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Des possibilités illimitées : créer plus d’emplois pour les jeunes dans les pays émergents et les pays en développement

Par Christine Lagarde et John Bluedorn

« Définir, c’est limiter » a dit Oscar Wilde. Pourtant, les économistes doivent parfois utiliser des définitions pour appréhender la portée d’un problème et trouver les moyens de lever les obstacles à la réussite. C’est particulièrement vrai pour les jeunes dans les pays émergents et les pays en développement. Nous savons qu’ils sont essentiels au développement économique et à la croissance. Ils représentent environ un tiers de la population en âge de travailler dans un pays émergent ou un pays en développement moyen.

Nous savons aussi que la jeunesse mondiale est confrontée à des marchés du travail difficiles et à des pénuries d’emplois. Dans un pays émergent ou un pays en développement moyen, quelque 20 % des 15 à 24 ans ne travaillent pas et ne font pas d’études contre 10 % en moyenne dans les pays avancés.

La part des jeunes sans emploi

Le coût social et économique de cet écart est considérable. La confiance dans la société tend à être moindre dans les pays où le niveau d’inactivité des jeunes est plus élevé, ce qui augmente les risques de conflits sociaux. Une récente étude des services du FMI montre que si le sous-emploi des jeunes dans un pays émergent ou en développement moyen était aligné sur celui du pays avancé moyen, le taux d’emploi de la population en âge de travailler augmenterait de 3 points de pourcentage et la production de 5 %. C’est le genre de changement dont les jeunes, et tous les pays, ont le plus grand besoin.

Des politiques qui fonctionnent pour la prochaine génération

Comment peut-on y parvenir ?

Une éducation plus longue et meilleure constitue une réponse partielle, mais qui ne suffira pas. Dans les pays émergents et les pays en développement, trop de jeunes bien formés peinent à trouver de bons emplois.

Inspirée de nouvelles analyses utilisant à la fois des mégadonnées macroéconomiques et microéconomiques (des dizaines de millions de points de données individuels), notre étude publiée aujourd’hui mentionne une série de mesures qui peuvent contribuer à résorber l’écart avec les pays avancés. Elles amélioreront les perspectives d’emploi pour tous, mais surtout pour les jeunes non scolarisés.

jeunes non scolarisés

Trois mesures en particulier méritent d’être privilégiées :

Premièrement, promouvoir l’égalité femme–homme sur le lieu de travail : la persistance d’importants écarts entre hommes et femmes est en grande partie à l’origine des moins bons résultats du marché du travail pour les jeunes dans les pays émergents et les pays en développement. En moyenne, près de 30 % des jeunes femmes n’y sont ni en activité ni scolarisées, soit presque deux fois plus que de jeunes hommes. Une partie, mais pas la totalité, de cette différence peut s’expliquer par les conséquences économiques de la maternité. Toutefois, la législation a également un rôle à jouer. En effet, lorsqu’elle protège les femmes de la discrimination dans l’emploi, leurs taux d’emploi et d’activité s’améliorent sans nuire aux hommes. Par exemple, si l’Afrique subsaharienne renforçait la protection juridique des femmes en la portant au niveau moyen de celle dans les pays émergents d’Europe et d’Asie centrale, nous estimons que les taux d’emploi et d’activité des jeunes femmes augmenteraient de 10 % à 15 %, ce qui réduirait sensiblement l’écart femme–homme.

l’écart femme–homme qui travaillent

Deuxièmement, un meilleur fonctionnement des marchés du travail : ne pas fixer des règles excessivement strictes, s’assurer que les indemnités de licenciement ne sont pas trop coûteuses et établir un salaire minimum pas trop élevé par rapport au salaire moyen, toutes ces mesures vont de pair avec une amélioration des taux d’emploi et d’activité des jeunes qui ne suivent pas d’études – en particulier des jeunes femmes. Une étude de l’histoire récente des réformes du salaire minimum en Indonésie le confirme. Dans les provinces indonésiennes qui ont relevé le salaire minimum officiel, par rapport au salaire moyen, de 10 % de moins que les autres provinces, le taux de chômage des jeunes a été inférieur de 1 à 1,5 point de pourcentage. Ces mesures ont bénéficié le plus aux jeunes femmes ; elles ont également entraîné une forte hausse du nombre des emplois formels (qui sont généralement plus productifs et souhaitables) offerts aux jeunes des deux sexes.

Troisièmement, une plus grande ouverture des marchés de produits : les gouvernements peuvent favoriser le dynamisme des marchés en intensifiant la concurrence et en encourageant l’entrepreneuriat. Dans le monde entier, beaucoup trop de jeunes n’ont pas accès aux capitaux et aux crédits nécessaires au lancement de leur entreprise ou à son expansion si elle existe déjà. Une baisse des coûts de lancement d’une jeune pousse, un allégement des formalités administratives pour les entreprises et une plus grande ouverture aux marchés internationaux s’accompagnent d’une amélioration des résultats en matière d’emploi des jeunes et de leur qualité. Nos recherches montrent qu’une libéralisation des marchés de produits, faisant passer la réglementation du niveau moyen de l’Asie du Sud et de l’Est à celui de l’Amérique latine et des Caraïbes, ferait augmenter de 5 % le taux d’activité des jeunes hommes

Il n’y a pas de temps à perdre

Les objectifs de développement durable des Nations Unies pour 2030 privilégient deux piliers pour les jeunes : réduire sensiblement leur taux de chômage et veiller à ce que ceux qui ne font pas d’études aient des possibilités d’emplois productifs et tangibles. Nous pouvons constater qu’il reste un long chemin à parcourir, mais une voie existe pour y arriver.

Le plus remarquable, et ce qui est plus rare en économie, est que les propositions de politique publique susceptibles d’aider les jeunes ne nécessitent pas d’arbitrage entre eux et leurs aînés. Elles bénéficient à tous et concourent à la croissance de l’économie d’un pays de façon saine et durable. Si nous faisons les bons choix maintenant, les avantages potentiels sont vraiment illimités.

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Christine Lagarde est directrice générale du Fonds monétaire international. Elle a exercé un premier mandat de cinq ans qui a été renouvelé en juillet 2016. De nationalité française, elle a été ministre des Finances en France de juin 2007 à juillet 2011, après avoir été Secrétaire d’État au commerce extérieur pendant deux ans.

Mme Lagarde a aussi effectué une longue et remarquable carrière d’avocate dans les domaines de la concurrence et du travail au sein du cabinet international Baker & McKenzie en tant qu’associée. Élue présidente par ses pairs en octobre 1999, elle a occupé ce poste jusqu’en juin 2005, date à laquelle elle a été nommée à son premier poste ministériel en France. Mme Lagarde est diplômée de l’Institut d’études politiques de Paris (IEP) et de la faculté de droit de l’université Paris X, où elle avait également enseigné avant d’entrer chez Baker & McKenzie en 1981.

John Bluedorn est économiste principal au département Europe du FMI où il fait partie de l’équipe chargée de la zone euro. Il a travaillé auparavant sur les Perspectives de l’économie mondiale au département des études du FMI, contribuant à de nombreux chapitres. Avant d’entrer au FMI, il était professeur à l’université de Southampton, au Royaume-Uni, après avoir été chercheur postdoctorant à l’université d’Oxford. M. Bluedorn a publié sur différents thèmes dans les domaines de la finance internationale, de la macroéconomie et du développement. Il est titulaire d’un doctorat de l’université de Californie à Berkeley.