Situation budgétaire : apprenons à voir le verre à moitié plein

Par Carlo Cottarelli, Directeur, Département des finances publiques, Fonds monétaire international
Affiché le 21 septembre 2011 par le blog du FMI - iMFdirect

Dans le climat actuel d’extrême nervosité des marchés et de sinistrose économique, il est facile de sombrer dans le pessimisme, jusqu’à l’excès et, partant, à l’heure où les mauvaises nouvelles tombent les unes après les autres, d’oublier les progrès réalisés ces dernières années.

Dans de nombreux pays avancés, la dette et les déficits publics restent à des niveaux très élevés mais cela ne doit pas faire oublier les progrès importants réalisés par ces pays en matière d’ajustement. Pratiquement partout, les déficits publics sont en net recul puisqu’ils sont inférieurs de 2¼ points de PIB en moyenne par rapport à il y a deux ans.


Dans la majorité des pays, les perspectives budgétaires sont plus encourageantes que nous ne l’anticipions il y a deux ans. Prenons l’exemple des cinq premières économies européennes. Le graphique ci-dessous indique, en gris, l’évolution du ratio dette publique/PIB que nous prévoyions il y a deux ans pour la période 2012-2014 et, en bleu, l’évolution que nous prévoyons aujourd’hui pour cette même période. Comme on peut le constater, nous avons revu à la baisse nos prévisions d’augmentation des ratios d’endettement. Dans certains cas, nous prévoyons même une baisse de ces ratios, compte tenu des engagements de réduction des déficits pris par ces pays sur une longue période.

Et pourtant, en Europe, les marchés financiers ne semblent pas estimer que les efforts de rééquilibrage budgétaire sont suffisants. Comment expliquer ce décalage entre la perception des marchés et la réalité ?

Une communication brouillonne peut constituer un élément d’explication. Au sein de la zone euro, qui compte 17 pays membres, chaque responsable exprime sa propre analyse de la situation, qui ne correspond pas nécessairement en tous points à celle des autres. Cette cacophonie est source d’incertitude, alors que les marchés financiers attendent un message clair, exprimé d’une seule voix. Par ailleurs, si les dirigeants européens ont conclu cet été un accord qui leur donne plus de latitude pour régler les problèmes avant qu’ils ne dégénèrent en crises, il n’a toujours pas été appliqué. Appliquer cet accord sans plus attendre aurait l’avantage d’envoyer un signal politique fort quant à la détermination des membres de la zone euro à continuer de faire tout ce qui est nécessaire pour préserver la confiance.


graphique

C’est pourquoi j’invite les pessimistes à ne pas perdre de vue les progrès qui ont été réalisés.

Et j’invite les hypothétiques optimistes à ne pas sous-estimer la tâche qui reste à accomplir.

Cette tâche s’annonce compliquée. Les responsables budgétaires doivent en effet veiller à ce que le secteur public ne soit pas une source d’instabilité, en s’engageant sur un programme de nature à stabiliser, puis à réduire la dette publique. Dans le même temps, ils doivent veiller à ce que le resserrement de la politique budgétaire qu’implique cet objectif ne devienne pas lui-même une source d’instabilité en compromettant la reprise économique, qui traverse une phase délicate.

Les conditions qui prévalent sur les marchés étant ce qu’elles sont, certains pays n’auront d’autre choix que d’opérer rapidement un resserrement budgétaire important tout en s’employant à en atténuer le plus possible les retombées sur la croissance. Les pays qui bénéficient de conditions de financement plus favorables pourraient se permettre de ralentir quelque peu le rythme d’ajustement à court terme, surtout si les engagements qu’ils ont pris pour le moyen terme sont jugés très crédibles. Le bon dosage entre ajustement à court terme et ajustement à moyen terme dépendra de la situation propre à chaque pays.

Dans le cas des États-Unis, par exemple, un engagement des responsables sur un programme crédible de réduction du déficit et de l’endettement à moyen terme pourrait permettre d’envisager une politique budgétaire à court terme mieux adaptée au cycle économique. De ce point de vue, la proposition de loi pour l’emploi américain (American Jobs Act) du Président Obama peut grandement contribuer à soutenir la croissance et l’emploi, à condition qu’elle s’inscrive dans le cadre d’un plan de réduction de la dette publique à moyen terme adapté.

Au vu de l’ampleur de l’ajustement nécessaire dans ce pays, ce plan devra prévoir un accroissement des recettes fiscales et il faudra veiller à ce que l’effort correspondant soit réparti équitablement entre toutes les couches de la société. Il est également nécessaire de réformer le système de santé et de protection sociale pour maîtriser la progression des dépenses dans ces domaines. Si les marchés financiers doivent avoir confiance dans le fait qu’il sera respecté sur la durée, il est néanmoins indispensable que le programme de réduction de l’endettement résulte d’un large consensus politique.

Pour reprendre un cliché éculé, les marchés ne semblent retenir que le fait que le verre est à moitié vide, sans voir qu’il est aussi à moitié plein. Les pessimistes auraient peut-être intérêt à prendre le temps du recul et considérer le chemin parcouru avant d’affronter les défis qui restent à relever, dont il ne s’agit pas de nier la difficulté.



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