Credit: Peeterv/iStock by Getty Images)

La politique budgétaire peut favoriser la stabilité économique et remédier aux risques qui pèsent sur les finances publiques

Après avoir apporté un soutien exceptionnel durant la pandémie, les pouvoirs publics devraient promouvoir la désinflation et la stabilité financière tout en protégeant les catégories les plus vulnérables et en sauvegardant les finances publiques.

Trois ans après le début de la pandémie, la politique budgétaire a considérablement progressé sur la voie de la normalisation. Les pouvoirs publics ont mis fin aux mesures exceptionnelles de soutien budgétaire et la dette publique et les déficits, qui avaient atteint un niveau record, sont en baisse, le tout dans un contexte de forte inflation, de hausse des coûts d’emprunt, d’une détérioration des perspectives de croissance et de risques financiers élevés. La viabilité de la dette est une source de préoccupation dans de nombreux pays. 

La dernière édition du Moniteur des finances publiques explique comment les conditions économiques exceptionnelles qui prévalent depuis la pandémie ont façonné les résultats budgétaires. Elle appelle à mettre en œuvre des politiques cohérentes pour ramener l’inflation aux niveaux cibles et faire face aux risques pesant sur les finances publiques tout en protégeant les plus vulnérables et en préservant la stabilité financière.

Comment aborder une période incertaine

Après une envolée historique de la dette publique qui a atteint près de 100 % du produit intérieur brut (PIB) en 2020 en raison de la contraction économique et de l’aide conséquente accordée par les États, les déficits budgétaires ont diminué avec l’arrêt des mesures de soutien exceptionnelles liées à la pandémie.

L’an dernier, près des trois quarts des pays ont durci aussi bien leur politique budgétaire que leur politique monétaire. C’est pourquoi ces deux dernières années, la dette mondiale a enregistré sa plus forte baisse depuis 70 ans et s’est établie à 92 % du PIB à la fin de l’année dernière, ce qui reste toutefois environ 8 points de pourcentage au-dessus des projections d’avant la pandémie. Les déficits primaires diminuent eux aussi rapidement et se rapprochent des niveaux d’avant la pandémie.

Fiscal Monitor chart1

Après avoir brutalement reculé en 2020, le PIB nominal a considérablement augmenté ces deux dernières années dans de nombreux pays, ce qui a été favorable aux finances publiques. Cette évolution s’explique par un fort rebond de l’économie conjugué à la poussée surprise de l’inflation, qui a alimenté une croissance du PIB nominal plus élevée que prévu et accru les recettes fiscales.

En moyenne, les pays avancés et les pays émergents, à l’exception de la Chine, on vu leur dette diminuer d’environ 2 % à 3 % du PIB l’an dernier, en partie grâce aux fluctuations inattendues de l’inflation. Le rythme de la réduction des déficits et de la dette a varié selon la rapidité avec laquelle les pays sont sortis de la pandémie et la façon dont ils ont été touchés par les chocs ultérieurs. Les pays confrontés à une crise énergétique ou alimentaire plus grave ont durci leur politique plus progressivement, les pouvoirs publics répartissant la charge afin de protéger les ménages et les entreprises en prenant aussi bien des mesures ciblées que non ciblées.

Le rôle des fluctuations « surprise » de l’inflation dans la réduction de la dette a varié en fonction du volume et de la composition de la dette de chaque pays. Les pays dont le niveau initial d’endettement était élevé, et qui ont aussi connu des flambées d’inflation imprévues et une forte croissance, ont vu leur dette diminuer sensiblement. La dépréciation des taux de change, les déficits primaires et la hausse des coûts d’emprunt ont joué un rôle plus grand dans la dynamique de la dette dans certains pays émergents et pays à faible revenu, ce qui a limité l’effet de la hausse de l’inflation sur les ratios d’endettement.

l’inflation sur les ratios d’endettement.

Des contraintes budgétaires plus strictes ont compliqué la tâche déjà difficile des pays à faible revenu qui doivent trouver un juste équilibre, et ont freiné davantage les progrès vers la réalisation des objectifs de développement durable de l’ONU. En outre, les pays ont été durement touchés par la crise du coût de la vie et l’insécurité alimentaire, qui ont mis un coup d’arrêt à la réduction de la pauvreté dans le monde.

Assurer la stabilité

Les perspectives à court terme sont floues. Dans un contexte de forte inflation, d’un durcissement des conditions de financement et d’endettement élevé, les décideurs devraient en priorité maintenir une politique budgétaire compatible avec les orientations des banques centrale afin de favoriser la stabilité des prix et la stabilité financière.

De nombreux pays devront adopter une politique budgétaire restrictive pour soutenir le processus de désinflation en cours, surtout si l’inflation élevée se révèle plus persistante. La mise en place d’une politique budgétaire plus stricte devrait permettre aux banques centrales de relever moins fortement les taux d’intérêt, ce qui contribuerait à contenir le coût des emprunts publics et à maîtriser les vulnérabilités financières.

Un durcissement de la politique budgétaire doit s’accompagner de filets de sécurité mieux ciblés afin de protéger les ménages les plus vulnérables, notamment pour faire face à l’insécurité alimentaire, tout en maîtrisant la croissance de l’ensemble des dépenses car il est probable que les pouvoirs publics subissent des pressions de la société pour compenser les hausses du coût de la vie survenues précédemment.

Les risques sont cependant élevés, et les décideurs devront être prêts à réagir rapidement. Si les turbulences financières se transforment en crise systémique, la politique budgétaire devra peut-être entrer en jeu rapidement pour faciliter le processus de résolution. En outre, si l’activité économique ralentit sensiblement et si le chômage augmente, les États devraient laisser les stabilisateurs automatiques jouer leur rôle (par exemple en laissant les déficits se creuser alors que les indemnisations du chômage augmentent ou que les recettes fiscales diminuent), en particulier lorsque les pressions inflationnistes sont maîtrisées et qu’ils disposent d’espace budgétaire.

La priorité absolue est de réduire les facteurs de vulnérabilité de la dette et reconstituer des marges de manœuvre budgétaires au fil du temps. Malgré le resserrement budgétaire progressif envisagé ces prochaines années, nous prévoyons que la dette publique mondiale va augmenter, alimentée par certains grands pays avancés et pays émergents. Plus généralement, les vulnérabilités liées à la dette suscitent une inquiétude accrue dans de nombreux pays. Dans les pays en développement à faible revenu, les coûts d’emprunt plus élevés pèsent eux aussi sur les finances publiques, 39 pays étant déjà en situation de surendettement ou s’en approchant.

Les pays devraient redoubler d’efforts pour établir des cadres budgétaires réalistes qui tiennent compte des risques, réduisent les facteurs de vulnérabilité de la dette au fil du temps et dégagent des voies pour faire face aux chocs futurs. Les cadres budgétaires renforcés peuvent tout à la fois consolider les institutions et remanier les règles budgétaires. Les plans budgétaires à moyen terme devraient s’accompagner d’engagements crédibles d’assurer la viabilité de la dette — en d’autres termes, les pouvoirs publics annonceraient des mesures ou des réformes précises en matière de dépenses et de recettes — tout en prévoyant une certaine souplesse pour s’adapter aux chocs.

Les pays à faible revenu sont confrontés à des difficultés particulièrement graves. Il est essentiel de redoubler les efforts visant à accroître les recettes pour rétablir la viabilité des finances publiques, faire face à la crise du coût de la vie et réaliser les objectifs de développement durable. Malgré plusieurs séries de réformes fiscales, les recettes restent obstinément insuffisantes, et inférieures au niveau permettant à l’État de jouer son rôle dans un développement durable et inclusif. Une coopération internationale est fondamentale pour aider ces pays à trouver une solution ordonnée et rapide à une charge de la dette insoutenable.

Ce billet est basé sur le chapitre 1 du Moniteur des finances publiques d’avril 2023 : « Sur la voie d’une normalisation des politiques »

*****

Francesca Caselli est économiste au département des finances publiques du FMI. Par le passé, elle a travaillé au département des études du FMI où elle a contribué à la rédaction des Perspectives de l’économie mondiale, ainsi qu’au département Europe. Ses études portent notamment sur la politique et les règles budgétaires, l’économie internationale et l’économétrie appliquée. Avant d’intégrer le FMI, elle a travaillé à l’OCDE et a été chercheuse invitée à la Banque d’Italie. Elle est titulaire d’un doctorat d’économie internationale délivré par l’Institut des hautes études internationales et du développement à Genève.

Vitor Gaspar, ressortissant portugais, est directeur du département des finances publiques du FMI. Avant de rejoindre le FMI, il a occupé différents postes de haut niveau à la Banque du Portugal, en dernier lieu celui de conseiller spécial. De 2011 à 2013, il a été ministre des Finances du Portugal, au rang de ministre d’État. Il a dirigé le Bureau des conseillers de politique européenne de la Commission européenne de 2007 à 2010, et été directeur général des études à la Banque centrale européenne de 1998 à 2004. M. Gaspar est titulaire d’un doctorat et d’un diplôme postdoctoral en économie de l’Université nouvelle de Lisbonne. Il a également étudié à l’Université catholique portugaise.

Gee Hee Hong est économiste au département des finances publiques du FMI. Ses travaux portent sur la politique budgétaire, la dynamique de l’inflation et les liens macrofinanciers. Avant de rejoindre ce département, elle a travaillé sur les questions de surveillance régionale et sur Singapour, le Japon et le Timor-Leste au sein du département Asie et Pacifique du FMI, ainsi que sur des questions macrofinancières au département des études. Avant de rejoindre le FMI, elle a travaillé à la Banque du Canada (2012–14). Mme Hong est titulaire d’une licence de l’Université nationale de Séoul (2006), ainsi que d’une maîtrise et d’un doctorat de l’Université de Californie à Berkeley (2012).

Paulo Medas est chef de division au département des finances publiques du FMI et supervise l’établissement du Moniteur des finances publiques du FMI. Auparavant, il a occupé divers postes au département Europe et au département hémisphère occidental du FMI. Il a été représentant résident du FMI au Brésil de 2008 à 2011. Il a dirigé des missions de renforcement des capacités dans plusieurs pays. Ses travaux de recherche portent sur les règles budgétaires, la gouvernance et la corruption, les crises budgétaires et la gestion des ressources naturelles.