La transparence finit par payer : les marchés émergents partagent plus de données

De Sangyup Choi et Stephanie Medina Cas 
Le 7 juillet 2017
On bouge dans la ville de Mexico au Mexique : les économies émergentes faisant preuve de plus de transparence dans la diffusion de leurs données peuvent réduire leurs coûts d’emprunt. (Photo : Edgard Garrido/Reuters/Newscom)

Si la lumière du jour est le meilleur des désinfectants, pour reprendre la célèbre déclaration du juge à la Cour Suprême des États-Unis, Louis Brandeis, peut-elle également être lucrative ? Nous avons tenté de quantifier les bénéfices que les pays émergents pourraient tirer d'une plus grande transparence.

Notre nouvelle étude montre qu’une transparence accrue en matière de données permet de réduire de 15 % les écarts de taux sur les obligations d'État des pays émergents en l'espace d'un an lorsque des efforts sont consentis dans ce domaine particulier.

Ces pays ont souscrit à l'initiative lancée par le FMI et appliquent la Norme spéciale de diffusion des données (NSDD) afin de compiler leurs données publiées sur leurs sites internet nationaux.

La transparence des données permet de réduire les coûts d'emprunt.

L'étude des données de 26 pays nous a permis de conclure que les réformes en matière de transparence des données ont un effet considérable, d'un point de vue statistique, sur les écarts de taux des obligations d’État, à savoir la différence entre le taux d'intérêt d'une obligation d'État américaine et celui d'une obligation d'État émise par un autre pays. Cet écart sert à mesurer le degré de risque associé à un investissement.

Le graphique ci-dessous illustre nos principales conclusions : durant la période de référence d'une année donnée, l'écart des obligations d'État chute de 15% et cette baisse a tendance à s'accentuer avec le temps. Nous souhaitions vérifier si d'autres facteurs (une meilleure conjoncture économique, par exemple) avaient concouru à la réduction de l'écart suivant l'adoption de réformes en matière de transparence.

Pour ce faire, nous nous sommes concentrés sur une période autour des réformes relativement courte (de 1 à 8 trimestres) pour éviter l'interférence d'autres facteurs dans les résultats. Dans un deuxième temps, il s'agit de montrer qu'il n'existe aucun signe de reprise économique dans le pays peu avant la mise en œuvre des réformes. Ensuite, il faut veiller à ce que d'autres évènements économiques ou politiques importants tels qu'une crise, l'octroi d'un prêt par le FMI ou l'adoption d'une politique de ciblage de l'inflation n'occultent pas les conclusions de l'étude. Enfin, d'autres facteurs économiques pouvant affecter les écarts, comme le ratio dette extérieure/PIB, sont également pris en considération. Si, malgré tout, l'adoption des normes en matière de données continue d’avoir un effet notable sur les coûts d'emprunt pour l'État, les conclusions sont valables.

Savoir marcher avant de pouvoir courir.

Bien que les conclusions de notre étude mettent en évidence les bienfaits liés à l'adoption de la Norme spéciale de diffusion des données, d'autres réformes en matière de transparence, moins contraignantes, telle que la version améliorée du système général de diffusion des données (SGDD-a), présentent aussi des avantages. Au mois de juin 2017, l'ensemble des initiatives de normalisation des données du FMI couvraient 146 pays émergents et en développement. Depuis fin 2015, 20 de ces pays ont mis en œuvre la Norme générale de diffusion des données afin d'encourager les pays aux capacités statistiques réduites à diffuser les données utilisées dans leur dialogue avec le FMI. Cette initiative a remporté du succès, surtout en Afrique, et la prochaine vague devrait toucher la région Asie-Pacifique.

• En Afrique, 13 pays appliquent la Norme générale de diffusion des données renforcée dont le Nigéria, le Sénégal, la Sierra Leone et la Tanzanie. Il est prévu que d'autres pays, comme le Cameroun, le Ghana, le Kenya et le Mozambique mettent en œuvre cette norme avant la fin de l’année.

• Dans la région Asie-Pacifique, le Bhoutan, le Népal et Samoa l'ont également mise en œuvre et les États fédérés de Micronésie devraient leur emboîter le pas avant juillet 2017. Le Bangladesh, le Cambodge, les Maldives, la Mongolie et Myanmar s'y préparent aussi.

Ces pays publient leurs principales données économiques, comme la croissance du PIB et l'indice des prix à la consommation par le biais d'une Page des données nationales récapitulatives (PDNR) permettant aux décideurs politiques, aux investisseurs, aux agences de notation et au public d'avoir un accès facile aux informations essentielles au suivi des conditions économiques.

Ces pays prévoient aussi la diffusion d’un calendrier de publication prévisionnel, s'engageant ainsi à faire preuve de discipline en matière de publication de données et réduire l'incertitude des investisseurs ; ce qui devrait renforcer davantage la transparence des données.

Les expériences antérieures avec la Norme générale de diffusion des données renforcée semblent indiquer qu'elle améliore la coordination entre la Banque centrale d'un pays, son Ministère des finances et l'institut des statistiques, c'est-à-dire les trois instances chargées de la diffusion des données. Cette coordination plus étroite est synonyme d'une gouvernance renforcée.

Pour ces pays, la mise en œuvre de la Norme générale de diffusion des données ouvre la voie à l'adoption de la Norme spéciale de diffusion des données, une initiative destinée aux pays plus avancés permettant de réduire les coûts de l'emprunt.

La diffusion de données fiables est un vecteur de transparence, donnant la possibilité au public et aux décideurs d'envisager de meilleures politiques et de bâtir une économie plus résiliente.  


Sangyup Choi est économiste au sein de la Division des études régionales du Département Moyen-Orient et Asie centrale du FMI. Il a auparavant travaillé pour le Département des statistiques du FMI et a réalisé un stage au sein du Département des études du FMI. Ses études se sont focalisées sur les imperfections des marchés de crédit, les fluctuations des incertitudes et les retombées internationales avec une attention particulière portée sur les économies émergentes. M. Choi est titulaire d’un doctorat d’économie de l’Université UCLA et d’une licence en économie de l’Université Yonsei à Seoul.


Stephanie Medina Cas est économiste principale au Département des statistiques du FMI. Elle a auparavant travaillé au Département de l’Hémisphère occidentale, au Département Afrique et au Département des marchés internationaux des capitaux du FMI. Elle a également travaillé pour la Commission Européenne, ainsi que pour les agences Fitch Ratings et Standard & Poor’s. Dans le cadre de ses études, elle s’intéresse notamment à la résolution des banques et aux politiques monétaire et budgétaire.

   



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