2002 Annual Meetings of the IMF and the World Bank Group

IMFC Statements
September 28, 2002

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Déclaration de M. Francis Mer
Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, France
Comité monétaire et financier international


Washington, D.C., 28 September 2002

English

Chers collègues,

Depuis la dernière réunion de notre Comité, les facteurs d'incertitude se sont accrus. L'instabilité des marchés financiers fait peser des risques sur la reprise économique. Nous devons agir collectivement pour y remédier. Cette situation confirme l'impératif de règles communes, bases d'un renforcement de la coopération internationale qui seule peut apporter une réponse durable aux enjeux posés par la globalisation.

Mon collègue Thor Pedersen, Président de l'Ecofin, développe dans son discours au nom de l'Union européenne une vision ambitieuse et équilibrée des différents thèmes qui seront débattus au CMFI. Je m'associe pleinement à cette analyse et souhaite plus particulièrement mettre l'accent sur les points suivants.

    1. Les incertitudes conjoncturelles sont grandes et les questions structurelles en suspens doivent être traitées avec ambition

Outre les incertitudes géopolitiques, les derniers mois ont vu se produire plusieurs chocs négatifs pour l'économie mondiale : choc de confiance lié à la résorption de la bulle sur certaines valeurs et aux doutes sur la sincérité comptable des entreprises, montée globale de l'aversion au risque, hausse des cours pétroliers. Tous ces risques subsistent aujourd'hui : l'incertitude qu'ils engendrent est un frein au déclenchement d'un cercle vertueux d'accélération de la croissance mondiale. Nous devons donc y répondre ensemble, de manière coordonnée.

La volatilité des marchés financiers est une source de préoccupation centrale. Les récentes faillites affectent la confiance dans les fondements mêmes du système de marché, à savoir la fiabilité de l'information financière. Il s'agit donc bien d'une question structurelle. La communauté internationale n'est pas restée inactive, et je me réjouis du programme de travail du FSF. Coordonner les travaux des principales instances internationales intéressées et assurer la cohérence sur le plan international des programmes de réforme nationaux ou régionaux est un objectif essentiel. Répondre de manière efficace et durable à ces événements nécessite une approche sous de multiples facettes. Trois chantiers sont incontournables, et appellent tout particulièrement une approche globale : la convergence des normes comptables avec un nivellement par le haut ; la régulation des commissaires aux comptes et auditeurs ; la séparation des activités d'audit et de conseil. Par ailleurs, une réflexion internationale me semble devoir être rapidement engagée sur les agences de notation.

Les mesures rapides et fortes prises par les Etats-Unis sont de nature à rassurer les marchés. Elles contribuent à assurer une convergence mondiale, notamment vers le standard européen qui était déjà très performant sur de nombreux points. L'Europe n'est naturellement pas à l'abri de toutes difficultés et les initiatives européennes en cours confirment sa réactivité et son ambition. Le projet de loi sur la sécurité financière qui sera prochainement débattu en France vise à améliorer la régulation des marchés, dans un contexte d'harmonisation internationale.

L'évolution du prix du pétrole reste un facteur de risque et d'incertitude. Le niveau actuel du prix du pétrole n'est pas en ligne avec les fondamentaux et pourrait avoir des effets négatifs sur la croissance mondiale par ses conséquences inflationnistes - certes limitées dans l'environnement économique actuel -, par une érosion du pouvoir d'achat des consommateurs et probablement par un plus grand attentisme des entreprises en matière d'investissement. Il est important que le prix du pétrole retrouve un niveau compatible avec la situation économique des pays tant producteurs que consommateurs, en particulier les plus pauvres d'entre eux. Mais la communauté internationale doit être prête à réagir lorsque les prix dépassent un certain seuil, à la hausse comme à la baisse, et un dialogue coopératif entre producteurs et consommateurs doit s'établir à ce sujet.

Le contexte international nous invite naturellement à la prudence même si la reprise, quoique ralentie, se poursuit. Il est de notre intérêt que l'ensemble des économies retrouve rapidement une croissance plus vigoureuse et que les déséquilibres structurels trouvent une réponse dans des conditions satisfaisantes.

Les Etats-Unis ont eu une croissance plus forte que prévue en début d'année, ce qui est une bonne nouvelle pour l'économie mondiale. Pour autant, les incertitudes restent fortes. Outre les interrogations conjoncturelles (sur l'investissement compte tenu du tassement des taux d'utilisation et sur la consommation dans un contexte de dégradation de la confiance des ménages), les Etats-Unis restent caractérisés, sur un plan plus structurel, par un faible taux d'épargne et par le creusement des déséquilibres externes. Cette situation pose un problème car le financement de ce déficit capte une part importante de l'épargne mondiale. Au-delà, elle est porteuse de risques de correction brutale, en particulier dans un contexte où l'économie américaine pourrait devenir moins attractive pour les investissements étrangers qu'elle ne l'a été par le passé. A ce titre, la révision à la baisse dans les comptes nationaux américains de l'accélération de la productivité américaine, mais aussi le fait que cette accélération a surtout profité aux salariés et finalement peu aux actionnaires amène à s'interroger sur la soutenabilité du fonctionnement de l'économie américaine tel qu'observé à la fin de la décennie 90, qui reposait sur l'hypothèse d'une forte progression de la rentabilité du capital. La situation du Japon, et en particulier la vulnérabilité de son secteur financier et l'importance de la dette publique accumulée, reste préoccupante.

Dans ce contexte, la zone euro a connu une croissance, peu vigoureuse au début de l'année 2002. En l'absence de déséquilibres tant internes qu'externes, les conditions d'une consolidation de la croissance sont réunies mais, là aussi, les incertitudes conjoncturelles restent fortes. Facteurs positifs, la détente des taux longs et la baisse de l'inflation devraient aider à soutenir la demande intérieure. Le cadre de politique économique mis en place dans la zone, avec une politique monétaire crédible et les mécanismes d'amortissement des chocs conjoncturels, permettra aux stabilisateurs automatiques de continuer à jouer dans la majorité des pays. La France a, de son côté, mieux résisté que ses grands partenaires, notamment grâce à la bonne tenue de la consommation des ménages, qui devrait continuer d'être soutenue par la désinflation et les baisses d'impôt. Au-delà de ces aspects conjoncturels, le potentiel de croissance du pays doit maintenant augmenter : les réformes structurelles vont y aider. C'est dans ce sens que la réforme du marché du travail se poursuit, avec l'allègement du coût du travail pour les peu qualifiés, la création d'emplois-jeunes en entreprise et la refonte du dispositif des 35h. Par ailleurs, une série de mesure vise à rendre notre économie plus dynamique, notamment la baisse de la fiscalité.

S'agissant de la situation des pays émergents, et plus particulièrement de l'Amérique latine, principal sujet d'inquiétude en ce moment, je me félicite naturellement de l'accord conclu entre le FMI et le Brésil. Cet accord, accompagné des mesures prises par les autorités brésiliennes destinées à renforcer la crédibilité du programme, a permis de stabiliser les marchés. Nous devons naturellement continuer à suivre l'évolution de la situation avec la plus grande attention. Je me réjouis également du début de stabilisation enregistré en Uruguay à la suite de l'intervention de la communauté internationale à la fin du mois de juillet dernier. J'engage enfin les autorités argentines et les services du FMI à tout mettre en æuvre afin de parvenir à un accord ambitieux, de nature à assurer un cadre macro-économique compatible avec la stabilisation de l'économie et son redressement à moyen terme. Ceci nécessite des efforts des deux côtés. La stabilité et la sûreté juridiques, indispensables au fonctionnement d'une économie moderne, sont aussi requises. Il nous faut aussi prendre mieux en compte les effets sociaux souvent irréversibles de ces crises sur les populations les plus vulnérables. Le dialogue entre le FMI et la Banque mondiale sur ces questions a fortement progressé dans les pays les plus pauvres : les crises récentes illustrent si besoin était que ces approches doivent être mises en æuvre dans les grands pays émergents.

    2. Nous devons obtenir des résultats rapides dans nos discussions actuelles sur la prévention et la résolution des crises financières

Des progrès importants ont été accomplis sur la base des propositions faites par la Direction générale du FMI en faveur d'un nouveau mécanisme de traitement des dettes souveraines. Avancer résolument dans cette direction est une contribution indispensable à notre objectif commun de meilleure régulation internationale. L'approche duale décidée au printemps dernier doit continuer d'avancer de manière équilibrée, chaque volet contribuant en réalité à renforcer l'autre. De nombreuses questions demeurent. Il n'est pas surprenant que les travaux sur un sujet de cette ampleur prennent du temps. Il est cependant indispensable de ne pas perdre la dynamique, et je soutiens avec force la poursuite des travaux engagés sur l'approche dite "institutionnelle". Cette approche reste incontournable car elle permettra d'assurer une coordination efficace des créanciers. Je salue qu'un nombre croissant de membres apporte leur soutien à cette innovation présentée par les services du FMI.

Je me félicite de la perspective de progrès concrets sur l'approche contractuelle, grâce aux travaux du G10 sur les modèles de clauses d'action collective. Nous attendons des acteurs de marché une implication forte sur ce dossier : ceci appelle une stratégie d'incitation de la diffusion de ces clauses. En incorporant eux-mêmes ces clauses dans leurs émissions sous droit étranger et en montrant ainsi l'exemple - comme les pays membres de l'Union européenne en prennent l'engagement-, les pays développés peuvent et doivent favoriser cette dynamique, tout en permettant de mieux apprécier si l'insertion des clauses d'action collective a un réel effet sur le coût de la dette.

Pour pleinement porter ses fruits, la nouvelle architecture de prévention et de résolution des crises doit reposer sur tous les instruments du FMI à notre disposition : renforcement de la surveillance, discipline accrue sur la mobilisation à des niveaux exceptionnels des ressources du FMI.

Au-delà, ces travaux doivent être replacés dans le contexte des réflexions sur le financement de long terme des pays émergents. L'accès aux capitaux internationaux est nécessaire, mais l'ouverture du compte de capital ne portera ses fruits dans le long terme que si elle est réalisée de manière ordonnée et progressive, afin de limiter les risques inhérents à cette réforme. Le FMI a avancé sur ces questions vers une approche plus nuancée et mesurée. Je m'en félicite. Il faut poursuivre et traduire ces réflexions en recommandations plus opérationnelles s'appuyant sur les piliers suivants : libéralisation commerciale et libéralisation financière, caractère soutenable du régime de change, gestion des risques liés au phénomène de dés-adossement des bilans des entreprises et des banques du fait d'un endettement trop important en devises, mesures pour favoriser un marché de la dette en monnaie locale.

Enfin, la dynamique engagée à la suite du 11 septembre sur la transparence du système financier international a déjà permis d'importantes avancées. Cette impulsion doit être impérativement maintenue, en matière de transparence des centres offshores, au sein du FSF et du FMI, ou en matière de fiscalité dommageable à l'OCDE. Les avancées réalisées dans les Conseils d'administration du FMI et de la Banque mondiale sur la mobilisation dans la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme en liaison avec le GAFI sont un grand succès, dont je me félicite. Il faut maintenant passer à la mise en æuvre concrète.

    3. Le FMI est un acteur incontournable de la mobilisation en faveur du développement, qui doit inscrire son action dans les orientations de Monterrey et Johannesbourg

Au cours des derniers mois, la communauté internationale s'est fortement mobilisée, tant à Doha, à Dakar, à Monterrey ou à Johannesbourg pour renforcer son action de lutte contre la pauvreté et de promotion d'un développement durable.

Le nouveau cycle de négociations commerciales multilatérales lancé à Doha confirme la priorité des questions de développement. La Conférence de Monterrey et le Sommet de Johannesburg ont confirmé l'importance d'un renforcement de l'intégration des pays en développement et, prioritairement, des pays les plus pauvres dans les flux commerciaux mondiaux.

L'Union européenne a fait des efforts considérables en faveur des exportations des pays en développement. Plus de 40% de ses importations proviennent aujourd'hui des pays en développement et elle absorbe deux tiers des exportations de l'Afrique. Son système des préférences généralisées est parmi les plus favorables du monde et l'initiative « Tout sauf les armes » adoptée l'année dernière représente une contribution essentielle en faveur des pays les plus pauvres qui, si elle était adoptée par l'ensemble des pays industrialisés, jouerait un puissant effet de levier sur leurs exportations.

Il est clair cependant que l'ouverture des marchés n'est pas la seule voie pour que le commerce joue pleinement son rôle d'accélérateur du développement économique. La faible intégration de nombreux pays en développement dans le commerce mondial tient également pour une large part à des facteurs internes (mauvaises infrastructures, coûts de transport élevés, mauvaise gouvernance, conflits), sans parler de l'environnement conjoncturel défavorable (volatilité des cours des matières premières, en particulier).

Je suis favorable à ce que le FMI et la Banque mondiale continuent à apporter leurs analyses et leurs appuis sur ces questions, en veillant à conserver une approche globale de la question commerce-développement. Le FMI doit aussi faire des propositions sur son apport concret, notamment dans la gestion des effets transitoires négatifs de ces ouvertures. La facilité pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance doit jouer un rôle privilégié - il est d'autant plus essentiel d'en assurer la pérennité.

Le service d'une dette insoutenable a trop souvent constitué un frein insupportable au développement. L'initiative PPTE apporte des réponses significatives en termes d'allègement du poids de la dette et d'augmentation des dépenses sociales, tout en demeurant une mesure exceptionnelle. Je constate cependant que sa mise en æuvre progresse plus lentement que nous ne le souhaiterions. Des progrès dans la mise en æuvre de l'initiative ne doivent pour autant pas conduire à sacrifier la qualité des programmes économiques décidés à cette occasion, ni remettre en cause la nécessité d'assurer un traitement équitable entre les pays concernés.

Comme les chefs d'Etat du G8 l'ont indiqué lors du sommet de Kananaskis, nous devons aussi apporter les financements nécessaires à la bonne avancée de l'initiative. La France, qui vient au premier rang des pays créanciers en matière d'annulation de dette bilatérale, entend également prendre toute sa part dans le financement des annulations qui pèsent sur les institutions multilatérales.

Je souhaite enfin que les efforts engagés en vue d'obtenir une participation de tous les créanciers, conformément à la vocation universelle de l'initiative PPTE soient poursuivis. La question des poursuites judiciaires dont les pays PPTE font l'objet à l'initiative de fonds "vautours" est particulièrement préoccupante à cet égard.

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Les turbulences de l'économie internationale et les enjeux du développement témoignent de l'importance de la coopération internationale et de la mobilisation collective. Le FMI est un acteur majeur de ces efforts. Il est parfois soumis à une forte critique. La légitimité du Fonds tient à notre capacité collective à écouter ces remises en cause, à y répondre et à constamment améliorer le fonctionnement de l'institution. Le renforcement de sa gouvernance, qui continue à passer par une légitimité politique toujours renforcée dans laquelle notre Comité doit pleinement jouer son rôle, reste au cœur de notre ambition.