En septembre 1999, le FMI a placé la lutte contre la pauvreté
au cœur de ses activités dans les pays à faible revenu,
en décidant de remplacer la Facilité d'ajustement structurel
renforcée (FASR) par la nouvelle Facilité pour la réduction
de la pauvreté et pour la croissance (FRPC). La FRPC a pour principal
objectif de promouvoir des politiques qui viseront de façon plus
explicite la croissance économique et la réduction de
la pauvreté, et seront mises en œuvre de manière
plus cohérente grâce à une meilleure appropriation
des programmes par les pays concernés. Au-delà du simple
changement de nom, la nouvelle facilité s'accompagne d'un certain
nombre d'innovations conçues pour faire en sorte que les programmes
de prêts soient favorables aux pauvres et conformes à la
stratégie de réduction de la pauvreté du pays.
La FRPC compte également sur une collaboration plus étroite
avec la Banque mondiale pour accroître l'efficacité et
les retombées durables des efforts de réduction de la
pauvreté.
Qu'est-ce qui distingue la FRPC de la FASR ?
Le remplacement de la FASR par la FRPC a suscité de nouvelles
attentes quant au rôle joué par le Fonds monétaire
international dans les pays les plus pauvres du monde. Plus qu'un simple
changement d'appellation, la création de la nouvelle facilité
a entraîné de profondes modifications dans les opérations
du FMI pour concrétiser son engagement à lutter contre la
pauvreté. à l'époque de la mise en place de la FRPC,
33 accords de prêt au titre de la FASR étaient en vigueur.
Il a fallu du temps au FMI pour élaborer sa nouvelle approche et
les nouvelles méthodes applicables à ces accords et aux
accords subséquents, et aux pays visés pour élaborer
de nouvelles stratégies de réduction de la pauvreté
sur lesquelles viendraient s'appuyer les accords de prêt conclus
en vertu de la nouvelle facilité. Néanmoins, les éléments
clés qui distinguent la FRPC des programmes qui l'ont précédée
sont déjà clairs.
Le processus participatif d'élaboration du Document de stratégie
pour la réduction de la pauvreté (DSRP) est l'innovation
la plus importante de la nouvelle facilité. Tous les pays à
faible revenu qui souhaitent obtenir un prêt du FMI ou de la Banque
mondiale ou obtenir un allégement de leur dette en vertu de l'Initiative
en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE) préparent
ce document. Les autorités nationales s'appuient à cette
fin sur des consultations élargies avec les parties prenantes,
dont la société civile et les bailleurs de fonds, plutôt
que sur des négociations avec les services du FMI ou de la Banque
mondiale. L'objectif est d'intégrer l'évaluation de la pauvreté
et l'élaboration des moyens de la combattre dans les politiques
macroéconomiques officielles. Comme ce processus peut prendre beaucoup
de temps, les pays produisent des DSRP intérimaires décrivant
les politiques et les plans existants et les moyens envisagés pour
élaborer le document définitif à partir d'une plus
ample participation. Les programmes au titre de la FRPC peuvent donc incorporer
certaines des améliorations du nouveau processus avant même
que les DSRP ne soient achevés.
La FRPC a pour objectif fondamental de promouvoir des politiques davantage
centrés sur la croissance et la réduction de la pauvreté
et qu'une meilleure appropriation nationale permettra d'appliquer de façon
plus cohérente. Les programmes appuyés par la FRPC sont
ainsi issus des DSRP et plusieurs traits les distinguent clairement des
programmes entrepris au titre de la FASR :
- L'objectif — La réduction de la pauvreté
est un objectif primordial de la FRPC alors que dans le cadre de l'ancienne
FASR, elle n'en constituait qu'une conséquence implicite. Les
politiques doivent désormais être mesurées à
l'aune de leur contribution à la réduction de la pauvreté.
- Les rapports avec la stratégie des pays — Les
mesures particulières des accords de prêt appuyés
par la nouvelle facilité doivent découler de la stratégie
de réduction de la pauvreté décrite dans le DSRP,
lequel constitue également le cadre des interventions de soutien
de tous les autres bailleurs officiels. La FRPC s'inscrit donc dans
une démarche plus cohérente d'élaboration, par
les pays concernés, de leurs propres politiques de réduction
de la pauvreté, avec une meilleure intégration de la réduction
de la pauvreté et des éléments macroéconomiques.
- La préparation des programmes — Les documents-cadres
de politique économique (DCPE) sur lesquels s'appuyaient les
accords de prêt de la FASR étaient préparés
conjointement par les autorités des pays et les services du FMI
et de la Banque mondiale, sans vaste processus de consultation. Par
contre, les DSRP, et donc les programmes appuyés par la FRPC,
sont élaborés par les pays avec la participation active
de l'ensemble de la société. Comme les documents liés
à la FRPC sont diffusés plus largement que ceux qui avaient
trait à la FASR, les programmes sont plus transparents et permettent
à d'autres bailleurs de s'appuyer sur les DSRP pour organiser
leurs interventions.
- La nature de la conditionnalité — En veillant
à ce que les pays aient la paternité des programmes et
en insistant sur une collaboration plus étroite avec la Banque
mondiale, la FRPC permet au FMI d'appliquer une conditionnalité
moins étendue et plus centrée sur ses sphères de
compétence primordiales.
- Le lien avec la Banque mondiale — La Banque mondiale
et le FMI participent conjointement à l'évaluation du
DSRP, qui sert ensuite de cadre aux prêts concessionnels accordés
par les deux institutions. Ces dernières peuvent ainsi adapter
leur assistance à leurs compétences respectives, à
l'appui de la stratégie du DSRP. On parvient donc à une
meilleure collaboration et à un partage plus clair des responsabilités.
Certaines retombées sont déjà évidentes :
une plus grande transparence; une évolution des dépenses
publiques en faveur des pauvres; une plus grande attention accordée
à la bonne gestion des affaires publiques et l'utilisation responsable
des ressources publiques; une application plus rationnelle de la conditionnalité;
et l'intention manifestée par certains bailleurs (par exemple,
le Royaume-Uni et l'Union européenne), d'utiliser le DSRP pour
la définition de leur assistance. D'autres changements en cours
deviendront plus évidents avec le temps, à mesure que les
processus participatifs seront mis en place et que les DSRP définitifs
seront achevés.
Caractéristiques principales des programmes
appuyés par la FRPC
L'utilisation de la FRPC met en évidence plusieurs des caractéristiques
propres à cette nouvelle facilité. La plus important d'entre
elles est l'ample participation du public et la plus grande appropriation
des programmes par les pays. En fondant les programmes appuyés
par la FRPC sur le DSRP du pays, on fera en sorte que la société
civile participe à leur élaboration, que les autorités
du pays conservent la pleine maîtrise du processus et que les programmes
s'insèrent convenablement dans la stratégie globale de croissance
et de réduction de la pauvreté. Ainsi, les services du FMI
sont tenus de montrer au Conseil d'administration que ces programmes découlent
de la stratégie de réduction de la pauvreté et qu'ils
viennent compléter les activités et la conditionnalité
de la Banque mondiale.
La nouvelle démarche a également pour effet important d'insister
plus que par le passé sur la bonne gestion économique.
Elle s'intéresse en outre davantage aux retombées sociales
des grandes réformes lancées dans le cadre du programme.
S'il est prévu d'entreprendre ce type de réformes, il conviendra
désormais d'en analyser l'impact sur les pauvres (cette analyse
est normalement confiée à la Banque mondiale, lorsque les
autorités n'ont pas les moyens de s'en charger), et, le cas échéant,
d'incorporer des mesures compensatoires dans le programme appuyé
par la FRPC. Grâce à la meilleure appropriation du processus,
la conditionnalité attachée à la FRPC peut
et devrait être plus sélective, portant principalement sur
les mesures essentielles au succès de la stratégie du pays,
notamment dans les secteurs macroéconomique et financier.
Participation du public
La mise en valeur du processus participatif dans la préparation
des DSRP est bien engagée. Les pouvoirs publics s'efforcent de
promouvoir la participation des parties prenantes et des partenaires au
développement aux discussions qui en sous-tendent l'élaboration,
même dans des pays où cela n'est pas la tradition. Certains
intervenants nationaux et certains bailleurs ont suggéré
qu'il serait utile qu'ils participent plus tôt et qu'on leur fournisse
plus d'informations en prévision des discussions; les services
du FMI et de la Banque mondiale encouragent les pays à tenir compte
de ces préoccupations.
Si le processus d'élaboration des DSRP doit émaner des
pays, il est clair qu'il appartient aux autorités d'en assurer
la direction. Le FMI ne peut accorder son appui qu'aux stratégies
qui répondent véritablement aux besoins des pauvres et dont
les possibilités de mise en œuvre sont crédibles. D'aucuns
se sont inquiétés, au départ, du risque de voir le
processus participatif miner la légitimité des pouvoirs
publics, mais rien n'indique que cela se soit produit. Il appartient aux
autorités de décider qui elles consulteront et comment elles
le feront, et de déterminer la teneur finale de leur stratégie.
Chaque pays doit élaborer son processus participatif à la
lumière du contexte qui est le sien, et trouver un équilibre
approprié.
Bonne gestion économique
La nouvelle démarche accorde une attention plus grande à
la gestion des ressources publiques et, plus généralement,
à la bonne gestion économique. Les budgets élaborés
dans le cadre des programmes appuyés par la FRPC doivent se montrer
plus favorables aux pauvres et à la croissance. Les dépenses
publiques doivent être consacrées à des activités
qui bénéficient clairement aux pauvres, notamment dans les
cas où l'allégement de la dette en vertu des initiatives
PPTE permet de libérer des fonds jusque-là consacrés
au service de la dette. En même temps, les réformes fiscales
doivent promouvoir l'équité et l'efficacité. Il convient
également de donner à la politique budgétaire la
souplesse nécessaire, notamment en ce qui a trait aux objectifs
d'équilibre des finances publiques. Il faut prévoir une
marge de manœuvre pour réagir aux chocs habituels tels que
la détérioration des termes de l'échange ou les mauvaises
récoltes. Il convient finalement de prévoir les moyens de
dépenser l'aide étrangère pouvant devenir disponible
au cours de l'année financière, lorsqu'il devient clair
qu'elle peut servir à des fins productives.
On insiste également sur les mesures visant à améliorer
la responsabilisation de la gestion des ressources publiques. La bonne
gestion des finances publiques aux fins de l'amélioration des services
et de l'utilisation adéquate des ressources libérées
par l'allégement de la dette dans le cadre de l'initiative PPTE
et des autres ressources publiques est au cœur des programmes appuyés
par la FRPC.
Conditionnalité
La conditionnalité doit tenir compte de la nécessité
de promouvoir l'efficacité des programmes et leur appropriation
par les pays : c'est là un corollaire important de la décision
de fonder les programmes appuyés par la FRPC sur les stratégies
nationales de réduction de la pauvreté. La conditionnalité
devrait viser à renforcer les priorités établies
dans le cadre des stratégies nationales, et s'appliquer de façon
plus mesurée, pour ne porter que sur quelques questions prioritaires
plutôt que sur une foule de détails. La participation active
de la Banque mondiale nécessite également qu'on établisse
clairement la conditionnalité appliquée par les deux institutions,
chacune s'attachant aux domaines relevant plus particulièrement
de ses compétences. La Banque mondiale a mis en place le Crédit
de soutien à la réduction de la pauvreté (CSRP) afin
d'établir le lien avec les stratégies de réduction
de la pauvreté.
Les progrès réalisés en matière de rationalisation
de la conditionnalité dans les nouveaux accords appuyés
par la FRPC (ceux négociés depuis la mise en œuvre
de la nouvelle approche) se sont avérés prometteurs. Presque
toutes les conditions structurelles attachées à ces programmes
sont limitées à quatre domaines fondamentaux d'intervention
du FMI : gestion des finances publiques (contrôle, comptabilité
et vérification des dépenses); réforme fiscale; réforme
du secteur des finances; et bonne gestion publique. Les programmes mis
en œuvre dans certains pays comme le Bénin, la Guinée-Bissau
et le Niger ne comportent aucune condition structurelle en dehors
des finances publiques. Par ailleurs, le nombre de conditions imposées
est généralement très inférieur à la
moyenne observée dans le cadre de la FASR. Toutefois, des conditions
plus détaillées s'appliquent toujours lorsqu'elles sont
jugées nécessaires : les programmes adoptés
au Kenya et au Cameroun, par exemple, sont assortis de conditions assez
détaillées en matière de gestion des finances publiques
qui reflètent le contexte particulier à ces pays.
Progrès réalisés dans la mise
en œuvre de la nouvelle approche
De nombreux pays commencent à intégrer la nouvelle approche,
mais les progrès réalisés dépendent, dans
une certaine mesure, de l'état des travaux de préparation
des DSRP. La plupart des pays admissibles à la FRPC n'en sont encore
qu'aux premières étapes de l'élaboration de leur
stratégie de réduction de la pauvreté. à l'heure
actuelle, les Conseils du FMI et de la Banque mondiale ont examiné
quatre DSRP (Burkina Faso, Mauritanie, Tanzanie et Ouganda), mais on s'attend
à ce que d'ici la fin 2001, quelque deux douzaines de pays (dont
18 PPTE) aient achevé le processus. Entre-temps, 32 DSRP intermédiaires
qui intègrent les données existantes sur la pauvreté
et les politiques formulées par les pouvoirs publics ont été
achevés dans un contexte moins participatif.
Les DSRP intérimaires se distinguent largement les uns des autres
tant par leur contenu que par leur processus de préparation, mais
ils se caractérisent tous par le degré élevé
d'appropriation qu'en ont les pouvoirs publics. Chacun de ces documents
trace la voie pour l'élaboration participative du DSRP définitif.
En règle générale, le processus a donné des
résultats plus rapides dans les pays qui disposaient déjà
d'instances ou de plans nationaux de développement comme le Ghana,
l'Ouganda et la Tanzanie.
Conclusion
Il est encore trop tôt pour distinguer des signes visibles de l'effet
de la nouvelle démarche sur la croissance et la réduction
de la pauvreté. Toutefois, des changements réels et importants
ont été apportés aux programmes appuyés par
le FMI dans le cadre de la nouvelle facilité. Ces programmes, en
partant des stratégies participatives de réduction de la
pauvreté, devraient permettre, mieux que les programmes antérieurs
du FMI, d'améliorer concrètement le sort des populations
les plus pauvres du monde.
Modalités de la FRPC
- Au total, 77 pays à faible revenu sont admissibles à
bénéficier de la FRPC.
- Les principaux critères d'admissibilité sont
le revenu par habitant et l'admissibilité au concours de
l'Association internationale de développement (IDA), le
guichet concessionnel de la Banque mondiale (pour qu'un pays soit
admissible à l'IDA, il faut que son PIB par habitant de
1999 soit inférieur ou égal à 885 dollars).
- Les pays admissibles peuvent emprunter à hauteur de
140 % de leur quote-part au FMI dans le cadre d'un accord de trois
ans; ce plafond peut toutefois être relevé à
un maximum de 185 % dans des circonstances exceptionnelles.
L'accès maximum n'est pas automatique, le montant du prêt
étant fonction des difficultés de balance des paiements
du membre, de la vigueur de son programme d'ajustement, de l'encours
des crédits du FMI et de ses antécédents
en la matière.
- Les prêts au titre de la FRPC sont assortis d'un taux
d'intérêt annuel de 0,5 % et sont remboursables
sur dix ans par paiements semestriels, avec un différé
de cinq ans et demi.
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