En quête de politiques d’incitation au travail dans les pays avancés

par Francesco Grigoli, Zsóka Kóczán et Petia Topalova

Le vieillissement de la population peut ralentir la croissance des économies avancées (photo : Zero Creatives Cultura/Newscom)

Dans les pays avancés, la croissance démographique ralentit, l’espérance de vie augmente et le nombre de personnes âgées explose. Comme les travailleurs âgés participent moins au marché du travail, ce vieillissement de la population pourrait ralentir la croissance et, dans bien des cas, compromettre la viabilité des systèmes de sécurité sociale. Comme le démontre notre étude exposée au chapitre 2 des Perspectives de l’économie mondiale d’avril 2018, les politiques de maintien au travail des personnes qui le souhaitent offrent un potentiel considérable pour atténuer ces effets du vieillissement.

Différences frappantes

Depuis dix ans, le vieillissement de la population s’accélère dans la plupart des pays avancés, car la cohorte exceptionnellement nombreuse de personnes nées au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale arrive à l’âge de la retraite. Le taux de dépendance (population de 65 ans et plus exprimée en pourcentage des 20 à 64 ans) du pays médian est passé de 27 % en 2008 à 34 % actuellement, et devrait atteindre le niveau phénoménal de 55 % d’ici 2050, car la tendance au vieillissement démographique s’accélère.

Pourtant, même si le vieillissement exerce déjà de la pression sur la main-d’œuvre disponible, l’évolution et la composition des taux de participation globaux à la vie active (proportion de la population âgée de 15 ans et plus qui travaille ou qui se cherche un emploi) varient considérablement d’un pays avancé à l’autre.

Nous notons, par exemple, que la participation des femmes a effectué un bond spectaculaire depuis le milieu des années 1980. Plus récemment, la participation des travailleurs âgés a aussi augmenté considérablement, alors qu’elle chutait chez les plus jeunes. Dans presque tous les pays avancés, les hommes du groupe d’âge intermédiaire, surtout ceux qui ont une faible scolarité, sont de plus en plus nombreux à se retirer de la population active. Les États-Unis se distinguent des autres pays avancés sur ce plan : la baisse du taux de participation à la vie active y touche autant les hommes que les femmes d’âge intermédiaire.

Multiplicité des forces en jeu

Notre étude jette un éclairage nouveau sur les différentes forces qui sous-tendent ces tendances, et qui varient d’un pays à l’autre et d’une catégorie de travailleurs à l’autre. L’analyse de la tendance historique des taux globaux et individuels de participation à la vie active dans les pays avancés nous a permis de quantifier l’importance relative du vieillissement et des cycles économiques, des politiques et des mécanismes institutionnels régissant le travail, des facteurs structurels, comme la montée du secteur des services, et de l’exposition et de la résilience aux forces mondiales, comme le progrès technologique et le commerce international, et leur influence sur la décision des personnes de se joindre à la population active, de s’y maintenir ou d’y revenir. Le graphique ci-dessous illustre la contribution de ces facteurs à l’évolution des taux de participation des différents groupes de travailleurs de 1995 à 2011 au sein d’un pays avancé moyen.

Selon nos constatations, le vieillissement et les effets de la crise financière mondiale expliquent en grande partie la baisse du taux de participation des hommes ces dix dernières années. Toutefois, l’augmentation simultanée du taux de participation des femmes démontre que les politiques publiques peuvent influer de manière déterminante sur les décisions des travailleurs et contrer en partie les effets du vieillissement.

Les politiques publiques et les mécanismes institutionnels régissant le marché du travail, notamment les allègements fiscaux, les programmes publics destinés à la population active (les programmes de formation, entre autres) et les politiques d’incitation au travail ciblant des groupes précis, de même que les gains liés à la scolarité et aux changements structurels, expliquent la majeure partie de l’augmentation spectaculaire de la participation à la vie active des femmes d’âge intermédiaire et des travailleurs âgés ces 30 dernières années. La mise en œuvre de politiques plus favorables en Europe et les progrès de la scolarisation chez les femmes européennes d’âge intermédiaire expliquent peut-être aussi la différence frappante de taux de participation entre l’Europe et les États-Unis.

Inversement, l’automatisation, bénéfique pour l’économie dans son ensemble, a sapé les taux de participation dans la plupart des groupes de travailleurs, avec des effets négatifs persistants plus marqués aux États-Unis qu’en Europe. Nous constatons que les personnes dont la profession actuelle ou passée est plus vulnérable à l’automatisation sont nettement plus susceptibles de se retirer de la vie active. Il est cependant encourageant de voir que les politiques pour une meilleure adéquation entre les compétences recherchées et les chercheurs d’emploi arrivent à contrebalancer en partie cette tendance. L’augmentation des dépenses consacrées à l’éducation et aux programmes destinés à la main-d’œuvre active et l’accès à des bassins de main d’œuvre plus diversifiés tendent à atténuer l’effet préjudiciable de l’automatisation sur la participation à la vie active. Les décideurs devraient cependant être attentifs aux difficultés d’adaptation que créent les progrès technologiques dans certains secteurs et dans certaines professions et régions.

Encourager la participation à la vie active

Les politiques qui encouragent les travailleurs à se joindre à la population active ou à y rester, et celles qui favorisent la conciliation travail-famille peuvent accroître le taux de participation. Les dépenses publiques consacrées à l’éducation, aux soins à la petite enfance, aux régimes de travail souples et aux congés parentaux contribuent notamment à l’inclusion des femmes à la population active. L’élimination des mesures d’incitation à la retraite anticipée (par exemple, l’augmentation de l’âge obligatoire de la retraite ou une plus grande équité actuarielle des caisses de retraite) pourrait par ailleurs convaincre les travailleurs plus âgés de prolonger leur vie active. Ces réformes ne doivent cependant pas se faire au détriment d’autres objectifs, notamment l’offre d’un filet social de base aux personnes vulnérables.

Au bout du compte, il reste que l’évolution spectaculaire annoncée de la structure démographique des pays avancés sera trop marquée pour que les politiques publiques arrivent à contrer entièrement les effets globaux du vieillissement. Les simulations illustrées dans le graphique ci-dessous suggèrent que la participation globale finira par décliner (même si l’écart entre les sexes était entièrement résorbé). Il faudrait une augmentation considérable de la participation des travailleurs âgés pour enrayer complètement le déclin de la participation globale. L’évolution des politiques publiques vers les « meilleures pratiques » (du point de vue de la participation à la vie active) pourrait malgré tout atténuer certains des inconvénients liés au vieillissement.

À moins que les progrès technologiques génèrent des gains de productivité suffisants pour contrebalancer l’effet du vieillissement, de nombreux pays avancés pourraient être forcés de revoir leurs politiques d’immigration pour accroître leur bassin de main-d’œuvre et d’adopter simultanément des politiques d’incitation au report de la retraite des travailleurs âgés. Malgré les difficultés que crée parfois l’accueil de migrants dans les pays hôtes, tout effort visant à freiner les flux migratoires à l’échelle internationale ne fera qu’aggraver les pressions démographiques actuelles.

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Francesco Grigoli

Francesco Grigoli est économiste à la division études économiques internationales du département des études du FMI. Il a précédemment travaillé au département des finances publiques et au département hémisphère occidental du FMI, et a été professeur invité à l’Université Columbia. Ses recherches se concentrent sur les politiques macroéconomiques en temps réel et sur l’étude de leur efficacité, sur la dynamique sous-jacente à la consommation et à l’épargne, sur les attentes, l’incertitude, les inégalités de revenus et l’efficience des dépenses.

Zsoka Koczan-IMF
Zsóka Kóczán est économiste à la division études économiques internationales du département des études du FMI. Elle a précédemment travaillé au département Europe du FMI. Avant de se joindre au FMI en 2013, elle travaillait pour la Banque européenne pour la reconstruction et le développement. Ses intérêts englobent la microéconomie appliquée, les inégalités et l’immigration. Mme Kóczán est titulaire d’un doctorat de l’Université de Cambridge.

Petia Topalova
Petia Topalova est chef de division adjointe au département des études du FMI. Auparavant, elle a travaillé au département Europe, ainsi qu’au département Asie-Pacifique du FMI, et a été chargée de cours à la Harvard Kennedy School of Government. Elle possède un doctorat en économie du MIT. Les domaines de recherche auxquels elle s’intéresse sont notamment le développement économique et le commerce international.



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