Prix réels de l’immobilier résidentiel : faut-il de nouveau s’inquiéter?

Hites Ahir et Prakash Loungani

8 décembre 2016

En 2007-08, les prix réels de l’immobilier résidentiel se sont effondrés dans plusieurs pays, marquant le début de la crise financière mondiale. L’indice des prix mondiaux des logements du FMI, moyenne arithmétique des prix réels de l’immobilier résidentiel dans 57 pays, est pratiquement revenu à son niveau d’avant crise (graphique 1). Faut-il de nouveau s’inquiéter et craindre une chute des prix de l’immobilier résidentiel au niveau mondial?

L’étude de référence de Carmen Reinhart et Ken Rogoff sur les crises financières nous a montré qu’il était bien insensé d’affirmer : «cette fois, c’est différent». Néanmoins, il y a plusieurs raisons de penser que l’heure est à la vigilance et non à la panique.

• Premièrement, contrairement à la phase d’expansion des années 2000, l’envolée des prix de l’immobilier résidentiel n’est pas synchrone entre pays, et au sein de chaque pays elle est souvent limitée à une ville voire à quelques-unes. De plus, bien souvent, les nettes augmentations des prix observées ne sont pas le fruit d’une forte croissance du crédit : dans certains cas, en particulier dans les villes, la hausse des prix s’explique par des contraintes de l’offre.

• Deuxièmement, les pays recourent davantage à des politiques macroprudentielles pour juguler l’emballement des prix de l’immobilier résidentiel. Comme l’a dit notre ancien Directeur général adjoint, Min Zhu : «L’époque où l'envolée des prix de l’immobilier résidentiel était perçue avec une bienveillante indifférence est révolue».

Absence de simultanéité

À regarder plus près l’indice des prix mondiaux du logement, trois groupes de pays se distinguent (graphique 2, partie gauche).

• Le premier groupe — morosité — est composé de 18 pays où les prix de l’immobilier résidentiel ont considérablement chuté durant la crise financière mondiale et sont restés sur une trajectoire baissière.

• Le deuxième groupe — récession puis expansion — se compose de 18 pays où les prix sont remontés depuis 2013, après une forte chute entre 2007 et 2012.

• Le troisième groupe — expansion — réunit 21 pays qui ont enregistré une rapide remontée des prix des logements après une baisse relativement faible entre 2007 et 2012.

La situation diverge non seulement entre pays, mais aussi au sein des pays. La Chine constitue, à cet égard, un bon exemple. De façon générale, les prix des terrains sont restés sur une trajectoire ascendante, mais cette orientation masque des écarts considérables entre villes. Pékin «connaît l’une des plus fortes envolées des prix de l’immobilier résidentiel jamais enregistrées», d’après Joseph Gyourko, expert de l’Université de Pennsylvanie. Avec d’autres auteurs, il a construit un indice des prix des terrains résidentiels pour 35 grandes villes chinoises à partir de données sur les ventes de terrains par l’État à des promoteurs privés. Cet indice montre que les prix corrigés de l’inflation ont augmenté d’environ 25 % par an à Pékin ces dix dernières années, mais de moins de 10 % à Xian. Cette tendance se confirmera ou non selon le jeu de l’offre et de la demande, qui diffère également selon les villes. Amsterdam, Oslo et Vienne sont d’autres exemples de villes où les prix des logements augmentent plus vite que les moyennes nationales.

Contraintes de l’offre

Par le passé, nombre d’épisodes d’envolée des prix de l’immobilier résidentiel résultaient d’une croissance excessive du crédit. Or, dans le cas présent, les contraintes de l’offre semblent jouer un rôle important dans certaines augmentations des prix. Les permis de construire de logements n’ont que faiblement progressé dans les groupes «expansion» et «récession puis expansion» (graphique 2, partie droite). Les conséquences des contraintes de l’offre sont manifestes dans de nombreuses villes. À Copenhague et Stockholm, le parc immobilier ne s’est pas développé au même rythme que la croissance de la population, ce qui explique en partie l’augmentation des prix observée. Ces dernières années, le FMI a également mis en évidence le rôle des contraintes de l’offre dans certaines villes en Australie et au Canada, ainsi que dans de nombreux pays européens — Allemagne, France, Norvège, Pays-Bas et Royaume-Uni.

Vigilance accrue

Autre différence par rapport à la période précédant la crise : les autorités de réglementation nationales et internationales se montrent davantage vigilantes à l’égard de l’envolée des prix de l’immobilier résidentiel et recourent à des politiques macroprudentielles pour les juguler. Ces politiques ont été assez largement adoptées dans la période qui a suivi la crise, en particulier dans les groupes «morosité» et «expansion» (graphique 3).

Le FMI encourage vivement la mise en place de mesures macroprudentielles, parallèlement à des actions visant à stimuler l’offre, dans de nombreux pays, dont l’Australie, le Canada et plusieurs pays européens. La raison en est que même si l’augmentation des prix des logements tient aux contraintes de l’offre, son effet sur l’endettement des ménages pourrait avoir des conséquences négatives sur la stabilité financière.

La semaine dernière, le Comité européen du risque systémique (CERS) a «publié un ensemble d’avertissements mettant en garde contre l’émergence de vulnérabilités à moyen terme dans le secteur de l’immobilier résidentiel dans certains pays». Ces avertissements étaient adressés à huit États membres : l’Autriche, la Belgique, le Danemark, la Finlande, le Luxembourg, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la Suède. Cela illustre le type de vigilance dont il faudra faire preuve pour éviter que le passé ne devienne, encore une fois, l’avenir.
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Hites Ahir est agent principal de recherche au Département des études du FMI. Ses domaines de spécialisation sont les marchés du logement et l’évaluation des prévisions. Il a précédemment travaillé pour la Banque interaméricaine de développement où il a participé à l’analyse des pays du Cône sud. Il a suivi des études supérieures d’économie à l’Université Johns Hopkins.


Prakash Loungani est chef de la Division du développement macroéconomique au sein du Département des études du FMI. Il a coprésidé le groupe de travail «Emplois et croissance» du FMI de 2011 à 2015. Il est également professeur de gestion associé à l’Owen Graduate School of Management (Université Vanderbilt), où il enseigne dans le cadre du programme Executive MBA depuis 2001, et maître de recherche à l’OCP Policy Center.



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