La première étape de ma visite au Moyen-Orient et en Afrique du Nord débutait il y a quelques jours au Maroc, pays qui m’accueillait avec son hospitalité et son amabilité légendaires. À la croisée des chemins de l’Afrique, de l’Europe et du Moyen-Orient, le Maroc ouvre des perspectives fort prometteuses comme pôle de rayonnement économique pour la région.
Le Maroc reste un modèle de stabilité malgré une conjoncture difficile, marquée notamment par la crise économique en Europe et les transitions politiques dans le monde arabe. Dans cet environnement délicat, son économie a fait preuve de résilience et de profondes réformes sont en cours.
Cependant, durant ma visite, le problème du chômage, en particulier chez les jeunes, revenait en boucle.
Au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, il y a actuellement plus de 15 millions de chômeurs. Ce phénomène n’épargne aucun pays et il touche les moins de 25 ans de façon disproportionnée. Au Maroc, comme dans la plupart des pays, le chômage des jeunes (19 %) est le double de celui de l’ensemble de la population (9,2 %).
Le douloureux problème du chômage sera au cœur des débats de notre conférence régionale d’Amman, qui débute demain. Sous le titre «Construire l'avenir : Emploi, croissance et équité dans le monde arabe» elle rassemblera des hauts dirigeants et des représentants de la société civile, du secteur privé et du monde universitaire pour débattre de la prochaine étape de la transformation économique des pays arabes en transition.
Renforcer le pilier central
Durant la conférence d’Amman nous serons à l’écoute les uns des autres, nous comparerons nos analyses et évaluerons les pratiques exemplaires. En tout état de cause, personne n’a de recette magique pour résoudre tous les problèmes économiques pressants.
Cela dit, à mes yeux, il ne fait aucun doute que pour assurer une croissance soutenue un pays doit avoir des fondements macroéconomiques solides. Il en va de la confiance qu’il faut entretenir pour pouvoir ensuite développer les investissements et créer des emplois. Outre la stabilité, je crois qu’une solide coopération entre les secteurs public et privé est indispensable pour promouvoir la croissance et la création d’emplois; or, à mon sens, une économie inclusive est mieux à même d’entretenir une croissance durable.
Dans un discours que j’ai prononcé jeudi dernier à Rabat, j’ai évoqué l’idée du renforcement du «pilier central» sur le plan de l’économie, de la société et de l’État, c’est-à-dire la nécessité de promouvoir des petites et moyennes entreprises plus dynamiques, une classe moyenne plus forte et un État qui ne soit ni trop absent ni trop envahissant.
La tâche n’est pas aisée. Comme j’en parlais avec mes interlocuteurs marocains, le secteur privé peut jouer un rôle important. Mais il ne le fera que si une action est menée pour améliorer le climat des affaires, en favorisant une réglementation plus judicieuse et une concurrence plus vive, en simplifiant les conditions de création d’entreprises et en veillant à ce que les PME disposent de financements suffisants.
Une économie plus inclusive exige en outre : 1) la mise en place des conditions appropriées pour que plus de jeunes et de femmes accèdent au marché du travail; 2) un enseignement qui développe les aptitudes recherchées par les entreprises modernes; 3) un meilleur fonctionnement des marchés du travail.
Une plus grande participation de la femme à la population active se traduirait par des gains réels du PIB de la région. J’ai traité de cette question durant ma visite au Maroc. Lors d’une rencontre avec un groupe de dirigeantes dynamiques et passionnées, j’ai été stupéfaite d’apprendre qu’au Maroc, les récentes promotions de diplômés étaient composées à 66 % de jeunes femmes; or 26 % seulement des femmes participent à la population active.
Cela va changer car un ratio si faible, d’ailleurs observé dans beaucoup de pays de la région, représente un énorme gaspillage de ressources. D’après certains calculs, si l'écart de participation à la population active entre hommes et femmes dans la région était le double de ce qu’il est dans les pays comparables (au lieu du triple comme à l’heure actuelle), la production augmenterait de 1.000 milliards de dollars sur une décennie.
Enfin, une économie plus inclusive suppose une plus grande transparence et une meilleure gouvernance. Les citoyens veulent savoir où vont leurs impôts et si les banques et les entreprises sont financièrement saines. Une gouvernance solide est essentielle car la corruption sape le bon fonctionnement de l’économie et peut finir par détruire la cohésion sociale.
L’avenir des jeunes
Dans la perspective de la conférence d’Amman, nous avons lancé une campagne sur Facebook pour être directement à l’écoute des jeunes du monde arabe et connaître leurs idées sur les meilleurs moyens de créer des emplois dans leur pays. Nous avons reçu les suggestions d’un large éventail d’hommes et de femmes. Beaucoup se faisaient l’écho des questions que je viens de soulever : la nécessité d’investir davantage dans la région, un appui plus soutenu à la création d’entreprises et l’urgence d’éradiquer la corruption. L’assurance et l’éloquence des jeunes étudiants de l’Université Internationale de Casablanca que j’ai rencontrés hier me confortent dans la conviction que la jeunesse du monde arabe est prête à relever les défis qui l’attendent.
Durant les deux journées à venir la conférence d’Amman me permettra de traiter de ces idées, et je ne peux que m’en réjouir.