La lutte contre les inégalités en Afrique subsaharienne pourrait favoriser la croissance


Par Antoinette Sayeh, Directrice du Département Afrique, FMI

Par Antoinette Sayeh
Affiché le 16 novembre 2015 par le blog du FMI - iMFdirect

La montée des inégalités est une question à la fois morale et économique qui a des conséquences pour la santé générale de l’économie mondiale et influe sur la prospérité et la croissance.

Il n’est donc pas surprenant que la réduction des inégalités fasse partie intégrante des Objectifs de développement durable adoptés par les dirigeants mondiaux lors du sommet des Nations Unies en septembre. Je parle souvent avec mes collègues des progrès de l’Afrique subsaharienne dans ce domaine. Malheureusement, l’Afrique subsaharienne fait partie des régions du monde, avec l’Amérique latine, où les inégalités sont les plus prononcées (graphique 1). De fait, l’inégalité y semble beaucoup plus marquée à tous les niveaux de revenu que partout ailleurs (graphique 2).

Si la croissance vigoureuse de ces quinze dernières années s’est traduite par une augmentation du revenu par habitant en Afrique subsaharienne, il est décevant de constater que l’inégalité de revenu à l’intérieur des pays n’a pas diminué et qu’elle est restée globalement inchangée. De plus, l’inégalité entre les femmes et les hommes a reculé moins vite que dans les autres régions.

La réduction des inégalités favorise aussi la croissance économique

Mes collègues du Département Afrique du FMI examinent cette question dans la dernière édition de notre rapport sur les perspectives économiques de la région.

Nous avons tous notre petite idée sur l’origine des inégalités, mais ce qui nous intéressait plus particulièrement était de déterminer, en nous appuyant sur des travaux antérieurs réalisés pour les pays plus avancés, si le niveau élevé d’inégalité nuisait à la prospérité économique de la région.

Nous avons constaté que l’inégalité avait bien un effet négatif sur la croissance économique de la région. Plus précisément, il ressort de notre étude que le la croissance du PIB réel par habitant des pays d’Afrique subsaharienne pourrait gagner près d’un point de pourcentage par an si les inégalités — tant les inégalités de revenu que les inégalités entre femmes et hommes — étaient ramenées aux niveaux observés dans les pays dynamique d’Asie du Sud-Est, tels que l’Indonésie, la Malaisie, les Philippines, la Thaïlande et le Vietnam. Cela correspond parfois à la moitié de l’écart de croissance entre ces pays et l’Afrique subsaharienne.

Il va de soi que ces constatations ne s’appliquent pas uniformément à chacun des 45 pays d’Afrique subsaharienne :

    ● Dans les pays à faible revenu et les États fragiles de la région tels que le Niger et le Mali, ce sont les déficiences en matière d’infrastructures et de capital humain et, dans une moindre mesure, l’inégalité entre les femmes et les hommes, qui freinent le plus la croissance. Il convient donc de continuer en priorité à remédier aux déficiences en matière d’infrastructure et de capital humain pour rehausser la croissance économique.

    ● Dans les pays à revenu intermédiaire de la région tels que l’Afrique du Sud, ce sont plutôt les politiques publiques visant directement à réduire les inégalités qui pourraient profiter le plus à la croissance. Dans ces pays, en effet, il serait plus bénéfique du point de vue la croissance économique de ramener les inégalités de revenu et les inégalités entre femmes et hommes au niveau des pays d’Asie que d’éliminer le déficit d’infrastructures.

    ● Dans les pays exportateurs de pétrole tels que l’Angola et le Cameroun, les restrictions légales qui empêchent les femmes de participer à la vie économique et le déficit d’infrastructures sont les facteurs les plus importants à l’origine de l’écart de croissance par rapport aux pays d’Asie.

Au moment où les perspectives de croissance économique de la région s’assombrissent, il apparaît d’autant plus urgent, au vu des résultats de nos travaux, que les gouvernements prennent en priorité les mesures qui auront le plus de chances de libérer le potentiel de croissance ET de mettre fin aux inégalités. Des actions pourraient être menées dans trois directions :

Premièrement, les mesures budgétaires ont un rôle important à jouer. Un grand nombre de systèmes fiscaux de la région reposent sur des exonérations de taxe et des taux réduits pour les biens de première nécessité, ce qui réduit le rendement potentiel de la taxe sur la valeur ajoutée alors que les recettes ainsi perdues profitent essentiellement aux plus nantis. Les pauvres consacrent une grande proportion de leur revenu à l’achat de biens de première nécessité, mais les riches dépensent en général davantage en valeur absolue. C’est la raison pour laquelle le FMI préconise l’élimination progressive des exonérations de TVA, avec une transformation de la politique de dépense en un outil plus efficace pour lutter contre les inégalités. La suppression des subventions aux carburants, qui profitent essentiellement aux ménages à revenu intermédiaire et élevé, et leur remplacement par un système de transferts ciblés sur les ménages pauvres contribueraient aussi largement à la réduction des inégalités.

Deuxièmement, Un meilleur accès aux services financiers peut aussi aider à faire reculer les inégalités. Par exemple, la création de bureaux de crédit qui centralisent les informations peut encourager les banques à prêter à de nouveaux clients, car elles auront plus facilement accès aux informations les concernant. Certains pays d’Afrique, en particulier le Kenya, où près de 60 % de la population adulte a accès à l’argent mobile, ont montré comment l’utilisation de téléphones portables pour les transactions bancaires peut ouvrir l’accès aux services financiers pour les populations vivant dans les régions excentrées.

Troisièmement, la suppression des restrictions légales à l’activité des femmes apporterait rapidement des avantages aux pays qui ont besoin de renforcer leur croissance économique. Par exemple, huit pays d’Afrique subsaharienne appliquent encore au moins dix restrictions de cette nature, qui empêchent par exemple les femmes d’ouvrir un compte en banque ou d’accepter un emploi sans l’autorisation de leur mari. La suppression de ces restrictions là où elles existent est une mesure simple qui soutiendrait la croissance, d’autant plus que beaucoup de pays sont fortement pénalisés par l’effondrement des cours des produits de base. Ils devraient être encouragés par l’expérience de pays comme la Namibie, où la suppression des restrictions de cette nature s’est traduite par une augmentation du taux d’activité et, partant, une croissance économique plus vigoureuse.

Une croissance économique qui profite à tous et dont les bienfaits sont mieux répartis est aussi une croissance qui a plus de chances de durer. La croissance économique de l’Afrique subsaharienne depuis une dizaine d’années est impressionnante, mais les résultats obtenus en matière d’inclusion le sont moins. À mon sens, nos travaux montrent comment les pays peuvent progresser dans ce domaine : compte tenu du ralentissement de la croissance dans la région, il est plus urgent que jamais d’avancer sur le front des inégalités.



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