Aucune personne ou institution ne peut rester les bras croisés face aux changements climatiques
Quand je songe aux immenses défis que nous devons relever pour faire face aux changements climatiques, c’est aux jeunes que je pense tout d’abord. En fin de compte, ce seront eux qui récolteront les fruits des mesures que nous prenons aujourd’hui ou qui en subiront les conséquences.
Je pense à ma petite-fille de 9 ans. Lorsqu’elle atteindra l’âge de 20 ans, les changements climatiques seront peut-être tellement marqués qu’ils auront fait basculer 100 millions de personnes de plus dans la pauvreté. À son quarantième anniversaire, la planète pourrait compter 140 millions de migrants climatiques, à savoir des personnes forcées de quitter leur lieu d’origine, car elles n’y sont plus en sécurité et ne peuvent plus y assurer leur subsistance. Et si elle vit jusqu’à 90 ans, la planète pourrait afficher une température 3 °C à 4 °C plus élevée et être à peine vivable.
Sauf si nous agissons. Nous pouvons échapper à ce sombre avenir et nous savons ce que nous devons faire pour cela : réduire les émissions, compenser ce qui ne peut être réduit et nous adapter aux nouvelles réalités climatiques. Personne ne peut rester les bras croisés, ni à titre individuel ni à titre institutionnel.
Soyons réalistes
Nos efforts pour réduire les émissions de gaz à effet de serre au moyen de diverses mesures d’atténuation (élimination progressive des combustibles fossiles, accroissement de l’efficacité énergétique, adoption de sources d’énergie renouvelables, amélioration de l’utilisation des terres et des pratiques agricoles) se poursuivent, mais le rythme des progrès accomplis est trop lent. Nous devons intensifier et accélérer la transition vers une économie à faible émission de carbone. Dans le même temps, nous devons admettre que des changements climatiques sont déjà en cours et qu’ils ont des répercussions sur la vie de millions de personnes. Les phénomènes météorologiques sont plus fréquents et plus graves : plus de sécheresses, plus d’inondations, plus de vagues de chaleur, plus de tempêtes.
Que nous soyons prêts ou non, l’heure est venue de nous adapter. Et nous devons nous montrer avisés à cet égard. En nous adaptant, nous ne concédons pas une défaite, mais nous nous défendons face à une situation bien réelle. Si les investissements pertinents sont réalisés, ils se traduiront par un « triple dividende » : ils éviteront de futures pertes, stimuleront des gains économiques grâce à l’innovation et procureront des avantages sociaux et environnementaux à tous, et en particulier aux personnes actuellement touchées et les plus vulnérables. Une mise à jour des codes du bâtiment permettrait de rendre les infrastructures et les bâtiments mieux à même de résister à des phénomènes extrêmes. Pour rendre l’agriculture plus résiliente face aux changements climatiques, il faut investir davantage dans la recherche et le développement, ce qui favorisera l’innovation, la croissance et la bonne santé de la population.
Le FMI intensifie ses efforts pour faire face aux risques climatiques. Notre mission est d’aider nos pays membres à bâtir des économies plus solides et à améliorer les conditions de vie de leur population grâce à des mesures judicieuses sur les plans monétaire, budgétaire et structurel. Nous estimons que les changements climatiques constituent un risque systémique au niveau macroéconomique et le FMI, par ses travaux de recherche et ses conseils stratégiques, est très actif dans ce domaine.
Atténuation et adaptation
Pour ce qui est de l’atténuation, il s’agit d’intensifier nos travaux sur la tarification du carbone et d’aider les États à élaborer des feuilles de route qui leur permettront de passer d’une économie « brune », qui dépend du carbone, à une économie « verte », où tout doit être fait pour ne pas émettre de carbone. Les taxes sur le carbone sont l’un des outils les plus efficaces et efficients dont les États disposent. Il ressort ainsi de la dernière analyse du FMI que les grands pays émetteurs doivent instaurer une taxe carbone qui atteindrait rapidement 75 dollars la tonne d’ici à 2030 pour limiter à 2 °C le réchauffement de la planète. Les autorités doivent toutefois appliquer ces taxes avec prudence et faire en sorte qu’elles favorisent la croissance. Il est essentiel de restructurer le régime fiscal de façon équitable, créative et efficiente, et non simplement d’y ajouter une nouvelle taxe. La Suède est un exemple à suivre à cet égard : les ménages à faible revenu ou à revenu intermédiaire ont bénéficié d’une augmentation des transferts en leur faveur et de réductions fiscales pour compenser les coûts énergétiques plus élevés qu’ils doivent assumer depuis l’instauration d’une taxe carbone.
C’est une voie que d’autres pays peuvent suivre, à savoir redistribuer stratégiquement une partie des recettes tirées de la taxe carbone aux ménages à faible revenu. Puisque les recettes tirées de cette taxe sont estimées à 1 % à 3 % du PIB, une partie pourrait également servir à soutenir les entreprises et les ménages qui prennent des décisions respectueuses de l’environnement.
Pendant que nous continuons de chercher à réduire les émissions de carbone, la fréquence accrue de phénomènes météorologiques extrêmes, comme les ouragans, les sécheresses et les inondations, se fait sentir partout dans le monde. Les pays déjà vulnérables aux catastrophes naturelles sont ceux qui en souffrent le plus, non seulement en termes de pertes humaines immédiates, mais aussi du fait des effets à long terme de ces phénomènes sur le plan économique. Dans certains pays, les pertes économiques totales dépassent 200 % de leur PIB. C’est le cas de la Dominique, frappée par l’ouragan Maria en 2017.
Nos mécanismes de prêt d’urgence sont conçus pour apporter rapidement une aide aux pays à faible revenu touchés par des catastrophes. Sur le plan de l’adaptation, le FMI intervient également de diverses manières pour aider les pays à résoudre les difficultés liées au climat, à chiffrer les risques et à offrir des incitations à l’investissement, notamment dans les nouvelles technologies.
Nous appuyons les stratégies visant à accroître la résilience, en particulier dans les pays très vulnérables, afin de les aider à se préparer aux catastrophes et à les surmonter. Nous contribuons en outre au renforcement des capacités dans les administrations publiques par des activités de formation et d’assistance technique qui permettent aux participants de mieux gérer les risques de catastrophe et les interventions qui y sont liées.
Nous collaborons avec d’autres organisations pour accroître la portée de nos travaux sur le climat. L’un de nos partenariats les plus importants est celui qui nous lie à la Banque mondiale, en particulier dans le domaine de l’évaluation des politiques relatives aux changements climatiques. Ensemble, nous évaluons les plans d’atténuation et d’adaptation des pays, leur stratégie de gestion des risques et leur financement, et nous mettons en évidence les lacunes à combler par des investissements, des modifications de leurs politiques ou un renforcement de leur capacité à prendre les mesures nécessaires.
Nouveaux horizons
À l’avenir, nous devons également être prêts à intervenir chaque fois que notre savoir-faire peut se révéler utile, quel que soit le lieu ou le moment, et nous allons accroître nos capacités dans d’autres domaines. Nous collaborerons plus étroitement, par exemple, avec les banques centrales qui, en tant que garantes de la stabilité financière et de la stabilité des prix, adaptent actuellement leurs cadres et pratiques réglementaires pour faire face aux risques très divers que posent les changements climatiques.
De nombreuses banques centrales et d’autres organismes de réglementation cherchent des moyens d’améliorer les normes de divulgation et de classification des risques climatiques, afin d’aider les institutions financières et les investisseurs et à mieux évaluer leur vulnérabilité liée au climat et les instances de règlementation à mieux jauger les risques pesant sur l’ensemble du système. Le FMI offre un appui à cet égard en collaborant avec le Réseau des superviseurs et des banques centrales pour le verdissement du système financier et avec d’autres organismes de normalisation.
Les banques centrales et les instances de réglementation devraient également aider les banques, les assureurs et les entreprises non financières à évaluer leur vulnérabilité aux risques climatiques et à élaborer des « tests de résistance » liés au climat. Ces tests peuvent permettre de déterminer l’incidence probable qu’un grave choc défavorable dû à un phénomène climatique peut avoir sur la solvabilité des institutions financières et sur la stabilité du système financier. Le FMI contribuera à faire avancer les initiatives en faveur de ces tests, notamment en évaluant le secteur financier et la situation économique des pays. Il faudra bien étalonner les tests de résistance aux changements climatiques, car ceux-ci sont conçus pour évaluer les effets de chocs ou de mesures de politique économique qui n’ont peut-être que peu de précédents dans l’histoire.
Toutes ces initiatives permettront d’accroître les investissements sobres en carbone et résilients face aux changements climatiques. L’essor rapide des obligations vertes est encourageant, mais il reste encore beaucoup à faire pour assurer notre avenir. Nous devons tous intensifier nos efforts pour, ensemble, favoriser l’échange de connaissances et d’idées, la formulation et la mise en œuvre de mesures adaptées et le financement de la transition vers une nouvelle économie qui tient compte des changements climatiques. C’est aussi simple que cela. Nos enfants et petits-enfants comptent sur nous.