Vue sur le Puerto Madero, à Buenos Aires : les pays du G-20 devront agir vite et collectivement pour stimuler la croissance inclusive (photo : Florian Kopp imageBROKER/Newscom) Vue sur le Puerto Madero, à Buenos Aires : les pays du G-20 devront agir vite et collectivement pour stimuler la croissance inclusive (photo : Florian Kopp imageBROKER/Newscom)

G-20 : il faut rehausser la croissance inclusive

À l’heure où les chefs d’État du G-20 se réunissent en Argentine, l’économie mondiale est à un tournant décisif. Nous avons vécu une assez longue phase de croissance robuste d’un point de vue historique, mais, à présent, nous connaissons une période dans laquelle des risques importants se concrétisent et les perspectives s’assombrissent.

Les statistiques économiques les plus récentes ont créé la déception : il ne faut pas nous laisser démotiver. Nous devons au contraire être ambitieux, notamment en mettant en œuvre des réformes à plusieurs niveaux, qui pourraient accroître de 4 % le PIB des pays du G-20.

Pour réussir, il nous faudra faire preuve de rapidité et agir de concert.

Les signes d’une modération de la croissance

Les Perspectives de l’économie mondiale du FMI, publiées en octobre, tablent sur une croissance mondiale de 3,7 % pour 2018 et 2019. Ces projections sont inférieures de 0,2 point de pourcentage à nos estimations de juillet, ce qui s’explique essentiellement par une accentuation des pressions extérieures et financières sur les pays émergents et par une nette exacerbation des tensions commerciales.

Selon les statistiques récentes, ces circonstances défavorables pourraient avoir freiné la croissance encore plus que nous le prévoyions. À titre d’exemple, la croissance au troisième trimestre a été étonnamment faible dans des pays émergents comme la Chine ainsi que dans la zone euro. Un Brexit sans accord avec l’UE pourrait encore entamer la confiance.

À moyen terme, en particulier dans les pays avancés, nous anticipons une modération de la croissance en raison d’une situation démographique défavorable et d’une faible productivité. Cela concernera aussi les États-Unis, une fois que la récente relance budgétaire touchera à
sa fin.

En outre, dans trop de pays, les inégalités excessives nuisent à de nombreuses personnes. Elles risquent aussi de compromettre l’adhésion de la population à des réformes qui rehausseraient la productivité.

Que faire pour remédier à ces difficultés ? J’insisterai sur trois priorités.

Premièrement, renforcer notre défense

Les autorités peuvent commencer par créer une plus grande marge de manœuvre budgétaire, de manière à disposer des ressources nécessaires pour renforcer le soutien à l’économie en cas de forte érosion de la croissance. Cela suppose de procéder à un rééquilibrage significatif des finances publiques dès maintenant, surtout dans des pays très endettés comme l’Italie et dans plusieurs pays émergents.

Concernant la politique monétaire, l’actuel processus de normalisation des taux d’intérêt dans de nombreux pays avancés devrait continuer à suivre une trajectoire progressive, bien expliquée et tributaire des données, non seulement dans leur propre intérêt, mais aussi pour éviter de provoquer des turbulences inutiles dans d’autres pays.

La bonne nouvelle est que la normalisation de la politique monétaire traduit une croissance relativement solide dans les pays avancés. Toutefois, ces derniers mois, le resserrement de la politique monétaire, couplé à une montée des tensions commerciales, a accentué les pressions extérieures sur certains pays émergents (voir le graphique). Comment peuvent-ils riposter ?

Les pays qui ont des objectifs d’inflation bien ancrés devraient s’appuyer sur la souplesse du régime de change pour atténuer les pressions extérieures. Lorsque ces pressions menacent de causer des perturbations, des mesures de gestion des flux de capitaux pourraient aussi jouer un rôle dans le cadre d’un train de mesures plus global.

Deuxièmement, l’esprit d’équipe est la tactique gagnante

Nous savons que, à terme, la multiplication des obstacles au commerce est contre-productive pour l’ensemble des acteurs concernés. Il est donc impératif que tous les pays s’abstiennent d’ériger de nouveaux obstacles aux échanges, tout en supprimant les récents droits de douane.

Nous avons une occasion unique d’améliorer le système commercial international. Il ressort des études du FMI qu’une libéralisation des échanges de services pourrait accroître le PIB des pays du G-20 d’environ ½ %, soit 350 milliards de dollars, à long terme.

Parallèlement, des mesures concertées prises par les différents pays pourraient renforcer leur économie, réduire les déséquilibres mondiaux et stimuler l’économie mondiale. Par exemple, l’Allemagne pourrait utiliser son espace budgétaire pour améliorer son potentiel de croissance, en investissant davantage et en encourageant l’activité. Les États-Unis pourraient réduire leur déficit budgétaire. La Chine pourrait poursuivre le processus de rééquilibrage de son économie.

Après dix années marquées par des conditions financières relativement accommodantes, de nombreux pays doivent aussi faire face à un endettement record, estimé par le FMI à 182.000 milliards de dollars au total à l’échelle mondiale. Par ailleurs, une plus grande transparence s’agissant du volume et des conditions des emprunts, surtout dans les pays à faible revenu, s’impose.

Plus globalement, les risques qui pèsent sur le secteur financier nécessitent une intervention, en évitant notamment de réduire à néant les progrès postérieurs à la crise en matière de réglementation du secteur financier.

Troisièmement, passer à la vitesse supérieure

Le thème de la présidence argentine du G-20, Former un consensus pour un développement équitable et durable, est une grande priorité. Cependant, les progrès sont trop lents actuellement. Comment faire pour accélérer la marche ?

Les pays avancés du G-20 pourraient pour la plupart profiter d’un assouplissement des restrictions sur les marchés de produits pour encourager l’innovation et réduire les prix. Faciliter l’accès aux services professionnels serait particulièrement important, par exemple, au Japon et dans de nombreux pays de la zone euro. Il serait crucial d’augmenter les aides en faveur de la recherche au Canada, en Allemagne et au Royaume-Uni notamment.

Dans leur majorité, les pays émergents du G-20 retireraient eux aussi un avantage de réformes des marchés de produits et du travail. Des pays comme le Brésil, la Chine, l’Inde et la Russie bénéficieraient de l’abandon d’une fiscalité génératrice de distorsions.

Pratiquement partout, une progression de l’activité féminine stimulerait la croissance , mais contribuerait aussi à bâtir des sociétés plus justes et plus inclusives.

Ce ne sont là que quelques exemples des mesures qui, si elles étaient prises de concert, pourraient d’après nos calculs accroître le PIB des pays du G-20 de 4 % .

Conclusion

Les efforts déployés par le G-20 sur les dix années écoulées depuis le premier sommet des chefs d’État du groupe se sont révélés indispensables pour permettre une reprise de l’économie mondiale.

Pourtant, les perspectives recommencent à s’assombrir.

Pour relever ce défi, il faut mettre en œuvre des politiques qui se justifient sur les plans national et international. Cela suppose aussi de renforcer le dispositif mondial de sécurité financière, qui s’articule autour d’un FMI doté d’instruments et de ressources adéquats, pour veiller à ce que nous puissions remplir notre mission, c’est-à-dire aider les pays à prévenir les futures crises et à les surmonter.

Alors que le G-20 se réunit à Buenos Aires, agissons rapidement et agissons ensemble.

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Christine Lagarde est directrice générale du Fonds monétaire international. Après un premier mandat de cinq ans, elle a été reconduite dans ses fonctions en juillet 2016 pour un deuxième mandat. De nationalité française, elle a occupé auparavant le poste de ministre des Finances de son pays entre juin 2007 et juillet 2011. Elle a aussi été ministre déléguée au commerce extérieur pendant deux ans.

Par ailleurs, Mme Lagarde a poursuivi une longue et remarquable carrière d’avocate spécialiste du droit de la concurrence et du travail en qualité d’associée dans le cabinet international Baker & McKenzie, dont elle a été élue présidente en octobre 1999. Elle l’est restée jusqu’en juin 2005, date à laquelle elle a été nommée à son premier poste ministériel en France. Mme Lagarde est diplômée de l’Institut d’études politiques (IEP) et de la faculté de droit de l’université Paris X, où elle a aussi enseigné avant d’intégrer Baker & McKenzie en 1981.