cela n'est pas nécessaire puisque l'on suppose toujours que le liquidateur cherchera le meilleur moyen de maximiser le produit à répartir. L'un des domaines toutefois où la loi doit normalement fournir quelques indications est celui de la procédure de vente que le liquidateur peut utiliser. Pour que le liquidateur vende les actifs au prix maximum, il se peut qu'il faille restreindre le choix des modes de vente. Au cas où il préférerait que la vente soit de gré à gré plutôt qu'aux enchères publiques, il peut être utile de prévoir dans la loi un contrôle suffisant de cette vente par le tribunal ou son approbation par les créanciers. Pour éviter tout risque de collusion, la loi peut devoir interdire expressément toute vente à des initiés (débiteur, créanciers ou parties liées). Cependant, il n'est peut-être pas nécessaire d'interdire totalement les ventes à des initiés dans la mesure où elles font l'objet d'un contrôle suffisant. Quel que soit le mode retenu, il est essentiel que la vente fasse l'objet d'une publicité suffisante auprès des créanciers.
Collocation des créanciers Toutes les législations de l'insolvabilité doivent en principe classer les créanciers par catégories de manière à déterminer leur ordre de préférence dans la répartition du produit de la masse. Ce classement n'est pas en soi incompatible avec le principe de traitement équitable. Au contraire, dans la mesure où différents créanciers ont conclu des opérations commerciales fondamentalement différentes avec le débiteur, leur classement peut en réalité s'imposer pour des raisons d'équité. Bien plus, ce système peut nettement faciliter le crédit. Si les créanciers garantis viennent au premier rang au moment de la répartition (ou reçoivent directement le produit de la vente de l'actif grevé), cela encourage l'octroi de crédits garantis. Une autre raison qui peut justifier l'établissement d'un ordre de priorité tient à la conduite des procédures judiciaires d'insolvabilité elles-mêmes. Plus précisément, pour inciter les auxiliaires du tribunal, le liquidateur en particulier, à fournir les services nécessaires pour qu'elles soient ordonnées et efficaces, la législation doit normalement affecter en priorité le produit de la liquidation à la rémunération de ces personnes. Compte tenu de ce principe, pour attirer des ressources financières une fois les procédures engagées, il faut également donner un rang prioritaire aux créanciers «de la masse», ceux dont les créances sont postérieures à l'ouverture de la procédure. Si l'on considère en général cette assurance indispensable dans le contexte de la procédure de redressement, elle peut également être importante dans celui de la procédure de liquidation, en particulier lorsque le liquidateur estime que la valeur de la masse peut être maximisée en continuant temporairement de l'exploiter (ce qui peut se produire par exemple dans les cas où il s'efforce de céder l'entreprise à un repreneur). Si l'établissement d'un ordre de préférence en fonction soit du contrat, soit de la prestation de services ou de l'octroi de concours financiers durant les procédures judiciaires d'insolvabilité (voir supra), peut contribuer nettement à la réalisation des objectifs de la procédure de liquidation, la justification des «privilèges» reposant sur des considérations sociales ou politiques est moins évidente, mais ils sont toujours très répandus. Créances garanties La collocation des créanciers garantis se fait selon une méthode qui dépend des solutions utilisées pour protéger ces créanciers durant la procédure judiciaire. Si la solution retenue consiste à préserver la valeur de l'actif grevé, le créancier dispose d'une créance de premier rang sur le produit de la réalisation de l'actif grevé à concurrence de la valeur de la créance. Par contre, si l'on choisit de protéger ses intérêts en fixant la valeur de la fraction garantie de la créance à la date d'ouverture de la procédure judiciaire, le créancier dispose d'une créance de premier rang sur le produit total de la réalisation de la masse à hauteur de cette valeur. Il va de soi que, si le montant de la créance dépasse la valeur de l'actif grevé ou (si la seconde méthode est employée) celle de la créance garantie telle qu'elle a été déterminée au début de la procédure, la fraction non garantie de la créance est considérée comme une créance chirographaire aux fins de la répartition. Il convient de limiter les exceptions à cette règle du premier rang. L'une d'elles concerne les frais d'administration nécessaires pour la préservation du bien grevé. Plus précisément, si le liquidateur a fait des impenses pour préserver la valeur du bien grevé, il paraît normal de prélever ce type de dépenses à titre de frais d'administration. Frais d'administration Sous réserve des exceptions susmentionnées, le paiement des frais d'administration viendra sans doute au premier rang des créances non garanties lors de la distribution. Ces frais comprennent habituellement les frais de justice et les honoraires du liquidateur, les paiements relatifs aux contrats conclus -- ou continués -- par le liquidateur après l'ouverture de la procédure judiciaire et tous les autres frais concernant le récolement, la gestion, l'évaluation et la répartition des actifs de la masse. Le rang prioritaire dont bénéficie le paiement de ces frais se justifie par le fait que, faute d'un tel traitement privilégié, le processus de liquidation ne peut attirer les ressources, humaines et financières, nécessaires à son succès (voir supra). Certains pays accordent le même rang aux créances salariales échues avant l'ouverture de la procédure. Comme dans le cas des autres privilèges exposés ci-après, ce rang exprime une politique législative de protection des droits des salariés dans le cadre des procédures judiciaires d'insolvabilité. Créanciers privilégiés Une fois payés les créances garanties et les frais d'administration, les moyens utilisés pour distribuer les ressources restantes varient considérablement selon les pays. Les législations de l'insolvabilité identifient souvent un certain nombre de catégories différentes de créanciers privilégiés dont la créance est née antérieurement à la faillite qui sont payés avant les créanciers chirographaires. Dans les pays qui ont éliminé la plupart de ces privilèges légaux, l'actif net éventuel revient directement aux créanciers chirographaires. Ces privilèges, dont l'octroi peut certes s'imposer par suite de pressions politiques, compromettent l'efficacité globale de la procédure judiciaire pour un certain nombre de raisons. Du point de vue des créanciers chirographaires, ils sont inéquitables, car ils reviennent à réévaluer les créances d'une catégorie privilégiée parmi eux. En conséquence, les fournisseurs et les banques, s'ils sont créanciers chirographaires, risquent de se désintéresser de la procédure, ce qui nuira à sa conduite. En outre, ces privilèges peuvent compliquer la négociation d'un plan de redressement dans la mesure où ils exigent la création de catégories distinctes de créanciers, selon leurs privilèges respectifs. Les types de privilèges accordés par les pays varient et, parfois, semblent refléter l'influence de groupes d'intérêts particuliers sur le processus politique de ces pays. Deux catégories de privilèges sont toutefois particulièrement répandues. La première concerne les salaires et avantages sociaux (sécurité sociale et pensions); de tels privilèges s'inscrivent en général dans la logique de la protection spéciale qu'accordent aux salariés d'autres dispositions du droit de l'insolvabilité. La seconde catégorie concerne les créances fiscales; elle se justifie au motif que le rang prioritaire accordé à l'État pour les créances fiscales peut avoir des effets positifs sur le processus de redressement en ce sens qu'il encourage les autorités fiscales à différer le recouvrement des impôts dus par les sociétés en difficulté. Cependant, de telles incitations risquent en fait d'aller à l'encontre de l'objectif recherché. Le non-recouvrement des impôts compromet l'application uniforme de la législation fiscale et constitue une forme de subvention publique, ce qui affaiblit la discipline qu'une législation efficace de l'insolvabilité doit renforcer. Créanciers chirographaires Une fois payées les créances de tous les créanciers privilégiés, l'actif éventuellement restant est distribué aux créanciers chirographaires proportionnellement au montant de leurs créances. Il peut exister plusieurs catégories de créanciers chirographaires. Par exemple, si un créancier accepte de céder son rang, il convient d'en tenir compte. Certaines créances (libéralités, amendes et pénalités, prêts d'actionnaires et intérêts sur créances chirographaires échus après l'ouverture de la procédure, par exemple) sont considérées comme des créances de rang inférieur par certains pays et des créances exclues par d'autres. Propriétaires Au cas improbable où il resterait un solde à répartir entre les actionnaires, la répartition se ferait selon le classement des actions prévu dans le droit des sociétés et les statuts de la société concernée.
Décharge Il est probable qu'un certain nombre de créanciers n'auront pas été payés intégralement lors de la répartition. Il faut alors se demander s'ils conserveront une créance sur le débiteur ou si le débiteur sera libéré («déchargé») de ces créances résiduelles. Dans le cas des sociétés anonymes ou à responsabilité limitée, la question ne se pose pas : soit la loi prévoit la disparition de cette entité juridique, soit celle-ci continue d'exister mais en tant que coquille vide. Quoi qu'il en soit, les associés ne sont pas responsables des créances résiduelles et la question de leur décharge ne se pose pas. Cependant, s'il s'agit d'un entrepreneur individuel, d'associés en nom collectif ou d'autres personnes physiques tenues indéfiniment du passif d'une entreprise, il convient de se demander si ces personnes sont toujours personnellement responsables des créances non payées après la liquidation. Les législations de l'insolvabilité abordent très différemment la question de la décharge. Dans certains pays, le débiteur est toujours responsable des créances impayées, tant qu'elles ne sont pas prescrites. Ces lois privilégient la relation débiteur/créanciers : le maintien de la responsabilité du débiteur après la liquidation permet à la fois de discipliner son comportement financier et d'inciter les créanciers à accorder des concours financiers. En revanche, d'autres pays prévoient la décharge complète, après la liquidation, du débiteur honnête qui n'a commis aucune fraude. Par là, ils privilégient le «nouveau départ» qui résulte de la décharge et dont l'objet est souvent d'encourager le développement d'une classe d'entrepreneurs. D'autres encore s'efforcent de trouver un compromis : la décharge est accordée à l'expiration d'un certain délai après la répartition, pendant lequel le débiteur doit normalement essayer de remplir de bonne foi ses obligations. En ce qui concerne la décharge, il n'est pas réaliste d'appliquer aux particuliers des règles différentes selon qu'il s'agit de créances commerciales ou de crédits à la consommation. Cependant, comme on l'a déjà indiqué, le champ d'application du présent rapport ne s'étend pas en général aux consommateurs. 4 Procédures de redressement Objectifs du redressement L'objectif économique global des procédures de redressement est de permettre aux entreprises éprouvant des difficultés financières de devenir un acteur économique compétitif et productif, ce qui présente un avantage non seulement pour les parties intéressées (propriétaires, créanciers et salariés de l'entreprise), mais aussi pour l'économie en général. Pour atteindre cet objectif, ces procédures doivent amener toutes les parties à y participer ou, lorsque cela est nécessaire, empêcher certaines d'entre elles d'en compromettre le succès. Ainsi, par exemple, elles doivent être suffisamment attrayantes pour encourager les débiteurs en difficulté à amorcer la procédure judiciaire assez tôt, améliorant ainsi les perspectives de redressement. En revanche, elles doivent aussi protéger suffisamment les créanciers de façon à les convaincre qu'elles ne sont pas purement et simplement un moyen pour des entreprises non viables de retarder la liquidation (et de provoquer ainsi une dépréciation de leurs créances). Pour que le redressement réalisé grâce à ces procédures n'apporte pas à l'entreprise un simple répit temporaire, mais en restaure la compétitivité à long terme, la législation de l'insolvabilité (et les autres législations pertinentes) ne doit pas dresser d'obstacles devant la restructuration qui peut être opérée. Ainsi, par exemple, il doit être possible de prévoir dans un plan de redressement des conversions de dette en capital, ainsi que la restructuration des créances ou des remises de dette. L'un des objectifs étroitement liés aux procédures de redressement est de mettre en place les moyens d'accroître la valeur des créances ou, tout au moins, de la maintenir dans le cas des créanciers garantis. Pour atteindre cet objectif, il est important que la loi donne aux créanciers l'occasion de voter pour ou contre le plan ou, dans le cas des créanciers garantis, prévoie des mesures les assurant qu'il ne sera pas porté atteinte à leurs créances ni à leurs droits sur les biens. Les créanciers doivent également avoir la possibilité d'initier un plan de redressement soit directement, soit par l'intermédiaire de l'administrateur. Certains pays assortissent les procédures de redressement d'un objectif supplémentaire et quelque peu spécifique : donner aux propriétaires de l'entreprise une «seconde chance». Si elles sont efficaces, elles encouragent alors le développement d'une classe d'entrepreneurs. Pour parvenir à cet objectif, elles doivent offrir au débiteur la possibilité de préparer et de proposer un plan de redressement soit directement, soit par l'intermédiaire d'un administrateur. Du point de vue des responsables de la politique économique, un autre objectif des procédures de redressement est de limiter la charge que représente pour les finances publiques la résolution d'une crise financière en y faisant participer les créanciers privés. Une telle participation oblige en outre les créanciers à supporter le coût des risques qu'ils prennent, ce qui, à long terme, renforce la stabilité du système financier. Conditions d'ouverture Le chapitre précédent montre que la faculté offerte au débiteur ou à l'un des créanciers d'engager la procédure de liquidation judiciaire sur la base d'une cessation générale des paiements contribue à la réalisation d'un certain nombre d'objectifs importants de cette procédure. Dans quelle mesure les objectifs propres au redressement justifient-ils ou non de s'écarter de ce critère pour l'ouverture de cette procédure? Le requérant Si nul ne conteste que la procédure de redressement judiciaire puisse être engagée par le débiteur, il est moins évident que la même faculté doive être offerte à un créancier. Étant donné que l'un des objectifs de la procédure est de donner aux créanciers l'occasion d'accroître la valeur de leurs créances grâce au redressement de l'entreprise, il est préférable que le débiteur n'ait pas le pouvoir exclusif d'engager un tel processus. La possibilité pour les créanciers de prendre l'initiative dans ce processus est liée à une autre question, qui est de savoir s'ils peuvent proposer un plan de redressement, et un certain nombre de pays sont d'avis qu'il convient de leur accorder ce droit puisque, souvent, ils sont les premiers bénéficiaires d'un redressement mené avec succès. Si les créanciers se voient conférer ce droit, il semble raisonnable, et logique, de leur donner également la faculté d'engager la procédure judiciaire; du reste, les pays qui permettent aux créanciers de proposer des plans les autorisent normalement à engager cette procédure. Critères d'ouverture L'un des objectifs de la procédure de redressement judiciaire est d'établir un cadre qui incite les débiteurs à s'attaquer rapidement à leurs difficultés financières, améliorant ainsi les perspectives d'un redressement efficace. Par exemple, le traitement qui leur est réservé (notamment le degré de protection dont ils bénéficient et les pouvoirs qu'ils peuvent conserver) peut les encourager vivement à tirer parti de cette procédure. De telles incitations peuvent être particulièrement importantes lorsque aucun autre moyen (sanctions imposées à la direction) d'encourager un recours rapide aux procédures judiciaires d'insolvabilité n'est prévu. Dans la logique de cet objectif, il semble judicieux de concevoir un critère d'ouverture de la procédure qui n'exige pas d'attendre que le débiteur ait cessé en général ses paiements (en d'autres termes que l'entreprise soit illiquide) avant d'engager la procédure judiciaire de redressement. De nombreux pays reconnaissent, quoique de façon différente, le bien-fondé de cette approche. Parfois, la procédure ne nécessite pas en fait pour son ouverture l'application d'un critère de fond et le débiteur peut l'engager quand il le souhaite. Dans d'autres cas, la loi précise que le débiteur peut ouvrir la procédure s'il pense qu'il sera dans l'incapacité d'acquitter ses dettes à l'échéance. Même parmi les pays qui ont adopté une procédure unitaire, ce critère d'illiquidité attendue a été retenu pour les demandes présentées par les débiteurs, dans l'intention de les encourager à redresser l'entreprise au début de ses difficultés financières. On peut soutenir qu'un tel assouplissement du critère d'ouverture risque d'inciter les débiteurs à abuser de la procédure. Par exemple, le débiteur qui ne se trouve pas dans une situation financière difficile peut essayer d'engager une procédure judiciaire et présenter un plan de redressement lui permettant de s'affranchir d'un certain nombre d'obligations onéreuses (contrats de travail, par exemple). Cependant, les abus qui risquent de survenir dépendent essentiellement des autres éléments de la procédure de redressement, comme le degré de contrôle que la loi permet au débiteur de conserver sur l'entreprise une fois la procédure judiciaire ouverte. L'application d'un critère moins rigoureux dans le cas des demandes présentées par les créanciers est toutefois plus difficile à justifier. Par exemple, si la loi permet au débiteur qui s'attend à des difficultés financières d'engager une procédure de redressement judiciaire, il est difficile d'envisager comment les créanciers peuvent avoir les renseignements nécessaires pour établir si le débiteur se trouve en fait dans cette situation. En général, il semble peu raisonnable d'autoriser l'ouverture de toute forme de procédure judiciaire d'insolvabilité (liquidation ou redressement) contre la volonté du débiteur, à moins que les créanciers ne puissent prouver l'existence d'un préjudice. Pour les raisons susmentionnées, il semble plus judicieux que le même critère qui s'applique à l'ouverture d'une procédure de liquidation par les créanciers (la cessation générale des paiements) s'applique aussi au redressement. En réalité, dans le cas des pays qui adoptent des procédures distinctes pour la liquidation et le redressement, il semble que les différences en ce qui concerne le critère d'ouverture se situent davantage au niveau du requérant (créancier ou débiteur) qu'à celui de la procédure utilisée. S'agissant des demandes présentées par les créanciers, le principal critère est normalement la cessation générale des paiements, quelle que soit la procédure. Dans le cas des demandes présentées par les débiteurs, un critère plus souple pourrait, du moins en pratique, être utilisé pour les deux procédures. Dans les pays qui appliquent une procédure judiciaire unitaire, cette distinction entre les deux catégories de requérants est aussi pertinente en ce qui concerne le critère d'ouverture. L'exception à cette approche concerne les pays qui, pour des raisons d'intérêt général, ne permettent au débiteur ou à un créancier d'utiliser les procédures de liquidation qu'une fois prouvée l'impossibilité d'un redressement, c'est-à-dire sur la base d'un critère qui n'est pas la cessation générale des paiements, mais, en fait, la constatation qu'un redressement ne peut être mené à bien. Conversion de la procédure de liquidation en procédure de redressement Dans les cas où il existe des procédures distinctes de liquidation et de redressement, le droit d'un créancier d'engager une procédure de liquidation judiciaire après constatation d'une cessation générale des paiements nécessite de prévoir des dispositions garantissant que les sociétés viables ont toujours la possibilité d'être redressées (voir chapitre 3). Il est donc important que la législation de l'insolvabilité permette de convertir une procédure de liquidation en procédure de redressement, à l'initiative du débiteur, de l'administrateur, du tribunal, voire des créanciers. Certains pays donnent aux débiteurs le droit d'obtenir cette conversion sans qu'ils aient à prouver qu'un redressement est possible. Cependant, de telles législations prévoient en général la possibilité de revenir à une procédure de liquidation si, en fait, le redressement n'est pas jugé réaliste. Dans les cas où le débiteur demande la conversion en procédure de redressement, une résolution des actionnaires peut être nécessaire pour prévenir tout abus de la part de la direction.
Conséquences de l'ouverture de la procédure Une fois engagée la procédure de liquidation judiciaire, l'administration des actifs du débiteur est normalement cédée à un liquidateur indépendant et ces actifs sont protégés contre les actions des créanciers. Dans quelle mesure faut-il suivre cette approche dans le cas de la procédure de redressement judiciaire étant donné son objectif? Suspension Dans une procédure de liquidation, l'une des raisons de la suspension des poursuites des créanciers est d'éviter un démembrement prématuré de l'entreprise, ce qui permet au liquidateur de maximiser la valeur des actifs de la masse. Il n'est donc pas surprenant qu'il soit crucial de prévoir une telle suspension dans le cadre d'une procédure de redressement. Une entreprise ne peut être redressée si elle est en cours de démembrement du fait de la saisie de ses actifs par les créanciers. De plus, puisque la procédure de redressement doit être organisée de manière à encourager les débiteurs à s'efforcer d'y avoir recours dès que possible, la suspension des poursuites des créanciers est une forte incitation pour les débiteurs à engager la procédure judiciaire. Celle-ci ayant en outre pour objet de maximiser la valeur des créances au moyen du redressement de l'entreprise, une telle suspension ne peut donc en soi être incompatible avec les intérêts de créanciers. La plupart des pays prévoient cette suspension et il est important qu'elle s'applique aussi aux créanciers garantis (voir infra). Administration par le débiteur Dès le début de la procédure de liquidation judiciaire, le débiteur est normalement dessaisi de l'exploitation de l'entreprise et des mesures sont mises en place pour protéger l'ensemble des actifs de l'entreprise contre ses actes. La propriété ou l'administration des actifs est transférée au liquidateur, qui est responsable de la gestion de la masse dans l'intérêt des créanciers. L'éviction du débiteur de la gestion de l'entreprise une fois la procédure de redressement judiciaire engagée est une question très controversée et qui reçoit une réponse différente selon les pays. Si les fonctions qu'il peut conserver dans l'entreprise étaient les mêmes que dans la procédure de liquidation, le débiteur ne serait à l'évidence guère incité à recourir de son plein gré à la procédure de redressement. En outre, une exclusion systématique de la direction en place risque de compromettre les chances de redressement, puisque c'est la direction qui parfois connaît le mieux le fonctionnement de l'entreprise. Compte tenu de ces considérations, l'une des solutions possibles est de permettre au débiteur de conserver la pleine maîtrise de l'exploitation de l'entreprise, la conséquence étant que le tribunal ne nomme pas un administrateur indépendant une fois la procédure judiciaire engagée. Cette solution a été retenue par les États-Unis, où prévaut la notion de «débiteur laissé en possession» pendant la procédure de redressement judiciaire. Nonobstant les avantages qu'elle présente, cette solution ne peut être retenue sans qu'il soit tenu compte de certaines considérations. La première concerne le type d'incitations qu'une telle approche peut créer. S'il se rend compte qu'il a tout à gagner (suspension des poursuites des créanciers et rien à perdre (pouvoirs dans l'entreprise), le débiteur peut être tenté d'utiliser la procédure de redressement judiciaire alors qu'à l'évidence le redressement est impossible (voir supra). Plus précisément, le débiteur dont la situation n'est plus viable peut essayer d'engager une telle procédure uniquement pour différer une issue inévitable, la conséquence étant que ses actifs continuent d'être dissipés. C'est pourquoi, au lieu de faciliter le redressement de l'entreprise, une telle approche risque purement et simplement d'encourager les débiteurs à retarder la liquidation au détriment des créanciers. Le second inconvénient d'un système qui permet au débiteur de conserver ses pleins pouvoirs est que, même si l'entreprise peut être redressée, il y a un risque qu'il agisse de façon irresponsable, voire frauduleuse, pendant la période en question. Non seulement les chances de redressement sont compromises, mais les créanciers sont lésés en cas de liquidation. Dans une certaine mesure, ces problèmes peuvent être atténués en prévoyant un mécanisme qui permet au tribunal (soit d'office, soit à la demande des créanciers) de convertir la procédure de redressement en procédure de liquidation lorsqu'il n'existe aucune perspective sérieuse de redressement ou qu'il est prouvé que le débiteur n'agit pas de façon responsable et de bonne foi. Les inconvénients de cette approche sont de laisser un pouvoir d'appréciation considérable au juge, ce qui risque de ne pas être efficace, en particulier si les moyens du système judiciaire sont limités. Compte tenu des considérations susmentionnées, une autre solution est d'imposer dans la procédure un partage des pouvoirs entre le débiteur et l'administrateur. Cette approche, que suivent un certain nombre de pays, permet au débiteur de garder la gestion courante de l'entreprise et de préparer un plan de redressement (voir infra), mais ses activités sont contrôlées par un administrateur judiciaire, qui doit en outre approuver toutes les opérations qu'il effectue (ou du moins les plus importantes). Cette approche non seulement est plus équilibrée par rapport au débiteur (perte de pouvoirs certes, mais maintien de la possibilité d'un redressement), ce qui réduit les risques d'abus, mais aussi protège les intérêts des créanciers pendant la procédure judiciaire, puisqu'elle permet à un tiers indépendant d'obtenir suffisamment d'informations pour juger de la viabilité de l'entreprise, et limite les possibilités pour le débiteur de dissiper ses actifs. Si la loi peut autoriser le tribunal à déterminer l'étendue des pouvoirs de l'administrateur au cas par cas, l'octroi au juge d'un pouvoir d'appréciation trop vaste contient ses propres risques et peut compromettre l'efficacité d'un tel partage. En outre, lorsque les règles répartissant les compétences ne sont pas assez précises, les parties intéressées ne peuvent savoir avec certitude comment fonctionne la procédure de redressement judiciaire. Cependant, si le débiteur fait preuve d'une mauvaise gestion flagrante ou gaspille ou détourne les actifs de l'entreprise, le tribunal doit, d'office ou à la demande de l'administrateur ou des créanciers, pouvoir écarter complètement le débiteur de la direction de l'entreprise.
Conversion en liquidation Comme le débiteur risque d'abuser de la procédure de redressement judiciaire, il est important que la loi prévoie un mécanisme pour la convertir en procédure de liquidation judiciaire. Dans ce mécanisme, un rôle central doit revenir à l'administrateur. À part la direction, l'administrateur est d'ordinaire celui qui connaît le mieux les affaires de l'entreprise et qui, très souvent, se rend compte rapidement si elle est viable ou non. En conséquence, il semble judicieux de lui conférer le pouvoir de recommander au tribunal de convertir la procédure de redressement en procédure de liquidation s'il établit soit qu'il n'y a aucune chance raisonnable d'un retour à la viabilité, soit que le débiteur ne coopère pas avec lui (refus de communication d'informations, etc.) ou agit par ailleurs de mauvaise foi (transferts frauduleux par exemple). Il est également judicieux de donner aux créanciers, peut-être par l'intermédiaire du comité des créanciers, le droit de demander au tribunal de procéder à cette conversion pour des motifs analogues. Enfin, ce pouvoir peut également être accordé au tribunal, qui alors procède d'office à la conversion. L'application effective de cette mesure de protection dépend en fin de compte de la qualité du système judiciaire, ce qui, dans certains pays, peut être problématique. L'une des solutions possibles est de compléter cette mesure par une disposition permettant aux créanciers d'opérer eux-mêmes; la conversion par un vote qui peut être organisé à tout moment (ou après un délai initial prescrit), éliminant ainsi le rôle du tribunal dans le processus. La difficulté est alors que, à moins qu'une majorité très élevée ne soit exigée, les créanciers peuvent en fait disposer de pouvoirs trop importants et les utiliser pour convertir la procédure avant même que le débiteur ait eu la chance de préparer un plan. Une autre solution est de combiner le pouvoir du tribunal de procéder à la conversion à tout moment avec l'obligation d'y procéder à l'expiration d'un délai prescrit par la loi. Ainsi, il serait impossible de poursuivre la procédure de redressement judiciaire au-delà du délai prescrit (par exemple, 120 jours à compter de son ouverture), que le tribunal ne pourrait proroger. Si elle comporte le risque d'imposer des contraintes qui peuvent se révéler injustifiées dans certains cas, cette solution a l'avantage d'offrir à tous les acteurs une ligne de conduite claire qui facilite la préparation et l'approbation du plan. Une variante de cette approche, qui donne davantage de pouvoirs aux créanciers (et évite que le délai maximum ne soit perçu comme un objectif), consiste à établir un délai initial (60 ou 90 jours peut-être) qui pourrait être prorogé uniquement par les créanciers à l'issue d'un vote (sur la base éventuellement d'un rapport de l'administrateur sur la faisabilité du redressement), mais, en aucun cas, au-delà d'un délai maximum (120 jours éventuellement).
Le plan de redressement Auteur Pour que la procédure de redressement atteigne les objectifs énoncés au début du présent chapitre, il faut donner au débiteur la possibilité de préparer un plan de redressement. Si cette occasion lui est refusée, il peut être moins incité à utiliser la procédure de redressement. En outre, étant donné que, dans certains pays du moins, l'un des objectifs de cette procédure est de favoriser le développement d'une classe d'entrepreneurs, ne pas permettre au débiteur de préparer un plan (qui probablement lui laissera une certaine fraction du capital ou certaines fonctions de gestion) risque de compromettre la réalisation de cet objectif, car il perd en fait tout espoir d'avoir une «seconde chance». Enfin, et c'est peut-être le plus important, le débiteur étant éventuellement le mieux placé pour choisir les mesures à prendre afin que l'entreprise redevienne viable, l'autoriser à préparer le plan peut améliorer les perspectives de redressement. Il convient ensuite de se demander si le débiteur doit avoir le pouvoir exclusif de préparer le plan de redressement; sinon, qui peut s'en charger et quand? Puisque le plan ne peut être couronné de succès que s'il est approuvé par les créanciers à la majorité requise, le redressement risque toujours de ne pouvoir être mené à bien parce que le plan présenté par le débiteur n'est pas acceptable -- et non parce que l'entreprise n'est plus viable. Par exemple, les créanciers peuvent souhaiter approuver un plan uniquement s'il prive les actionnaires de leur participation majoritaire (voire de la totalité de leur participation) dans l'entreprise ou la direction en place de ses attributions. Si le débiteur est le seul à pouvoir préparer le plan et refuse de tenir compte de ces considérations, le redressement sera un échec, au détriment des créanciers, des salariés et de l'économie en général. En conséquence, pour accroître les chances de redressement de l'entreprise, il peut être nécessaire de ne pas conférer au débiteur le droit exclusif de proposer un plan. L'une des solutions qui continuent néanmoins d'offrir certaines incitations au débiteur pour qu'il utilise la procédure de redressement judiciaire consiste à prévoir un délai initial pendant lequel il a le privilège exclusif de proposer un plan et de permettre aux créanciers, à l'expiration de ce délai, de présenter eux aussi un plan (éventuellement par l'intermédiaire du comité des créanciers dont les caractéristiques sont examinées au chapitre 5). Si une telle approche est adoptée, il peut être utile d'envisager de limiter le pouvoir du tribunal de proroger cette période d'exclusivité. Comme dans le cas de la conversion du redressement en liquidation, si l'imposition de délais fixes dans la loi risque parfois d'avoir des résultats arbitraires, elle accroît la confiance dans les procédures dans les pays où les ressources du système judiciaire sont limitées. En pratique, le simple fait que les créanciers puissent présenter un plan encourage le débiteur à proposer rapidement un plan ayant de bonnes chances d'obtenir l'appui des créanciers. Comme souvent dans la procédure de redressement, offrir une telle occasion aux créanciers est le moyen de pression dont l'un des acteurs a besoin pour persuader les autres de négocier un compromis. Une fois que le débiteur a épuisé les possibilités qui lui sont offertes de présenter un plan, il peut être judicieux de donner à l'administrateur le droit de proposer un plan qui remplace ou complète celui des créanciers. Étant donné qu'il aura eu l'occasion de se familiariser avec l'entreprise, il sera bien placé pour prendre les mesures indispensables au rétablissement de sa viabilité. Si ce pouvoir doit être conféré à l'administrateur, il est toutefois important qu'il ait la compétence requise pour ce travail, qui exige un haut degré de spécialisation. Que l'administrateur ou les créanciers aient le pouvoir de proposer un plan est une question qui en fait est peut-être moins importante lorsque le plan ne peut entrer en vigueur sans être approuvé par les créanciers à la majorité requise : lorsqu'il conçoit le plan, l'administrateur doit à l'évidence veiller à ce qu'il soit acceptable par les créanciers. Cependant, lorsque l'approbation des créanciers n'est pas nécessaire ou peut être annulée par le tribunal, le pouvoir donné à l'administrateur de proposer un plan peut avoir des conséquences importantes sur le contenu de ce plan. En outre, quelques pays prévoient que le tribunal doit examiner les observations que font sur le plan les tiers (organismes publics ou syndicats, par exemple). Cette condition risque d'allonger la procédure judiciaire et doit faire l'objet d'un suivi étroit par le tribunal, éventuellement par l'imposition de délais. Si la loi peut offrir à un certain nombre de parties intéressées la possibilité de proposer un plan, il est en général recommandé d'éviter que plusieurs plans soient proposés simultanément. Cette multiplicité des plans (plans rédigés par les créanciers inclus) ne peut que compliquer le processus de négociation et compromettre l'efficacité de la procédure de redressement judiciaire.
Contenu Dans la quasi-totalité des pays, la législation exige, à des degrés divers, que le plan de redressement renseigne suffisamment et clairement toutes les parties sur la situation financière de la société, ainsi que sur les changements que son initiateur propose d'apporter à leurs droits. (Quelques pays imposent en outre des limites au contenu du plan.) Cela dit, le contenu du plan ne peut guère se définir sans tenir compte des conditions de son approbation et des effets de cette approbation. En règle générale, dans la mesure où un plan peut être approuvé et appliqué malgré l'opposition de certains créanciers, la loi doit faire en sorte qu'il protège suffisamment ces créanciers. Certaines limites peuvent résulter d'autres lois, dont le bien-fondé mérite d'être évalué. Par exemple, il est impossible d'approuver un plan qui prévoit une conversion de dette en capital si le droit des sociétés interdit cette opération; la conversion de dette en capital pouvant jouer un rôle important dans le redressement, il est nécessaire de lever cette interdiction, du moins dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire : si le plan se limite à prévoir une remise de dette ou à allonger les échéances, il risque de ne pas recevoir l'appui des créanciers et, ce qui est même plus grave, de ne pas aboutir au redressement de la société7. Dans d'autres cas, les considérations de politique législative sont plus complexes. À la différence des conversions de dette en capital, l'élimination des restrictions à l'investissement étranger, en particulier l'investissement direct, peut donner lieu à discussion. D'un côté, une telle restriction risque de limiter les chances d'un redressement effectif dans les cas où les créanciers non résidents sont nombreux. De l'autre, lorsqu'une crise financière touche l'ensemble du secteur des entreprises, les pays peuvent craindre que la procédure de redressement judiciaire ne permette à des créanciers étrangers de prendre une participation majoritaire dans des entreprises importantes sur le plan national. De même, la flexibilité que peut proposer un plan dans l'application du droit du travail aux salariés risque d'être limitée, à moins que la législation de l'insolvabilité ne prévoie des dérogations explicites. S'il est en général admis que les conditions de tout accord sur l'emploi approuvé dans un plan ne doivent pas s'écarter des normes établies par la législation du travail, il est plus difficile de savoir si, par exemple, un plan peut ou non modifier effectivement une convention collective en vigueur.
Approbation et effets Les règles concernant l'approbation et les effets du plan doivent concilier un certain nombre de considérations divergentes. D'une part, il est important qu'elles prévoient comment imposer le plan aux créanciers minoritaires, afin non seulement d'accroître les chances de redressement, mais aussi de faire participer les créanciers à la résolution des crises financières. D'autre part, dans la mesure où elle aboutit à léser gravement les créanciers sans leur consentement, la procédure d'approbation risque de leur ôter l'envie d'accorder ultérieurement des crédits et ce, au détriment de l'économie en général. Toute discussion des questions relatives à l'approbation et aux effets du plan est inextricablement liée à celle des points que soulève son contenu et, dans les cas où le plan peut être imposé à des créanciers dissidents, la loi doit protéger suffisamment les intérêts de ceux-ci. Créances garanties et créances privilégiées Les créances garanties représentent souvent une fraction importante du passif de l'entreprise. Dans la mesure où la loi reconnaît, comme dans les concordats classiques, qu'un plan approuvé n'empêche nullement les créanciers garantis d'exercer leurs droits, il n'est pas nécessaire en général de leur donner le droit de participer au vote, puisqu'ils ne sont pas lésés par le plan. Les créanciers privilégiés sont traités de la même manière. Ces créanciers (y compris, par exemple, ceux dont la créance est née postérieurement à la demande et -- en vertu de la loi -- les salariés) ne participent pas au vote pour ou contre le plan, mais ont le droit, dès l'approbation de celui-ci, d'être payés intégralement; le plan ne peut réduire la valeur de leurs créances. Le point faible de l'approche mentionnée au paragraphe précédent est qu'elle réduit effectivement les chances de redressement. Dans le cas des créanciers garantis par exemple, les actifs grevés peuvent jouer un rôle crucial dans le succès du plan. En conséquence, à moins qu'ils ne soient liés par le plan ou que celui-ci les désintéresse complètement, ces créanciers risquent de rendre le plan inapplicable en exerçant leurs droits. De même, il arrive parfois que la seule façon de mener à bien un plan de redressement est de ne pas donner aux créanciers privilégiés la pleine valeur de leurs créances au moment de l'approbation du plan. L'une des solutions que certains pays ont adoptées pour résoudre ce problème est de permettre aux créanciers garantis et aux créanciers privilégiés de voter en tant que groupes distincts pour ou contre un plan qui par ailleurs réduit la valeur de leurs créances. La création de catégories distinctes est jugée nécessaire puisque ces créanciers jouissent en cas de liquidation de droits diffèrents de ceux des créanciers chirographaires et ont en conséquence des intérêts qui ne sont pas les mêmes. Dans la mesure où chaque catégorie l'approuve à la majorité, le plan lie tous les créanciers garantis ou privilégiés. Cela étant, la loi exige que les créanciers minoritaires puissent recevoir un montant au moins égal à celui dont ils auraient bénéficié en cas de liquidation. Une majorité de créanciers garantis peut être prête à accepter une réduction de la valeur de ses créances lorsqu'elle a intérêt à long terme à la continuation de l'entreprise (institutions financières par exemple) et que cette continuation exige l'adoption d'un plan assorti de conditions moins favorables qu'un paiement immédiat au comptant des garanties. De même, les salariés qui jouissent d'un privilège peuvent fort bien accepter de ne pas recevoir le paiement intégral de leurs arriérés de salaire si cette mesure est nécessaire pour la survie de l'entreprise. Créanciers chirographaires Même si la loi ne prévoit aucune participation des créanciers garantis et des créanciers privilégiés au vote dont doit faire l'objet le plan de redressement, elle doit permettre effectivement aux créanciers chirographaires de voter pour ou contre ce plan. Un certain nombre de mécanismes peuvent être utilisés pour accroître les chances d'approbation du plan par ces créanciers. Majorités. Qu'un vote par catégorie de créanciers soit ou non prévu, toute législation de l'insolvabilité doit énoncer les règles précisant le niveau minimum d'adhésion que le plan doit recueillir auprès des créanciers chirographaires pour qu'il les lie, ainsi que la procédure de vote à suivre pour exprimer cette adhésion. Diverses majorités peuvent être envisagées (deux tiers ou trois quarts de la valeur totale des créances chirographaires), les chances d'approbation du plan augmentant à mesure que le niveau minimum d'adhésion diminue. Il convient à cet égard de se demander s'il faut tenir compte exclusivement pour le résultat du vote du pourcentage des créances qui soutiennent le plan ou prendre également en considération le nombre des créanciers favorables au plan. Par exemple, la loi peut exiger que le plan soit approuvé par i) les deux tiers du montant des créances et ii) la moitié des créanciers. Si elle alourdit en fait le mécanisme d'approbation, cette double condition peut se justifier sur la base du principe que la législation de l'insolvabilité est conçue pour être une procédure judiciaire collective : elle empêche le créancier qui pourrait détenir plus de la moitié de la dette en valeur d'imposer le plan contre la volonté de tous les autres. En ce qui concerne la procédure de vote, beaucoup de pays jugent préférable de calculer le pourcentage d'approbation du plan sur la base des créanciers qui participent effectivement au vote. On considère que les absents ne manifestent guère d'intérêt pour la procédure judiciaire, en général parce que leurs créances sont peu élevées. Dans la mesure où cette approche est suivie, il est crucial qu'une publicité préalable suffisante soit réellement faite. Ce point est particulièrement important lorsque les créanciers non résidents sont nombreux. Catégories. Certains pays qui ont établi des catégories pour les créanciers garantis et les créanciers privilégiés répartissent également entre différentes catégories les créanciers chirographaires8. La création de ces catégories vise à améliorer les perspectives de redressement au moins à deux égards. Premièrement, comme dans le cas des créanciers garantis et des créanciers privilégiés, ces catégories permettent d'identifier les divers intérêts économiques des créanciers chirographaires et d'aménager en conséquence le plan. L'expérience montre qu'à l'instar des créanciers garantis et des créanciers privilégiés, les créanciers chirographaires ne partagent pas tous les mêmes attentes à l'égard du plan. Par exemple, il se peut que certains d'entre eux (les prestataires de services dont le contrat est résilié, notamment) souhaitent seulement recevoir un paiement comptant immédiat, alors que d'autres (en particulier les fournisseurs dont le contrat n'est pas résilié) qui, à long terme, ont intérêt à rester en contact avec l'entreprise peuvent être prêts à accepter un paiement différé ou une participation au capital. Les créanciers soutiendront sans doute d'autant plus le plan de redressement que des catégories seront créées en fonction de leurs intérêts et que ce plan sera aménagé de façon à les satisfaire. En second lieu, comme on va le voir, la création de catégories de créanciers chirographaires accroît également les chances de redressement en ce sens qu'elle permet au tribunal de se prévaloir de l'appui que donne au plan, à la majorité requise, l'une des catégories pour imposer ce plan aux autres. «Adhésion forcée». Quelques pays qui donnent aux créanciers garantis et aux créanciers privilégiés la possibilité de voter pour ou contre le plan et qui prévoient différentes catégories de créanciers chirographaires appliquent en outre un mécanisme qui permet d'imposer à toutes les catégories de créanciers (créanciers garantis et créanciers privilégiés inclus) sans leur consentement un plan qui a recueilli l'adhésion de l'une d'elles. Ce mécanisme, dont l'objet est d'accroître les chances de redressement, aboutit à une «adhésion forcée» des autres catégories. Si ce mécanisme est utilisé (voir infra pour son bien-fondé), il est important de protéger les créanciers dissidents pour que les règles de priorité établies dans les procédures de liquidation soient respectées. En particulier, les lois qui s'efforcent de protéger les droits relatifs des catégories de créanciers qui s'opposent au plan non seulement assurent le niveau minimum de protection prévu pour chaque créancier dissident (afin qu'il reçoive un montant au moins égal à celui dont il aurait bénéficié en cas de liquidation, voir supra), mais aussi appliquent ce que l'on appelle la «règle de la préférence absolue», en vertu de laquelle il est impossible d'obliger les catégories de créanciers qui s'opposent au plan à recevoir moins que la pleine valeur de leurs créances si les créanciers de rang inférieur reçoivent une somme quelconque à titre de désintéressement9. La création de catégories de créanciers et l'«adhésion forcée» compliquent la loi et son application par le tribunal et l'administrateur. Lorsque l'infrastructure institutionnelle est assez bien développée, cette complexité peut se justifier étant donné surtout que les points faibles du concordat de type classique risquent de réduire sensiblement les chances de redressement. En revanche, lorsque cette infrastructure est limitée, l'adoption de telles règles exige mûre réflexion, car, entre autres, leur application peut exiger de larges pouvoirs discrétionnaires pour trancher certaines questions d'ordre économique. Par exemple, c'est souvent le tribunal qui crée des catégories distinctes de créanciers chirographaires sur la base des intérêts économiques de ces créanciers. Lorsque les créanciers doutent que l'infrastructure institutionnelle permette d'exercer ce pouvoir d'appréciation avec compétence, indépendance et prévisibilité, ces règles risquent en fait de saper leur confiance. Actionnaires. Certaines législations prévoient que le plan doit être approuvé par les actionnaires de l'entreprise, du moins lorsqu'il modifie la forme de la société, la structure du capital ou le nombre des actionnaires. En outre, dans les cas où le plan est proposé par la direction de l'entreprise, il se peut que les actionnaires en aient déjà approuvé les conditions. Il est possible que, selon la nature de l'entreprise (société de capitaux ou de personnes), ses statuts imposent cette approbation. Il en est particulièrement ainsi lorsque le plan prévoit la conversion de dettes en capital par un transfert ou l'émission d'actions. Cependant, dans les cas où la loi permet aux créanciers ou à l'administrateur de proposer un plan, et où ce plan envisage une conversion de dettes en capital, il peut, dans certains pays, être approuvé malgré l'opposition des actionnaires, nonobstant les statuts de l'entreprise. Avec un tel plan, les actionnaires risquent donc d'être écartés intégralement, sans leur consentement, de la nouvelle entreprise. Approbation par le tribunal. Nombre de pays permettent au tribunal de jouer un rôle actif en rendant obligatoire pour des catégories de créanciers un plan qu'ils n'ont pas approuvé (voir supra). À l'inverse, lorsque les créanciers ont approuvé le plan à la majorité requise, le tribunal a normalement le pouvoir de le rejeter au motif que les intérêts des créanciers dissidents ne sont pas suffisamment protégés (par exemple, ils reçoivent moins que ce qu'ils auraient obtenu en cas de liquidation), ou s'il existe des preuves de fraude dans le processus d'approbation. En outre, certaines législations peuvent donner au tribunal le pouvoir de rejeter un plan au motif qu'il n'est pas réaliste : par exemple, les créanciers garantis ne sont pas désintéressés complètement par un plan qui ne s'impose pas à eux; dans ce cas, le tribunal peut rejeter le plan s'il estime que ces créanciers exerceront leurs droits sur les biens grevés et qu'ainsi le plan ne sera pas viable. Cependant, ce risque est très limité si un administrateur qualifié et indépendant a participé aux opérations de préparation et d'approbation du plan. Il est probable que, dans de tels cas, le tribunal accepte un plan déjà approuvé par les créanciers à la majorité requise. Une fois le plan approuvé par le tribunal, plusieurs pays permettent au tribunal d'autoriser l'administrateur ou un contrôleur à exercer, à des degrés divers, une surveillance continue sur les affaires du débiteur.
Procédure judiciaire : autres questions Un certain nombre de questions à aborder lorsqu'on envisage de mettre au point des procédures efficaces de liquidation ont été identifiées au chapitre 3. Ces questions se posent également dans le cas des procédures de redressement. Si elles sont résolues d'une manière qui permet à l'administrateur de maximiser la valeur des actifs de la masse avant la liquidation, les chances d'un redressement efficace s'en trouvent accrues. La présente section résume les questions qui méritent une attention particulière dans le cadre du redressement. Elle étudie aussi les points que soulève le traitement des concours financiers postérieurs à l'ouverture de la procédure judiciaire, concours dont le rôle est crucial pour le succès de celles-ci, et examine brièvement les avantages des procédures de faillite fondées sur un accord préalable. Traitement des actifs grevés et des créanciers garantis Les procédures de redressement ne seront efficaces que si elles permettent de suspendre l'exercice par les créanciers garantis de leurs droits sur les biens grevés. Grâce à une telle suspension, ces créanciers ne peuvent démembrer l'entreprise, ni en empêcher la continuation. Si la suspension revêt une importance considérable dans le cadre du redressement et, contrairement à ce qui se passe dans le cas de la liquidation, devrait être appliquée tout au long de la procédure judiciaire, il n'en reste pas moins nécessaire de veiller à ce que les intérêts de ces créanciers soient suffisamment protégés. À la différence de la procédure de liquidation judiciaire qui est normalement assez rapide, celle de redressement risque d'être lente. Durant la période en question, la valeur des sûretés offertes aux créanciers peut diminuer sensiblement et les moyens dont dispose l'administrateur pour leur assurer une protection suffisante devenir plus limités. Si tel est le cas, il est impérieux que le créancier garanti puisse demander à être exempté de la suspension. Limiter la durée de la procédure de redressement judiciaire peut aussi aider à résoudre ce problème.
Nullité des actes de la période suspecte Les pouvoirs d'annulation sont d'une très grande utilité pour les entreprises qui utilisent les procédures de redressement. Cependant, les considérations évoquées au chapitre 3 en ce qui concerne les inconvénients de ces pouvoirs restent pertinentes lorsqu'on examine les coûts et les avantages de ces pouvoirs dans le cas des procédures de redressement. Un problème particulier se pose lorsque le débiteur conserve la maîtrise totale de l'exploitation de l'entreprise durant la procédure judiciaire et qu'un administrateur n'est pas nommé. Il se peut alors qu'il faille permettre aux créanciers de demander au tribunal d'annuler les opérations antérieures à l'ouverture de la procédure, car le débiteur peut hésiter à faire annuler une opération en cas de conflit d'intérêt (par exemple, aliénation au profit d'un initié). Cependant, cette solution -- qui n'est peut-être pas satisfaisante -- milite en faveur de la nomination d'un administrateur dans le contexte du redressement, en particulier si des prêts importants entre entités d'un même groupe ont été effectués et si des actes de la période suspecte sont argués de fraude.
Traitement des contrats en cours Le sort des contrats dans le cadre de la liquidation, et notamment leur continuation, exigent un certain nombre de choix difficiles (voir chapitre 3). À certains égards, la difficulté est encore plus grande dans le cadre du redressement. Plus précisément, lorsqu'un pays ne prévoit pas l'annulation des clauses de résiliation des contrats dès l'ouverture de la procédure judiciaire, il est plus difficile pour l'entreprise de se redresser si les contrats en question sont essentiels (baux par exemple). En ce qui concerne le pouvoir de résiliation des contrats, le traitement des contrats de travail revêt une importance particulière. Dans la liquidation, le pouvoir de résilier ces contrats n'a d'importance que si l'entreprise est cédée à un repreneur. Dans le redressement, le pouvoir qu'a le débiteur de résilier de tels contrats peut être une raison suffisante pour entamer la procédure judiciaire et les pays peuvent juger nécessaire de le limiter.
Financement postérieur à l'ouverture de la procédure Dans le cours de la procédure de liquidation judiciaire, il peut être nécessaire de continuer temporairement l'entreprise et, à cet effet, le liquidateur peut avoir besoin de crédits, lesquels sont traités comme des frais d'administration. S'agissant du processus de redressement, la continuation de l'entreprise est essentielle et il est donc important que la loi confère à l'administrateur le pouvoir d'obtenir les crédits nécessaires. Aussi faut-il définir l'étendue de ce pouvoir ou, plus précisément, l'ensemble des incitations que l'administrateur peut offrir aux créanciers éventuels. On admet en général que l'administrateur peut obtenir des crédits non garantis sans l'approbation des créanciers ou du tribunal et que ces crédits sont traités comme des frais d'administration. Dans les cas où les crédits ne sont pas consentis dans le cours normal des opérations de l'entreprise, certains pays exigent l'approbation du tribunal ou des créanciers. De nombreux pays autorisent en outre l'administrateur à donner en garantie des biens non grevés ou une sûreté de second rang sur des biens déjà grevés. En outre, si de telles incitations sont insuffisantes (voire impossibles à offrir), certains pays permettent à l'administrateur de conférer aux créanciers un «super» privilège d'administration, c'est-à-dire un rang supérieur à celui des autres détenteurs de créances d'administration. Une solution extrême est d'autoriser l'administrateur, lorsqu'il ne peut obtenir autrement des crédits, à accorder aux créanciers dont la créance prend naissance postérieurement à la demande d'ouverture de la procédure un «super» droit de préférence, c'est-à-dire supérieur à tous les autres. Cependant, une telle solution risque de freiner l'octroi de crédits garantis et n'est donc pas recommandée.
Plans de redressement préparés et négociés avant l'ouverture de la procédure Pour renforcer l'efficacité du processus de redressement, certains pays autorisent l'approbation de plans de redressement «préemballés». Dans ces cas, le plan est négocié et voté avant le début de la procédure judiciaire et son approbation est demandée au tribunal dès l'ouverture de la procédure. Comme variante de cette approche, le plan peut être négocié avant l'ouverture de la procédure, mais le vote officiel a lieu une fois la procédure engagée. À la différence de la seconde approche, la première nécessite normalement l'adoption de règles spécifiques (législatives ou réglementaires). Cette technique présente beaucoup d'intérêt. En effet, elle reprend l'avantage le plus important du redressement approuvé par le tribunal (la possibilité d'imposer un plan à des créanciers qui s'y opposent), mais, en même temps, s'efforce de tirer parti de l'efficacité que comporte ce processus informel. Du point de vue du débiteur, elle lui donne l'assurance de garder la direction de l'entreprise et, dans l'ensemble, elle réduit au minimum les perturbations dans le fonctionnement de l'entreprise. Lorsque l'infrastructure institutionnelle est limitée, abréger la procédure judiciaire formelle est particulièrement important. Naturellement, l'inconvénient le plus grave de cette technique est que le débiteur n'est nullement protégé (par la suspension des poursuites) pendant qu'il négocie avec ses créanciers. 5 Institutions et acteurs Les créanciers Les créanciers étant les principaux bénéficiaires du processus d'insolvabilité, la loi doit être conçue et appliquée d'une manière qui leur permet d'y jouer un rôle actif. Ils doivent en règle générale prendre un certain nombre de décisions essentielles. Par exemple, pendant la procédure de liquidation judiciaire, il est souhaitable que les créanciers puissent renvoyer le liquidateur (voir infra) ou approuver la continuation temporaire de l'entreprise par le liquidateur ou une vente de gré à gré. Au cours de la procédure de redressement judiciaire, les créanciers doivent normalement avoir le pouvoir de renvoyer l'administrateur, ainsi que de proposer et d'approuver un plan de redressement. En outre, la loi doit leur offrir la possibilité de demander ou de recommander au tribunal de prendre certaines mesures (par exemple, convertir une procédure de redressement en une procédure de liquidation). Donner un rôle actif aux créanciers dans le processus d'insolvabilité est particulièrement important lorsque le cadre institutionnel présente des insuffisances. Les créanciers perdent confiance dans le processus si toutes les décisions essentielles sont prises par des personnes qui semblent n'avoir qu'une expérience ou une indépendance limitée. Quel que soit le rôle que leur confère la loi, les créanciers ne peuvent le remplir de façon efficace que si la procédure judiciaire est transparente. Il est donc impérieux qu'ils soient dûment avertis des assemblées et des décisions importantes et qu'ils soient suffisamment informés pour prendre leurs décisions en connaissance de cause. Étant donné le nombre croissant des procédures judiciaires d'insolvabilité faisant intervenir des créanciers étrangers, il est souhaitable que la loi autorise le vote par correspondance ou par procuration. Lorsque les créanciers sont nombreux, la création d'un comité des créanciers rend le processus cohérent et efficace. La loi doit normalement prévoir la création de comités de cette nature, dont le coût est à la charge de la masse. Dans l'intérêt de tous les acteurs, il est souhaitable que le tribunal ait le pouvoir de limiter les coûts excessifs dont le comité pourrait être à l'origine de façon à empêcher tout abus de la part des conseillers professionnels ou la multiplication de ceux-ci. Bien que le comité des créanciers ne joue qu'un rôle consultatif dans la prise de décision (normalement, la loi ne lui confère pas le pouvoir de prendre des décisions majeures au nom de tous les créanciers), ce rôle peut en pratique être fondamental. Habituellement, ce comité fait des recommandations aux créanciers sur les décisions cruciales à prendre (approbation d'un plan par exemple) et au tribunal sur la solution à apporter aux questions importantes. Bien que le tribunal doive écouter tous les créanciers avant de statuer, le point de vue du comité a normalement une influence considérable. Le comité des créanciers peut non seulement faciliter la prise de décision, mais aussi jouer un rôle important dans la négociation d'un plan de redressement. L'expérience montre que, lorsque les créanciers sont nombreux et ont des intérêts divergents, l'une des pierres d'achoppement est la résolution des problèmes entre créanciers, que peut grandement faciliter la création d'un comité des créanciers doté d'un conseiller financier unique. L'une des principales fonctions de ce conseiller est d'amener les créanciers à s'entendre sur les éléments du plan. L'existence d'un comité peut accroître les flux d'informations, les débiteurs étant plus enclins à communiquer des renseignements particulièrement confidentiels à un petit comité qu'à l'ensemble des créanciers, surtout lorsque les membres du comité se sont astreints par écrit à un devoir de confidentialité. Pour que les comités des créanciers jouent ce rôle, il est important d'en éviter la multiplication. En même temps, il est difficile de créer un comité restreint et gérable si les créanciers sont nombreux et ont des intérêts divergents. Bien que la valeur des créances doive être prise en considération pour déterminer qui doit faire partie d'un comité, ce point n'est pas le seul dont il faille tenir compte. Les chances de redressement sont d'autant plus grandes que le plan s'efforce d'intégrer les différents intérêts économiques des créanciers. Pour cette raison, il est important que la composition du comité reflète ces intérêts. Ainsi, par exemple, il peut être utile qu'y soient représentés des créanciers comme les porteurs d'obligations, les salariés, les institutions financières et les fournisseurs10.
Le liquidateur et l'administrateur Le liquidateur et l'administrateur jouent un rôle capital dans l'application effective de la loi. Bien qu'elles diffèrent profondément, leurs fonctions respectives sont analogues sur un point important. Auxiliaires nommés par le tribunal, le liquidateur et l'administrateur ont l'obligation de veiller à ce que la loi soit appliquée effectivement et de manière impartiale. En outre, puisqu'ils sont normalement les mieux renseignés sur la situation du débiteur, ils sont les mieux placés pour prendre des décisions en connaissance de cause. Cela ne signifie pas toutefois qu'ils remplacent le tribunal : pour la régularité du processus, il faut qu'un tribunal compétent tranche les litiges entre le liquidateur et les parties intéressées. Même dans les pays où les moyens du système judiciaire posent de graves problèmes, les pouvoirs que la loi confère au liquidateur et à l'administrateur sont limités. Qualifications et nomination Dans quelle mesure le liquidateur et l'administrateur doivent-ils avoir des qualifications différentes? D'une part, leurs rôles ne sont pas apparemment les mêmes : le liquidateur gère, rassemble et répartit les actifs, ce qui peut nécessiter des connaissances en comptabilité, alors que l'administrateur surveille l'exploitation de l'entreprise, faisant des recommandations sur sa viabilité et préparant éventuellement un plan, ce qui peut exiger des connaissances dans les domaines de la gestion et des affaires. En fait, toutefois, leurs qualifications sont essentiellement les mêmes : connaissances juridiques, impartialité et expérience suffisante en matière commerciale et financière. Si des connaissances spécialisées sont nécessaires pour gérer une entreprise en particulier, l'administrateur peut toujours faire appel à des experts. En ce qui concerne les compétences et l'intégrité des liquidateurs et des administrateurs, il convient d'examiner la possibilité de laisser ces professions s'autoréglementer et déterminer les qualifications voulues. Les liquidateurs et les administrateurs doivent être nommés par le tribunal. Il est en général recommandé que cette nomination soit faite à partir d'une liste de candidats présentant les conditions requises, que peut fournir, lorsqu'il existe, leur Ordre professionnel. Pour éviter tout risque de collusion, un liquidateur ou un administrateur ne peut être nommé si ses relations avec le débiteur, l'un des créanciers ou un membre du tribunal font apparaître un conflit d'intérêts. Révocation La loi doit permettre de révoquer le liquidateur ou l'administrateur par une décision prise soit par la majorité des créanciers chirographaires, soit par le tribunal agissant d'office ou à la demande de l'une des parties intéressées. Dans le second cas, le tribunal doit normalement prendre sa décision après avoir établi que le liquidateur a violé les obligations que lui impose la loi. En revanche, la révocation par les créanciers ne nécessite pas d'ordinaire d'être justifiée, encore que la loi puisse impartir dans ce cas un délai maximum à compter de l'ouverture de la procédure. Rémunération Diverses solutions peuvent être utilisées pour calculer les honoraires -- par exemple, un taux horaire ou un pourcentage de la valeur des sommes distribuées aux créanciers chirographaires (en cas de liquidation) ou des actifs de l'entreprise (en cas de redressement). Quelle que soit la solution adoptée, il est essentiel qu'elle soit transparente et que les créanciers connaissent la méthode de calcul dès le début de la procédure judiciaire. Il convient de ne pas laisser au tribunal le pouvoir de fixer discrétionnairement les honoraires. Responsabilité Auxiliaires nommés par le tribunal, le liquidateur et l'administrateur ont une obligation de diligence à l'égard de toutes les parties intéressées et doivent donc être responsables envers elles des violations de cette obligation. Quelle est la norme dans ce domaine? En général, elle ne doit pas être plus rigoureuse que celle applicable en cas de négligence et doit tenir compte de la situation difficile dans laquelle le liquidateur ou l'administrateur se trouve lorsqu'il exécute ses fonctions. Il serait d'autant plus difficile d'attirer des personnes qualifiées que la norme serait stricte. Il convient de souligner qu'il est possible de limiter efficacement la responsabilité du liquidateur ou de l'administrateur en faisant approuver à l'avance par les créanciers toute décision capitale (par exemple, la continuation de l'entreprise pendant la liquidation).
Le tribunal Tout au long du présent rapport, on a noté que la législation de l'insolvabilité ne peut être efficace que si le système judiciaire est doté de moyens suffisants pour l'appliquer. Bien que les solutions permettant de renforcer ces moyens n'entrent pas dans le champ d'application de la présente étude, on expose ci-après plusieurs questions qui présentent un intérêt général lorsque sont évoquées les relations entre les moyens du système judiciaire et le contenu de la législation de l'insolvabilité. Pouvoir d'appréciation Indépendamment de la qualité du système judiciaire, toutes les législations de l'insolvabilité doivent indiquer aux tribunaux comment exercer leur pouvoir d'appréciation lorsqu'il leur faut régler des questions d'ordre économique ou commercial. Cela est indispensable pour atteindre l'objectif de prévisibilité. Lorsque les ressources du système judiciaire sont limitées, il faut peut-être aussi envisager de ne pas donner au juge le pouvoir de décider de la viabilité des entreprises. Par exemple, donner au tribunal le pouvoir de rejeter le point de vue des créanciers sur de telles questions est un sujet à traiter avec une extrême prudence. En outre, il convient également d'envisager de subordonner la prorogation du délai imparti par la loi pour le redressement judiciaire à un vote des créanciers. Étant donné que les procédures d'insolvabilité sont judiciaires, le rôle du tribunal peut être réduit, mais non éliminé. On ne peut refuser aux parties intéressées la possibilité de saisir le tribunal si elles estiment que leurs droits ne sont pas suffisamment protégés. En outre, certaines décisions capitales (par exemple, celle d'ouvrir la procédure) ne peuvent être prises que par le tribunal. En conséquence, si les moyens du système judiciaire sont limités, il convient de s'employer à les renforcer; il est impossible de concevoir une législation de l'insolvabilité qui fasse abstraction du système judiciaire. Efficacité Les procédures judiciaires d'insolvabilité sont un processus dynamique. À la différence de nombreux contentieux, où le litige porte sur des faits passés, elles se déroulent en «temps réel» : tout retard dans la décision du tribunal peut avoir des effets négatifs sur la valeur des actifs ou la viabilité de l'entreprise. Il est donc indispensable que des mécanismes soient mis en place pour tenir rapidement les audiences et rendre les décisions peu après. De même, il est crucial de pouvoir disposer d'une procédure d'appel accélérée, mais qui, en tout état de cause, ne saurait avoir un effet suspensif. Spécialisation Pour des raisons d'efficacité et le bon exercice du pouvoir d'appréciation des juges, un certain nombre de pays ont établi des tribunaux spécialisés sous la forme soit de tribunaux des faillites, soit de tribunaux de commerce. Les juges nommés à ces tribunaux reçoivent souvent une formation spéciale et, parfois, viennent en fait du monde des affaires. Lorsqu'une telle approche est suivie, il est important que la loi donne au tribunal une compétence exclusive sur la totalité ou la plupart des questions qui ont un impact sur la masse (poursuite par le liquidateur de l'exécution des créances contractuelles du débiteur contre des tiers, notamment). Les exceptions à cette règle générale doivent être limitées et précises (actions pétitoires ou en responsabilité délictuelle, par exemple). 6 Questions se rapportant à l'insolvabilité internationale Les différences entre les législations nationales de l'insolvabilité ont des conséquences importantes dans le cas des entreprises qui ont des avoirs et des dettes dans divers pays. Si la succursale d'une entreprise située dans un pays devient insolvable, les créanciers de ce pays ont-ils le droit d'engager des procédures judiciaires d'insolvabilité alors que l'entreprise dans son ensemble reste solvable? Si l'entreprise tout entière est insolvable, doit-il y avoir des procédures distinctes dans chacun des pays où sont situées ses succursales? Cette approche est qualifiée de «territorialiste». Doit-il au contraire n'y avoir qu'une seule procédure, engagée dans le pays où se trouve le siège de la société ou le lieu où elle a été constituée? Cette approche est quant à elle qualifiée d'«universaliste». Doit-il n'y avoir qu'un seul liquidateur ou administrateur, ou un dans chaque pays où l'entreprise exerce des activités ou possède des actifs? Le liquidateur ou l'administrateur nommé dans un pays peut-il reprendre des actifs transférés frauduleusement par le débiteur dans un autre pays? Une comparaison des législations nationales montre que les pays n'apportent pas tous la même réponse à ces questions. D'un point de vue pratique, cette diversité des approches crée de nombreuses incertitudes et compromet l'application effective des législations nationales de l'insolvabilité dans un temps où les activités internationales sont de plus en plus importantes pour les grandes entreprises. Pour cette raison, un certain nombre d'initiatives ont été prises en vue d'améliorer la reconnaissance des procédures judiciaires étrangères, ainsi que la coopération dans ce domaine. Il convient à cet égard de citer l'adoption, en novembre 1995, de la Convention de l'Union européenne relative aux procédures d'insolvabilité. La Convention énonce des règles qui permettent de traiter les cas d'insolvabilité dans lesquels le débiteur a un établissement ou dispose d'actifs dans plus d'un État, y compris les règles concernant le choix de la loi applicable, la coopération entre les tribunaux et la reconnaissance des décisions et ordonnances judiciaires étrangères. Elle n'a pas été ratifiée par tous les États membres et son entrée en vigueur est toujours incertaine. En outre, le Comité des droits des créanciers et de l'insolvabilité de l'Association internationale du barreau (connu sous le nom de Comité J) a élaboré le Concordat sur l'insolvabilité internationale, qui doit aussi servir de cadre de coopération pour les cas d'insolvabilité impliquant plusieurs pays. Un événement particulièrement important a été l'adoption par la CNUDCI en 1997 de la Loi type sur l'insolvabilité internationale, négociée entre plus de 40 pays appliquant des systèmes juridiques très divers. L'une des principales caractéristiques de cette loi est qu'elle s'efforce de mettre en place une coopération certes limitée mais efficace, compatible avec tous les systèmes juridiques et, en conséquence, acceptable par tous les pays. Ses objectifs sont d'assurer cette coopération dans les cas d'insolvabilité internationale en prévoyant la reconnaissance des décisions étrangères et en donnant aux liquidateurs ou administrateurs étrangers la possibilité de participer aux procédures judiciaires locales. Une note sur cette loi type, préparée par le Secrétariat de la CNUDCI, est jointe en annexe au présent rapport. Annexe Loi type de la CNUDCI sur l'insolvabilité internationale (Note d'information préparée par le Secrétariat de la CNUDCI) I. OBJET DE LA LOI TYPE 1. La Loi type de la CNUDCI sur l'insolvabilité internationale, adoptée en 1997, a pour objectif d'aider les États à donner à leur législation sur l'insolvabilité un cadre moderne, harmonisé et équitable, en vue de traiter plus efficacement les cas d'insolvabilité internationale. 2. Les cas d'insolvabilité internationale auxquels s'applique la Loi type sont les suivants : le débiteur insolvable dispose de biens dans plus d'un État; ou certains des créanciers du débiteur ne sont pas de l'État où la procédure d'insolvabilité a été ouverte. 3. La Loi type respecte les différences entre les règles de procédure nationales et ne tente pas d'unifier les règles de fond des législations sur l'insolvabilité. Elle offre des solutions d'une portée limitée mais néanmoins importantes. Son champ d'action étant limité à certains aspects procéduraux des cas d'insolvabilité internationale, elle est destinée à faire partie intégrante de la législation en vigueur dans l'État adoptant. 4. En adoptant la Loi type, l'État :
5. Parallèlement à la Loi type, le Secrétariat de la Commission a publié un Guide pour son incorporation dans le droit interne des pays afin de les aider à préparer les révisions législatives nécessaires et de familiariser avec ce texte les autres personnes, juges ou praticiens de l'insolvabilité par exemple, qui seront appelées à l'utiliser. II. HISTORIQUE 6. L'augmentation du nombre des cas d'insolvabilité internationale tient à l'expansion constante des échanges et des investissements dans le monde. Mais, les législations nationales de l'insolvabilité n'ont, dans une large mesure, pas suivi le rythme de cette évolution et sont souvent mal adaptées pour régler ces cas. Aussi, les approches juridiques adoptées ne sont-elles souvent ni appropriées ni uniformes, ce qui nuit au redressement des entreprises en difficulté financière, ne favorise pas une administration équitable et efficace des procédures d'insolvabilité internationale, entrave la protection des biens du débiteur insolvable contre toute dissipation et empêche une maximisation de la valeur de ces biens. En outre, l'absence de prévisibilité dans le traitement des affaires d'insolvabilité internationale nuit aux flux de capitaux et décourage les investissements internationaux. 7. La fraude à laquelle se livrent les débiteurs insolvables, en particulier en dissimulant des biens ou en les transférant dans des États étrangers, devient un problème de plus en plus grave, tant par sa fréquence que par son ampleur. L'interdépendance qui caractérise le monde moderne facilite la conception et la réalisation d'opérations frauduleuses. Les mécanismes de coopération internationale établis par la Loi type visent à faire face à ce problème. 8. S'il n'y a ni communication ni coordination entre les tribunaux et les administrateurs des juridictions intéressées, des biens pourront probablement être dissimulés ou dissipés, voire liquidés. Par contre, lorsqu'il existe dans la législation d'un État des mécanismes permettant de coordonner l'administration des procédures d'insolvabilité internationale, il est possible d'adopter des solutions judicieuses qui protègent les intérêts légitimes des créanciers et du débiteur; de tels mécanismes sont donc considérés comme avantageux pour les investissements étrangers et le commerce dans cet État. III. LA LOI TYPE, MOYEN D'HARMONISATION DES LOIS 9. Une loi type est un texte législatif qu'il est recommandé aux États d'incorporer dans leur droit national. Contrairement à une convention internationale, une loi type ne contraint pas l'État qui l'adopte à en aviser l'Organisation des Nations Unies ou d'autres États qui peuvent également l'avoir adoptée. 10. Lorsqu'il incorpore le texte de la loi type dans son système, l'État peut le modifier ou en supprimer certaines dispositions. Des modifications sont probables, notamment lorsque le texte uniforme doit être adapté au système procédural et judiciaire national. Pour parvenir à un degré satisfaisant d'harmonisation et de prévisibilité, il est recommandé aux États d'apporter aussi peu de changements que possible au texte de la loi type en l'incorporant dans leur système juridique. A. Champ d'application 11. La Loi type s'applique dans un certain nombre de cas d'insolvabilité internationale, y compris : a) une demande étrangère de reconnaissance d'une procédure étrangère; b) une demande adressée à l'étranger par un tribunal ou un administrateur de l'État adoptant pour obtenir la reconnaissance d'une procédure d'insolvabilité entamée en vertu des lois de cet État; c) la coordination de procédures se déroulant concurremment dans plusieurs États; d) la participation de créanciers étrangers à une procédure d'insolvabilité se déroulant dans l'État adoptant (art. 1). B. Types de procédures étrangères visées 12. Pour entrer dans le champ d'application de la Loi type, une procédure d'insolvabilité étrangère doit posséder certains attributs : elle doit être régie par la loi sur l'insolvabilité du pays d'origine; ce doit être une procédure collective; les biens et les affaires du débiteur doivent être soumis au contrôle ou à la surveillance d'un tribunal ou d'un autre organisme officiel; l'objectif doit être le redressement ou la liquidation des affaires du débiteur (art. 2 a)). 13. Compte tenu de ces critères, diverses procédures collectives peuvent être ainsi reconnues, qu'elles soient obligatoires ou volontaires, qu'elles fassent intervenir des personnes morales ou des personnes physiques, qu'elles aient pour but la liquidation ou le redressement ou qu'il s'agisse de procédures dans lesquelles le débiteur conserve des pouvoirs sur ses biens, même s'il est soumis à la surveillance d'un tribunal (par exemple, suspension des paiements; «débiteur en possession»). 14. Une approche globale a également été retenue pour les différents types de débiteurs visés par la Loi type. Toutefois, la Loi envisage la possibilité d'exclure de son champ d'application certaines catégories d'entités telles que les banques ou les compagnies d'assurances soumises à un régime spécial d'insolvabilité en vertu de la législation de l'État adoptant (art. 1 (2)). C. Assistance étrangère pour les
procédures d'insolvabilité 15. Outre qu'elle leur donne la possibilité de traiter les demandes de reconnaissance provenant de l'étranger, la Loi type autorise les tribunaux de l'État adoptant à demander une assistance à l'étranger pour une procédure ouverte dans leur État (art. 25). Les dispositions qui prévoient cette autorisation peuvent contribuer à combler une lacune dans la législation de certains États. Sans cette autorisation législative, les tribunaux pourraient, dans certains systèmes juridiques, estimer n'être pas habilités à demander une telle assistance à l'étranger, ce qui risquerait d'empêcher une action internationale coordonnée en cas d'insolvabilité internationale. 16. La Loi type peut de la même manière aider un État adoptant à combler une lacune de sa législation en ce qui concerne les pouvoirs que peuvent exercer à l'étranger les personnes désignées pour administrer une procédure d'insolvabilité en vertu de ladite législation. L'article 5 autorise ces personnes à demander aux tribunaux étrangers de reconnaître cette procédure et de leur apporter une assistance. D. Accès du représentant étranger aux tribunaux de l'État adoptant 17. L'un des objectifs importants de la Loi type est de donner aux représentants étrangers un accès direct et rapide aux tribunaux de l'État adoptant. On évite ainsi de recourir à des commissions rogatoires lourdes et lentes ou à d'autres formes de communication diplomatique ou consulaire qui, faute de quoi, seraient éventuellement nécessaires. Cela facilite une approche coordonnée, fondée sur la coopération, des affaires d'insolvabilité internationale et permet d'agir rapidement. 18. Outre l'énoncé du principe de l'accès direct du représentant étranger aux tribunaux, la Loi type :
E. Reconnaissance des procédures étrangères a) Décision de reconnaître ou non une procédure étrangère 19. La Loi type énonce les critères permettant de déterminer si une procédure étrangère peut être ou non reconnue (art. 15 à 17) et dispose que le tribunal peut, s'il y a lieu, accorder des mesures provisoires dans l'attente d'une décision sur cette reconnaissance (art. 19). La décision détermine si le chef de compétence pour l'ouverture de la procédure étrangère est tel que cette procédure doit être connue comme procédure d'insolvabilité étrangère «principale» ou «non principale». Les questions de procédure relatives à l'avis de dépôt d'une demande de reconnaissance ou à la notification de la décision d'accorder la reconnaissance ne sont pas traitées dans la Loi type; elles demeurent régies par d'autres dispositions des lois de l'État adoptant. 20. Une procédure étrangère est réputée «principale» si elle a été ouverte dans l'État où le débiteur a le «centre de ses intérêts principaux». Cette formulation correspond à celle qui a été retenue dans la Convention de l'Union européenne relative aux procédures d'insolvabilité (art. 3), renforçant ainsi l'harmonisation en cours quant à la notion de procédure «principale». Le fait qu'il soit déterminé qu'une procédure étrangère est «principale» peut avoir des incidences sur la nature des mesures accordées au représentant étranger. b) Effets de la reconnaissance et mesures discrétionnaires dont peut bénéficier un représentant étranger 21. Certains éléments clés des mesures accordées lors de la reconnaissance du représentant d'une procédure étrangère «principale» sont la suspension des poursuites des créanciers individuels à l'encontre du débiteur ou la suspension des voies d'exécution sur les biens du débiteur, et la suspension du droit du débiteur de transférer ou de grever ses biens (art. 20 1)). Cette suspension est «impérative» (ou «automatique») en ce sens que, soit elle découle automatiquement de la reconnaissance d'une procédure étrangère principale, soit, dans les États où elle nécessite une ordonnance du tribunal, celui-ci est tenu de la rendre. La suspension des poursuites ou des voies d'exécution est nécessaire pour laisser un «répit» en attendant que des mesures appropriées ne soient prises pour restructurer les biens du débiteur ou les liquider équitablement. La suspension des transferts l'est aussi, car, dans une économie mondialisée, les débiteurs multinationaux peuvent faire passer rapidement d'un pays à l'autre leurs fonds ou leurs biens. Le moratoire impératif déclenché par la reconnaissance d'une procédure étrangère principale permet donc un «gel» rapide, essentiel pour prévenir la fraude et protéger les intérêts légitimes des parties en cause jusqu'à ce que le tribunal ait la possibilité d'aviser tous les intéressés et d'évaluer la situation. 22. Les exceptions et restrictions concernant la portée des mesures de suspension (par exemple, exceptions relatives aux créances assorties de sûreté, aux paiements effectués par le débiteur dans le cours normal de ses affaires, aux opérations de compensation, à l'exécution de droits réels) et la possibilité de modifier de telles mesures ou d'y mettre fin sont régies par les dispositions applicables aux mesures comparables de suspension dans les procédures d'insolvabilité soumises aux lois de l'État adoptant (art. 20 2)). 23. Outre ces mesures de suspension impérative, la Loi type autorise le tribunal à accorder des mesures «discrétionnaires» dans l'intérêt de toute procédure étrangère, «principale» ou non (art. 21). Ces mesures discrétionnaires peuvent consister, par exemple, à suspendre les poursuites ou le droit de constituer des sûretés sur les biens (dans la mesure où une telle suspension n'a pas pris effet automatiquement en application de l'article 20), à faciliter l'accès à des informations concernant les biens et dettes du débiteur ou à nommer une personne pour administrer la totalité ou une partie de ces biens, mais il peut s'agir aussi de toute autre mesure qui peut être accordée en vertu des lois de l'État adoptant. Des mesures d'urgence peuvent être accordées dès le dépôt d'une demande de reconnaissance (art. 21). c) Protection des créanciers et d'autres personnes intéressées 24. La Loi type contient des dispositions visant à protéger les intérêts des créanciers (en particulier les créanciers locaux), du débiteur et d'autres personnes intéressées; ainsi, l'octroi de mesures temporaires au moment de la demande de reconnaissance d'une procédure étrangère ou de la reconnaissance elle-même est laissé à la discrétion du tribunal; il est expressément indiqué que, lorsqu'il accorde une telle mesure, le tribunal doit s'assurer que les intérêts des créanciers et des autres personnes intéressées, dont le débiteur, sont suffisamment protégés (art. 22 1)); le tribunal peut subordonner toute mesure qu'il accorde aux conditions qu'il juge appropriées et modifier ou faire cesser ladite mesure, si une personne lésée en fait la demande (art. 22 2) et 22 3)). 25. En plus de ces dispositions spécifiques, la Loi type prévoit de manière générale que le tribunal peut refuser de prendre une mesure régie par elle lorsque ladite mesure serait manifestement contraire à l'ordre public de l'État adoptant (art. 6). 26. La Loi type ne réglemente pas de manière générale les questions de notification aux personnes intéressées, bien qu'elles soient étroitement liées à la protection de leurs intérêts. Ces questions sont donc régies par les règles de procédure de l'État adoptant, dont certaines peuvent relever de l'ordre public. Par exemple, c'est la loi de l'État adoptant qui détermine si le débiteur ou une autre personne doit être avisé d'une demande de reconnaissance d'une procédure étrangère et fixe le délai à respecter pour cette notification. F. Coopération internationale 27. L'absence d'un cadre législatif ou les incertitudes quant à la portée des pouvoirs conférés par la loi en matière de coopération avec les tribunaux étrangers ont pour conséquence de limiter très souvent la coopération et la coordination entre juges d'États différents dans les cas d'insolvabilité internationale. 28. L'expérience montre que, quels que soient les pouvoirs discrétionnaires dont jouissent traditionnellement les tribunaux dans un État, l'existence d'un cadre législatif particulier est utile pour promouvoir la coopération entre les pays dans les affaires internationales. Ainsi, la Loi type permet de combler les lacunes que l'on rencontre dans de nombreuses lois nationales en habilitant expressément les tribunaux à coopérer dans les domaines régis par elle (art. 25 à 27). 29. Pour des raisons similaires, la Loi type autorise également la coopération tant entre un tribunal de l'État adoptant et un représentant étranger qu'entre une personne administrant la procédure d'insolvabilité dans l'État adoptant et un tribunal étranger ou un représentant étranger (art. 26). 30. La Loi type énumère des formes de coopération possibles et laisse aux législateurs la possibilité d'allonger cette liste (art. 27). Il est souhaitable que cette liste, une fois adoptée, demeure indicative plutôt qu'exhaustive, afin de ne pas empêcher les tribunaux d'adapter leurs mesures à chaque espèce. G. Coordination des procédures concurrentes a) Compétences pour entamer une procédure locale 31. La Loi type n'impose pratiquement aucune restriction à la compétence des tribunaux de l'État adoptant en ce qui concerne l'ouverture ou la poursuite d'une procédure d'insolvabilité. En vertu de l'article 28, même après la reconnaissance d'une procédure étrangère «principale», les tribunaux de l'État adoptant ont compétence pour entamer une procédure d'insolvabilité si le débiteur a des biens dans l'État adoptant. Si l'État adoptant souhaite limiter cette compétence aux cas où le débiteur a non seulement des biens, mais aussi un établissement dans ledit État, l'application d'une telle limitation ne sera pas contraire aux principes qui sous-tendent la Loi type. 32. En outre, selon la Loi type, la procédure étrangère principale reconnue est réputée constituer la preuve que le débiteur est insolvable aux fins de l'ouverture d'une procédure locale (art. 31). Cette règle peut être utile dans les systèmes juridiques dans lesquels l'ouverture d'une procédure d'insolvabilité exige qu'il soit prouvé que le débiteur est effectivement insolvable. S'il n'est pas nécessaire de prouver à nouveau l'insolvabilité du débiteur, il sera moins facile à ce dernier de retarder la procédure suffisamment longtemps pour dissimuler ou transférer des biens. b) Coordination des mesures en cas de procédures concurrentes 33. La Loi type traite la question de la coordination entre une procédure locale et une procédure étrangère à l'encontre du même débiteur (art. 29) et facilite la coordination entre plusieurs procédures étrangères ouvertes à l'encontre du même débiteur (art. 30). L'objectif est d'encourager la meilleure coordination possible des décisions pour atteindre les objectifs des deux procédures (par exemple, en maximisant la valeur des biens du débiteur ou en restructurant de la façon la plus avantageuse l'entreprise). Pour assurer une coordination satisfaisante et pour pouvoir adapter les mesures aux nouvelles situations, le tribunal est tenu, dans tous les cas prévus par la Loi type, y compris ceux qui limitent les effets d'une procédure étrangère face à une procédure locale, de coopérer au maximum avec les tribunaux et les représentants étrangers (art. 25 et 30). 34. Lorsque la procédure d'insolvabilité locale est déjà en coursau moment de la demande de reconnaissance d'une procédure étrangère, la Loi type exige que toute mesure accordée dans l'intérêt de la procédure étrangère soit compatible avec la procédure locale. En outre, l'existence de la procédure locale au moment de la reconnaissance de la procédure étrangère principale empêche l'application de l'article 20. Lorsqu'aucune procédure locale n'est en cours, l'article 20 impose de suspendre les poursuites individuelles ou les voies d'exécution à l'encontre du débiteur, ainsi que de suspendre le droit du débiteur de transférer ou de grever ses biens. 35. Lorsque la procédure locale est ouverte après la reconnaissance ou la demande de reconnaissance de la procédure étrangère, les mesures qui ont été accordées dans l'intérêt de la procédure étrangère doivent être réexaminées et modifiées ou levées si elles sont incompatibles avec la procédure locale. Si la procédure étrangère est une procédure principale, les suspensions imposées en vertu de l'article 20 doivent être modifiées ou levées si elles sont incompatibles avec la procédure locale. 36. Lorsque le tribunal est confronté à plus d'une procédure étrangère, l'article 30 l'invite à moduler les mesures qu'il accorde de manière à faciliter la coordination de ces procédures; si l'une de ces procédures est une procédure principale, toute mesure accordée doit y être conforme. 37. Une autre règle conçue pour améliorer la coordination des procédures concurrentes concerne le taux de paiement des créanciers (art. 32). Elle dispose qu'un créancier, qui demande paiement de ses créances dans plus d'une procédure, ne reçoit proportionnellement pas plus que les autres créanciers de même rang. V. ASSISTANCE DU SECRÉTARIAT DE LA CNUDCI 38. Le Secrétariat de la CNUDCI aidera les États, par des consultations techniques, à élaborer une législation fondée sur la Loi type. Pour de plus amples informations, s'adresser au Secrétariat de la CNUDCI, Centre international de Vienne, boîte postale 500, A-1400 Vienne (Autriche); téléphone : (43-1) 26060-4060; télécopie : (43-1) 26060-5813; messagerie électronique : uncitral@unov.un.or.at; page d'accueil sur Internet : http://www.un.or.at/uncitral. VI. GÉNÈSE DE LA LOI TYPE 39. Le projet qui a abouti à la Loi type de la CNUDCI sur l'insolvabilité internationale avait été lancé à la CNUDCI en étroite coopération avec l'Association internationale des praticiens de l'insolvabilité (INSOL). Il a bénéficié de l'avis des experts de cette association pendant les différentes étapes des travaux préparatoires. Le Comité J (Insolvabilité) de la Section sur le droit commercial de l'Association internationale du barreau (AIB) a été consulté pendant l'élaboration de la Loi type. 40. Avant de décider d'entreprendre ses travaux sur l'insolvabilité internationale, la Commission avait organisé avec INSOL deux colloques internationaux réunissant des praticiens de l'insolvabilité, des juges, des hauts fonctionnaires et des représentants d'autres secteurs intéressés1. Il a été suggéré, à l'issue de ces colloques, que les travaux de la Commission aient pour objectif limité mais utile, tout au moins dans un premier temps, de faciliter la coopération judiciaire, l'accès des administrateurs étrangers d'insolvabilité aux tribunaux et la reconnaissance des procédures d'insolvabilité étrangères. 41. Lorsque la Commission a décidé, en 1995, d'élaborer un instrument juridique relatif à l'insolvabilité internationale, elle a confié cette tâche au Groupe de travail sur le droit de l'insolvabilité, l'un de ses trois organes subsidiaires intergouvernementaux2. Ce groupe de travail a consacré quatre sessions de deux semaines aux travaux sur le projet3. 42. Avant la session de la Commission de mai 1997, à laquelle a été adoptée la Loi type, s'est tenue une autre réunion internationale de praticiens visant à examiner le projet de texte établi par le Groupe de travail. Les participants (en grande partie des juges, des administrateurs judiciaires et des hauts fonctionnaires) ont généralement estimé que la législation type, une fois adoptée, constituerait une amélioration considérable dans le traitement des affaires d'insolvabilité internationale4. 43. Les négociations finales sur le projet de texte ont eu lieu au cours de la trentième session de la Commission (Vienne, Autriche, 1230 mai 1997) et la Loi type a été adoptée par consensus le 30 mai 19975. Outre les 36 États membres de la Commission, des représentants de 40 États observateurs et de 13 organisations internationales ont participé aux délibérations de la Commission et du Groupe de travail. |