Malheur et misère : aider les États fragiles à s'en sortir

Par Dominique Desruelle, Directeur adjoint du Département de la stratégie, des politiques et de l'évaluation du FMI
Affiché le 7 septembre 2011 par le blog du FMI - iMFdirect

L’Iraq ravagé par la guerre, Haïti dévasté par un séisme, la Sierra Leone détruite par un conflit, tant de pays dans le monde se retrouvent confrontés aux séquelles d’effroyables épreuves qui les laissent traumatisés et fragiles.

Il va de soi que ces pays ont besoin d’aide pour se relever de telles situations, mais il n’est pas facile de s’accorder sur une même vision des mesures concrètes à prendre.

Certains ont remis en cause l’utilité du rôle du FMI dans ces pays caractérisés par la faiblesse des institutions et des infrastructures, des conflits internes et les difficultés à assurer les services de base à la population ; ils estiment que le FMI devrait laisser le soin d’intervenir dans les états fragiles essentiellement aux bailleurs de fonds bilatéraux et aux institutions de développement

Mais ils se trompent. Améliorer le fonctionnement d’une économie constitue le domaine d’expertise du FMI et est un élément essentiel qui permet aux pays concernées de sortir de leur situation de fragilité et de donner à leurs citoyens une vie meilleure.

Mieux faire

D’après une analyse récente, le FMI a joué un rôle positif important dans les états fragiles, essentiellement par les programmes qu’il appuie et par l’assistance technique et la formation qui permettent de renforcer les politiques macroéconomiques et les capacités institutionnelles.

Cela ne veut pas dire que nous faisons toujours tout bien. Nous pouvons mieux faire. Il y a largement la possibilité d’adapter nos modes d’action, d’évoluer vers une démarche plus souple, plus progressive et à plus long terme, pour mieux répondre aux besoins de ces pays.

Nous avons la chance de ne pas être seuls dans cet effort. L’OCDE, la Banque mondiale, les banques régionales de développement, les bailleurs de fonds bilatéraux et les pays du groupe G7+ confrontés à des situations de conflit et de fragilité ont analysé en profondeur la complexité de la situation dans ces pays fragiles et ravagés par des conflits. Ils continuent à élaborer des recommandations sur la façon dont la communauté internationale peut faire mieux dans ces circonstances pour être plus efficace.

Souplesse accrue

Comment le FMI peut-il faire preuve de plus de souplesse? Comment peut-il resserrer sa coopération avec les autres partenaires? Voici quelques pistes :

L’une des grandes priorités consiste à promouvoir la stabilité macroéconomique, mais ces pays sont confrontés à de graves contraintes de capacités : nous devons donc être réalistes en établissant les calendriers des mesures de politique économique. Il faut faire preuve de souplesse dans la conception des programmes économiques appuyés par le FMI et, comme l’ont souligné les plus éminents experts, dans la stricte hiérarchisation des priorités.

La communauté internationale est parfaitement consciente de la nécessité de remporter quelques « succès immédiats » lorsque l’on intervient dans des situations de fragilité, pour susciter l’adhésion de la population locale et faciliter la sortie vers une transition. Le FMI peut s’employer à inclure dans ses recommandations de politiques macroéconomiques à moyen terme, quelques « succès immédiats » définis par d’autres, telles que la remise en état des services d’électricité ou les programmes d’emploi pour les jeunes chômeurs.

Un recours plus exhaustif à la Facilité de crédit rapide (FCR) du FMI, caractérisée par une faible conditionnalité et un bas niveau d’accès, pourrait permettre aux pays à faible revenu de connaître un ajustement plus progressif lors des premières phases critiques de transition. Le poids des ajustements serait ainsi allégé et correspondrait mieux aux capacités existantes. Par la suite et au fur et à mesure des progrès, le FMI pourrait apporter son appui par le biais de sa Facilité élargie de crédit (FEC) , avec un niveau d’accès plus élevé et des normes de conditionnalité plus strictes. Pour faciliter cette démarche, il faudrait envisager d’adapter certaines modalités de la FCR, notamment ses limites de financement.

Les besoins de financement à long terme des pays en situation fragile sont le mieux satisfaits par des ressources hautement concessionnelles de la part des bailleurs de fonds. Même dans ces cas là, le FMI peut s’efforcer d’encourager les bailleurs de fonds des pays en situation fragile à accroître leur soutien. Le FMI pourrait par exemple proposer d’intégrer des guichets d’appui budgétaire dans les fonds fiduciaires multi bailleurs (gérés par d’autres) en lien avec ses opérations de suivi ou les programmes qu’il appuie.

L’assistance technique et la formation dans les situations fragiles sont également essentielles pour la réussite. En partenariat avec les organismes de développement, le FMI s’efforce d’apporter davantage son expertise sur le terrain pour aider les responsables de ces pays à mettre les politiques en œuvre au jour le jour.

Les situations fragiles ne sont pas l’apanage exclusif des pays à faible revenu. Nous devons également tenir compte des besoins des états fragiles à revenu intermédiaire. Même si ces pays peuvent avoir des ressources financières et des capacités techniques plus importantes que ceux à faible revenu, ils sont encore nombreux à se heurter à des obstacles complexes et des risques redoutables pour échapper à la fragilité. La création d’une facilité de type FCR, avec conditionnalité limitée et faible financement, pourrait être utile pour permettre au FMI d’intervenir plus rapidement dans certains de ces pays, et contribuer ainsi à accélérer la mobilisation de l’ensemble de la communauté internationale

Poursuite du dialogue

Dans les mois qui viennent, nous allons parfaire ces pistes et élaborer des orientations pour intégrer dans nos activités cette nouvelle souplesse d’action du FMI. Ce faisant, tous les échanges approfondis que nous pourrons avoir avec l’ensemble des états membres, nos partenaires au développement et la société civile nous seront hautement bénéfiques. La prochaine grande occasion de poursuivre ce dialogue sera le séminaire public de haut niveau organisé à Washington à la fin du mois en marge de l’Assemblée annuelle du FMI.
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Le séminaire public, «  Fostering Engagement with Fragile States », se tiendra le jeudi 22 septembre 2011 de 10 heures à 11 heures 30 au siège du FMI à Washington. Les actes seront disponibles à l’issue du séminaire sur le site internet du FMI. Pour de plus amples informations sur cette manifestation, veuillez consulter le site internet du programme de séminaires de l’Assemblée annuelle http://www.worldbank.org/pos/.




Dominique Desruelle est Directeur adjoint du Département de la stratégie, des politiques et de l’évaluation du FMI. Depuis qu’il a rejoint le FMI en 1993, il a travaillé sur les pays de l’ex Union soviétique, d’ Afrique, et d’Amérique centrale où il a été chef de mission pour le Costa Rica et El Salvador. Il a également dirigé les travaux du FMI sur la surveillance, la dette souveraine et un grand nombre de questions liées aux pays à faible revenu. Avant de travailler au FMI, il a enseigné l’économie à l’Université de Montréal et à l’Université du Québec à Montréal.


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