Programme du G-20 : L’heure est à l’action; l’économie mondiale vous en sera reconnaissante

Par Christine Lagarde
Affiché le 6 février 2015 par le blog du FMI - iMFdirect

Initiative, investissement et inclusion : ces trois objectifs domineront le programme de travail du G-20 cette année, y compris à l’occasion de la première réunion des ministres des finances et gouverneurs de banque centrale, qui se tiendra à Istanbul la semaine prochaine. Pour reprendre les paroles récemment prononcées par le Premier Ministre turc, Ahmet Davutoğlu, «L’heure est à l’action — şimdi uygulama zamanı»

Les enjeux sont considérables. Si l’action n’est pas au rendez-vous, le supertanker de l’économie mondiale risque de ne pas pouvoir se dégager des bancs de sable de la croissance poussive et de la faible création d’emplois. C’est pourquoi nous devons agir sur ces trois «i» :

1. Initiative — Les promesses à tenir

Le défi immédiat que doivent relever les pays du G-20 consiste à prendre l’initiative de la mise en œuvre des ambitieux engagements souscrits au sommet de Brisbane en novembre. Ce faisant, ils pourront ajouter plus de 2.000 milliards de dollars à l’économie mondiale et créer des millions de nouveaux emplois sur les quatre années à venir. Le FMI a été invité à suivre la mise en œuvre de cette stratégie de croissance et il le fera, pays par pays, réforme par réforme.

Les gains en perspective sont considérables. Ils viendront s’ajouter au coup de fouet que pourrait apporter le récent repli des cours du brut. Cependant, de redoutables risques baissiers pèsent également sur l’économie mondiale. C’est pourquoi, en dépit du pétrole moins cher et d’une économie américaine plus dynamique, en janvier dernier le FMI a revu à la baisse ses prévisions de croissance mondiale pour 2015 et 2016 (à 3,5 et 3,7 %, respectivement).

Un risque se dégage de ce que j’appellerai la «politique monétaire asynchrone», c’est-à-dire la normalisation aux États-Unis, alors que la plupart des autres pays intensifient la relance. Même si ce processus est bien géré, il pourrait conduire à une volatilité excessive sur les marchés financiers, à mesure qu’évoluera la perception des risques chez les investisseurs.

Je mentionnerai un deuxième risque lié au renforcement du dollar. Les pays émergents sont particulièrement vulnérables car durant les cinq dernières années beaucoup de leurs banques et de leurs entreprises ont augmenté leurs emprunts dans cette monnaie.

Enfin, il est un autre risque, celui de voir la zone euro et le Japon s’enliser dans la pénombre d’une croissance poussive et d’une faible inflation. Cette double problématique aggraverait le risque de récession et de déflation car beaucoup de pays auraient encore plus de mal à réduire le lourd fardeau du chômage et de la dette.

2. Investissement — Vous avez dit structurel?

Tout cela appelle un ensemble de politiques plus vigoureuses. Les politiques monétaires accommodantes restent essentielles pour accompagner la demande dans beaucoup de pays et l’ajustement budgétaire doit, dans toute la mesure du possible, être propice à la croissance et à l’emploi. Mais cela ne suffit pas. Il faut avancer de façon résolue sur la voie des réformes structurelles dans des domaines tels que les échanges, l’éducation, la santé, les dispositifs de protection sociale, les marchés du travail et des produits, ainsi que des infrastructures efficientes. Ces réformes rehausseront les perspectives de croissance potentielle à moyen terme, et certaines auront aussi un effet positif à court terme.

Sur ce point, j’appuie vivement le nouveau plan ambitieux destiné à accroître l’investissement dans l’infrastructure de qualité au titre du programme de promotion de la croissance du G-20. Des progrès sont déjà manifestes. Des effets considérables sont à attendre de la poursuite des travaux dans le cadre du plan d’investissement de 315 milliards d’euros de la Commission européenne, notamment en levant les obstacles réglementaires qui ont freiné l’investissement.

Les nouveaux accords commerciaux transpacifiques et transatlantiques pourraient également nourrir la croissance économique après plusieurs années de ralentissement du commerce mondial. Durant ces deux dernières années, le volume des échanges n’a progressé que de 3 %, niveau nettement inférieur à la moyenne de 7 % d’avant la crise. Il y a donc de quoi accélérer la croissance.

3. L’impératif de la croissance inclusive

La stratégie du G-20 insiste également sur la nécessité d’une croissance plus inclusive et durable. L’un des principaux objectifs consiste, par exemple, à réduire de 25 % sur la décennie à venir l’écart qui existe entre les hommes et femmes. Cela permettra à plus de 100 millions de femmes de rejoindre la population active et, partant, de doper la croissance mondiale tout en réduisant la pauvreté et l’inégalité.

Les dirigeants devraient s’inspirer de ce que font des pays comme le Chili et les Pays-Bas. Ces derniers ont en effet fortement augmenté la participation de la femme à la population active grâce à des politiques judicieuses qui misent sur l’existence de crèches accessibles, de congés maternité et d’horaires de travail flexibles.

Il convient en outre de saluer vivement la volonté de la présidence turque du G-20 de placer le développement international au cœur de son programme de travail. Dans le courant de l’année, les dirigeants de la planète s’efforceront d’établir un nouvel ensemble d’objectifs de développement durable et de trouver les moyens de les financer. S’appuyant sur son travail de longue date dans les pays en développement, le FMI entend jouer un rôle important.

Des mesures ont déjà été prises pour aider les pays frappés par la flambée d’Ébola. Je suis heureuse d’annoncer que le FMI a tenu l’engagement pris auprès du G-20 à Brisbane afin de fournir un complément de financement et d’allégement de la dette aux trois pays touchés. Avec l’appui de nos pays membres, nous allons accorder 100 millions de dollars d’allégement de la dette — nous serons d’ailleurs la première institution multilatérale à le faire — et nous entendons fournir un financement supplémentaire immédiat de 160 millions de dollars (en sus des 130 millions de dollars accordés en septembre). Nous avons en outre entrepris de mobiliser plus de financements de la communauté internationale de bailleur de fonds.

Cette année, les dirigeants de la planète auront également l’occasion de conclure un accord global sur la réduction des émissions de gaz carbonique lors du sommet de Paris, en décembre. La suppression des subventions énergétiques sera vitale. Il est encourageant de voir que plusieurs pays, dont le Cameroun, la Côte d’Ivoire, l’Égypte, Haïti, l’Inde, l’Indonésie et la Malaisie, ont récemment réduit les subventions aux énergies fossiles. Cette politique, qui a été vivement préconisé par le FMI, est bonne pour l’environnement ainsi que pour la croissance.

La coopération est vitale

Je suis également encouragée par l’intention de la présidence turque du G-20 de renforcer l’impact et la crédibilité de la coopération économique mondiale en faisant intervenir un plus large éventail de parties prenantes, dont représentants de la société civile, des centres de recherche, des organisations syndicales et d’autres ONG. Ce travail nous guide vers ce que j’appellerai le «nouveau multilatéralisme».

Bien entendu, une coopération mondiale efficace passe par des institutions efficientes et représentatives d’une économie mondiale en mutation. Comme je l’ai déjà indiqué, je suis profondément déçue par le fait que les États-Unis n’aient pas ratifié l’année dernière les réformes de 2010 relatives aux quotes-parts et à la gouvernance. Le Conseil d’administration du FMI s’emploie désormais à définir des mesures intérimaires, mais nous ne perdons pas de vue l’objectif ultime de parachever les réformes de 2010.

Il est particulièrement opportun que nous nous réunissions cette année en Turquie, charnière entre l’Est et l’Ouest. Pour joindre les aspirations du G-20 aux résultats concrets, il faudra une uygulama décisive. L’heure est à l’action; mettons les points sur les trois «i».



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