Pour les prix de l’immobilier de Londres, consultez les annonces de Tokyo

Claudio Raddatz Kiefer et Jane Dokko
10 avril 2018

Vue de Hong Kong depuis le pic Victoria. L’évolution des prix de l’immobilier dans les villes et les pays est de plus en plus synchronisée. (photo:Fraser Hall/Robert Harding/Newscom).

Quand les prix de l’immobilier grimpent à Tokyo, augmentent-ils aussi à Londres ?

Il semblerait que ce soit de plus en plus le cas.

Ces dernières décennies, les prix mondiaux de l’immobilier ont progressivement eu tendance à évoluer en même temps et dans la même direction. Qu’est-ce qui explique ce phénomène et quelles sont les implications pour l’économie mondiale ?

C’est à ces questions que tentent de répondre les économistes du FMI dans le chapitre 3 du dernier Rapport sur la stabilité financière dans le monde.

Notre étude de 44 villes et de 40 pays avancés ou émergents met en lumière le rôle important que joue l’intégration croissante des marchés financiers. Par conséquent, le marché de l’immobilier dans un pays est plus sensible aux fluctuations qui se produisent dans un autre.

Les dirigeants doivent faire preuve de vigilance, car derrière cette tendance qu’ont les prix de l’immobilier à évoluer de concert se cache peut-être un risque accru de ralentissement économique. Il est aujourd’hui plus probable qu’un choc dans une partie du monde ait des répercussions sur les marchés de l’immobilier ailleurs.

Voyons pourquoi les prix de l’immobilier sont plus synchronisés dans un monde financièrement intégré.

    ● Taux d’intérêt : les grandes banques centrales dans le monde ont maintenu les taux d’intérêt à un niveau exceptionnellement faible dans l’optique de stimuler la croissance. Par ricochet, les coûts de l’emprunt sont restés bas, notamment avec des prêts hypothécaires bon marché dans le monde entier, ce qui contribué à une hausse des prix.

    ● Les investisseurs institutionnels, les sociétés de capital-investissement et les fiducies de placement immobilier, à la recherche de rendements plus élevés, sont de plus en plus présents dans de grandes villes comme Amsterdam, Sydney, et Vancouver.

    ● Les particuliers riches, en quête d’un endroit sûr pour placer leur argent (et, peut-être même pour vivre), se sont aussi rués sur l’immobilier dans les grands centres financiers. Résultat des courses : puisque les nantis préfèrent les logements de luxe, leurs investissements font simultanément grimper les prix dans les quartiers chers de New York et de Londres.

    ● Croissance économique : en plus des facteurs financiers, les variations coordonnées dans l’économie réelle contribuent au phénomène. En 2017, la croissance s’est redressée dans 120 pays, ce qui représente trois quarts du PIB mondial. Cela a été le plus vaste regain de croissance synchronisé depuis 2010. La croissance économique est un moteur important de la demande de logements et, par extension, des prix.

Tout ceci porte à croire que les prix de l’immobilier commencent à se comporter davantage comme les prix des actifs financiers, tels que les actions et les obligations, sous l’influence d’investisseurs, où qu’ils soient dans le monde. Dans les pays plus ouverts aux flux de capitaux mondiaux, les prix de l’immobilier et des titres ont tendance à être plus synchronisés avec les tendances observées sur les marchés mondiaux.

Riposte des autorités

Il existe néanmoins une grande différence. Pour la plupart des familles, leur logement est leur bien le plus précieux (mais aussi leur principal engagement, sous la forme d’une hypothèque). Les banques investissent lourdement dans les prêts immobiliers, les rendant ainsi vulnérables aux fluctuations des prix des logements.

C’est pourquoi les dirigeants devraient surveiller de près les variations synchronisées des prix de l’immobilier, surtout quand l’activité et les valeurs du marché sont jugés excessifs.

Fort heureusement, d’après notre étude, les mesures visant à calmer les marchés immobiliers en surchauffe demeurent efficaces et peuvent aussi avoir l’avantage d’atténuer le synchronisme des prix du logement. Ces mesures comprennent le relèvement des impôts fonciers et des droits de timbre ainsi que l’établissement de limites de prêts hypothécaires basées sur la valeur du bien immobilier.

Plus généralement, des mesures qui renforcent la résilience aux chocs financiers mondiaux peuvent être utiles. Par exemple, des taux de change souples, qui permettent aux décideurs de mieux maîtriser les coûts de l’emprunt à l’échelle nationale, et des politiques mettant les consommateurs à l’abri d’une dette insoutenable en temps de crise immobilière.

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Claudio Raddatz Kiefer est chef de la division d’analyse de la stabilité financière mondiale du département des marchés monétaires et de capitaux du FMI. Il a été auparavant directeur des départements de politique financière (2014-2017) et de recherche économique (2011-2014) de la banque centrale du Chili, économiste principal au sein du groupe de recherche sur l'économie du développement à la Banque mondiale (2008-2011), et économiste dans la même institution. M. Raddatz a publié de nombreuses études sur des questions macrofinancières. Il est diplômé de l'Université du Chili et titulaire d'un doctorat en économie du Massachusetts Institute of Technology (2003).


Jane Dokko est experte principale du secteur financier de la division d’analyse de la stabilité financière mondiale du département des marchés monétaires et de capitaux du FMI. Elle a auparavant été sous-secrétaire adjoint chargé des questions d’économie financière et a également travaillé auprès du Brookings Institution et du Conseil de la Réserve fédérale. Titulaire d'un doctorat de l’Université du Michigan, elle s’intéresse particulièrement à la finance des ménages.



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